La peur, l’indignation, l’empathie ou l’humiliation sont devenues les moteurs des grandes transformations de notre époque. Pour la philosophe italienne et chercheuse au CNRS Gloria Origgi, les passions apparaissent comme des facteurs déterminants de nos choix politiques et sociaux. De l’abnégation à la xénophobie, elle vient de diriger un ambitieux dictionnaire des passions.
Alter Échos: Les passions semblent faire un retour en force. On le voit, par exemple, avec le mouvement des gilets jaunes en France. Comment analysez-vous cette recrudescence?
Gloria Origgi: Le mouvement des gilets jaunes est loin d’être la seule manifestation de cette recrudescence. Si vous pensez aux Indignés, à Occupy Wall Street ou aux printemps arabes, cela fait quand même une décennie que les passions ont fait un véritable retour en force. Cela dit, je ne crois pas que les passions soient plus présentes aujourd’hui qu’hier – c’est un élément qui a toujours existé –, mais elles sont plus saillantes désormais. Si elles apparaissent comme un phénomène plus ancré dans le présent, c’est parce qu’elles semblent plus indispensables que jamais pour comprendre les raisons pour lesquelles les individus, les citoyens agissent dans l’espace social. C’est surtout un terme dans une ère comme la nôtre, où la propagande reprend un rôle fort à travers les réseaux sociaux ou les fake news (infox), qui est plus ap...