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Regard critique · Justice sociale

Social

L’infinie richesse des pauvres

Fabienne Denoncin, juge de paix à Châtelet, a réalisé un travail photographique sur ses justiciables et sur les gens en situation de précarité à Charleroi.

12-10-2012 Alter Échos n° 347

Fabienne Denoncin est juge de paix à Châtelet. Elle a réalisé ces dernières années un travail photographique sur ses justiciables et sur les gens en situation de précarité à Charleroi.

Dans le cadre du projet Ressources Humaines organisé par le Réseau wallon de Lutte contre la pauvreté, l’exposition des photographies de Fabienne Denoncin, juge de paix de profession, mais aussi photographe1.

« De temps en temps… », précise-t-elle. Au départ, l’idée est double. « D’une part, j’avais envie d’humaniser la salle d’audience. Les gens s’y présentent souvent dans des situations critiques sans avocat, donc sans soutien. Il y avait un besoin de rendre les lieux plus chaleureux. D’autre part, j’exerçais depuis dix ans et je ressentais le besoin de laisser des traces de leur passage », nous explique-t-elle.

Le goût de la photo et un univers particulier : le moment était là ! « Les deux envies allaient bien ensemble car les portraits retracent toute une histoire », souligne-t-elle. Mis en confiance par la personnalité, les gens se laissent aller, car Fabienne Denoncin se refuse à prendre des photos volées tant des justiciables que des gens en situation précaire, d’autant qu’il ne faut pas mélanger les rôles.

« Dans le projet, j’ai veillé à faire la différence. Je n’ai jamais photographié pendant les audiences, sauf à une occasion où je m’étais fait remplacer. Par contre, j’ai effectué beaucoup de rencontres à domicile. J’expliquais mon projet en demandant aux gens de participer », se rappelle-t-elle. Au final, plusieurs centaines de photographies dont une trentaine ornent désormais les murs de la salle d’audience. Comment faire une sélection pareille ? « Il y a eu beaucoup de facteurs : le niveau d’émotion, la pertinence, la cohérence, l’intensité, la dignité… J’accordais évidemment aussi une place importante à l’image de la justice », commente Fabienne Denoncin qui estime que ses collègues ont réservé bon accueil à sa démarche. « Elle a été ressentie à la fois comme humaine et sérieuse », pense-t-elle, rappelant que la magistrature est un milieu assez réservé de nature.

Un même objectif de cohésion sociale
Le vécu de la magistrate du canton très défavorisé de Châtelet va amener la photographe, à son deuxième travail, à la rencontre des sans-abri de Charleroi. « Mon but était de rendre les gens plus visibles. A titre plus personnel, rencontrer les sans-abri m’a donné une vision de l’avenir des gens que je peux être amenée à faire expulser », estime-t-elle. « Avec mes photos, j’ai tenté de saisir leur richesse plus que leur pauvreté, leur résistance plus que leur fragilité, leur courage plus que leurs échecs et leur dignité plus que leur déchéance. Mes photos sont leurs mots », souligne joliment la photographe dans la présentation de son exposition.
Nous l’amenons évidemment à commenter la photo du couple de sans-abri. « Quand je les rencontre, ils sont à la rue depuis deux jours après s’être fait expulser. Il fait moins 7 degrés dehors. Ils se trouvent dans un parking souterrain à Charleroi. On a une longue discussion. La jeune fille est encore aux études. Dans leurs difficultés, ils apprécient qu’on s’intéresse à eux », se rappelle la photographe avouant ne jamais avoir revu les sujets de sa photo.
 
Ce qui ne devait être qu’un projet ponctuel va donc se poursuivre. « J’ai fait des photos pendant plus d’un an avant d’exposer. Cela demande du temps. Ce n’est pas mon métier », nous confie Fabienne Denoncin avant d’accepter de parler de ses nouveaux projets. « Dans la même veine, j’effectue un reportage sur les gens qui habitent dans ma rue à la limite de Charleroi et de Marcinelle. C’est plus ludique. Cela m’a permis de rencontrer mes voisins. Il a été présenté par les Arts et Métiers à La Louvière suite à une formation encadrée par la photographe Véronique Vercheval », nous décrit-elle.

A Namur, « Ressources Humaines » est un projet plus collectif. « J’en attends des échanges positifs avec des étudiants et des associations notamment. Cela crée du lien social. Les décisions judiciaires que je prends dans ma salle d’audience ont d’ailleurs le même objectif », conclut-elle.

Le projet « Ressources humaines !? » est une co-organisation du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté avec le Centre culturel régional de Namur, de Présence et Action Culturelles, le Centre d’Action Laïque de la Province de Namur et l’Université de Namur. En collaboration avec Jardin Passion, l’IPPJ de St-Servais et du Théâtre des Travaux et des Jours.
Du 18 octobre au 14 décembre 2012 dans différents lieux de Namur.

1. Informations et réservations :
– Sophie Pirson (081 25 61 68, sophiepirson@theatredenamur.be
Dossier de présentation : http://rwlp.be/images/evenements/Folder_Ressources_humaines_2.pdf

Jacques Remacle

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