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Regard critique · Justice sociale

Les Pays-Bas négligent la traite des êtres humains

CoMensha, qui coordonne l’information dans le secteur des victimes de la traite des êtres humains aux Pays-Bas, tire la sonnette d’alarme.

18-10-2012 Alter Échos n° 347

CoMensha est une fondation de droit privé néerlandais. Cette institution joue un rôle de coordination et d’information dans le secteur des victimes de la traite des êtreshumains aux Pays-Bas. Aujourd’hui, elle tire la sonnette d’alarme.

Selon CoMensha1, le nombre de victimes (possibles) de la traite des êtres humains a augmenté de 23 % en un an, passant de 993 en 2010 à 1222 en 2011. Sid’après la fondation privée en charge cette matière, cette augmentation résulte partiellement d’un meilleur travail d’identification, elle formule néanmoins troissouhaits pour l’avenir :
• l’établissement d’une politique et d’un financement structurel de l’accueil et de l’accompagnement des victimes de la traite des êtres humains ;
• un accroissement des points de contact ;
• une attention accrue envers l’exploitation des travailleurs.

En conséquence de l’absence d’une politique structurelle de la prévention, du signalement et de l’accompagnement des victimes, les points de contact sont nettementinsuffisants : 70 pour l’ensemble du pays. Mais ils étaient 50 en 2010 !

La police judiciaire, principal partenaire

Parmi ces contacts, la police judiciaire reste le principal canal de signalement avec 73 % des cas. Les 27 % restant se partagent entre la police des étrangers (3 %) lagendarmerie (2 %), l’inspection du travail (2 %) et les institutions sociales (20 %). « Cela tient aussi à des raisons historiques », nous dit Bas deVisser, responsable de projet auprès de la fondation : « La police est notre partenaire depuis des années. En 2005, la notion de traite des êtres humains aété élargie : elle ne concerne plus exclusivement la prostitution, mais aussi d’autres types d’exploitation, notamment dans l’agriculture. Le nombre de victimessignalées dans ce secteur a plus que doublé, passant de 45 à 106 personnes. C’est surtout l’industrie de l’asperge qui est concernée. Les travailleurs y sont »rémunérés » à 1 euro de l’heure alors que le salaire de base dans le secteur est de 8 euros ».

Des services comme la Protection de la Jeunesse en sont singulièrement absents alors que les mineurs sont nombreux à tomber dans les filets des trafiquants et notamment dans lesecteur de la prostitution. Des projets sont en cours : CoMensha a participé à la formation de plusieurs travailleurs sociaux du secteur, mais sans résultats jusqu’àprésent.

Toujours en l’absence d’une politique structurelle, en 2011, 35 victimes ont été placées sur une liste d’attente des centres d’accueil. Elles dormaient chez des amis, de lafamille ou dans des asiles de nuit. Une situation qui fragilise encore des personnes en condition déjà précaire.

Les victimes en provenance des pays de l’Est – Pologne, Hongrie et Bulgarie – sont en forte augmentation : « On les retrouve tant dans la prostitution que dansl’agriculture » affirme Bas de Visser. Y a-t-il des réseaux spécialisés ? « C’est difficile à déterminer, mais la police a mené degrandes actions en 2011 et a observé que les personnes en provenance de ces pays venaient souvent en grands groupes, de 4 à 50 personnes à la fois. Nous avonsdéveloppé une collaboration avec la Hongrie afin d’enquêter sur les filières de prostitution dans les deux pays, mais il est encore trop tôt pour affirmer quoi que cesoit ».

Une plus grande prise de conscience

Quelle est la vision de l’avenir de CoMensha ? « Les choses s’améliorent » affirme Bas de Visser. « Nous avons gagné 20 points de contact en unan, c’est important. L’inspection sociale a accompli un travail remarquable dans l’agriculture l’an dernier. Nous constatons aussi une meilleure attention des services sociaux auphénomène de la traite des êtres humains. Nous avons organisé quelques campagnes et nous en lançons une nouvelle en octobre. Quelques grandes institutions commencentà s’intéresser à la question. Nous avons reçu des financements supplémentaires, mais le problème de l’accueil spécialisé reste aigu : quefaire des enfants, des femmes menacées, sans structures spécialisées ? Seule une politique structurelle nous permettrait d’apporter une réponse adéquateà ces besoins. »

+ d’infos :
Alter Echos n° 334 du 16.03.2012 :
« Prostitution aux Pays-Bas : de bonnes intentions« 

1. CoMensha :
– site : www.mensenhandel.nl

Marco Bertolini

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