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Regard critique · Justice sociale

Environnement/territoire

Le Parc du lac de Bambois, zone de non-droit

La zone de loisir du lac de Bambois de Mettet, victime de son succès ? D’un lieu de villégiature, elle se réclame désormais partie intégrante de la commune, les touristes de la première heure y résidant de manière permanente. Mais le flou juridique qui subsiste autour de l’habitat permanent plonge la zone dans le non-droit…

13-09-2013 Alter Échos n° 365

Le flou juridique et le blocage politique subsistent autour de l’habitat permanent. Ils plongent la zone de loisir du Parc du lac de Bambois dans le non-droit…

À peine entré dans le Parc du lac de Bambois, « zone de loisir » située au nord de la commune de Mettet, on constate que le camping appartient indéniablement au passé. Dans la proximité caractéristique de ces lieux de villégiatures, les rares caravanes installées sur de minuscules parcelles se font narguer par des chalets cossus et fleuris. Ici, les parcelles sont entretenues minutieusement. Là, les détritus jonchent le sol sans que personne ne semble s’en alarmer.

À l’image de ces grands écarts, le Parc du lac de Bambois mène depuis quelques années une double vie. Sur les 200 parcelles, pratiquement toutes celles qui sont occupées le sont de manière permanente. Ce lieu de vacances s’est mué en lieu de résidence… non sans causer de réels problèmes. Car partout, l’insécurité juridique règne. Les bâtisses construites (même par les autorités communales !) ou en cours de construction sont illégales.

« La vocation loisir n’y est plus du tout », confirme Yves Delforge1, bourgmestre de la commune namuroise. À résidence quotidienne, besoins quotidiens : réfection des voiries, distribution d’eau, d’électricité, télécommunication, pour ne citer que les principaux. Surtout lorsque l’hiver frappe à la porte d’habitants ayant eu pour habitude de n’y résider qu’en été. Or, en l’état, ce statut de zone de loisir empêche les habitants d’améliorer leurs conditions de vie.

Zone de non-droit : fin du statu quo

Les habitants qui souhaitent construire un logement en dur se voient systématiquement refuser le permis de bâtir par les services de l’urbanisme. Plan de secteur oblige : la zone est étiquetée « de loisir ». Cette dénomination fait obstacle à toute construction légale. Du coup, les fondations se creusent sans permis, défiant la loi, au vu et au su des autorités communales.

« Les habitants font ce qu’ils veulent », sourit (jaune) Yves Delforge. Mais la commune entend bien mettre de « l’ordre et du respect ». Après moult embûches, elle est parvenue à acheter les voiries et les communs et s’est fixé l’objectif d’aménager le site pour qu’il devienne un hameau supplémentaire de Mettet, dont les habitants jouiraient de « conditions viables ». Le projet pilote qui y est mené, lancé en 2012 par la ministre de l’Action sociale Éliane Tillieux (PS), va dans ce sens et s’inscrit dans une volonté renouvelée de la Région wallonne de réglementer l’habitat permanent.

HP, multidimensionnel

« Il existe une diversité de situations et de solutions », explique Éliane Tillieux, qui coordonne le plan habitat permanent actualisé. Les réponses à apporter sont dès lors multiples. La ministre socialiste suggère d’« envisager la reconversion de ces parcs en zones d’habitat ordinaire quand c’est possible ». Des critères bien définis (à l’étude actuellement et « sur le point d’être déposés sur la table du gouvernement ») seraient alors respectés. Le premier étant « la volonté communale » de s’inscrire dans une telle démarche. Viennent ensuite ceux d’éloignements et de proximité des lieux centralisés, d’infrastructures et de possibilités de transports. Une vingtaine d’infrastructures seraient concernées par la reconversion en zone d’habitat ordinaire.

Le plan Tillieux a trouvé preneur en la personne de Yves Delforge. Le bourgmestre de Mettet est décidé à prendre le problème à bras-le-corps et entend « éliminer ces caravanes mal entretenues », dès lors que « leurs habitants ont majoritairement fait ce choix à défaut d’avoir les moyens de s’offrir mieux ». Les autorités communales verraient bien s’ériger des logements sociaux sur les parcelles acquises, afin d’« offrir un toit aux plus précarisés ».

Mais que fait-on de ceux qui ont délibérément fait ce choix de vie ? Le bourgmestre de Mettet minimise leur nombre. Éliane Tillieux pondère. Outre les zones inondables, « les opérations de reconversion concerneraient les zones dont les habitants le souhaitent. Pour ceux qui désirent poursuivre ce mode de vie, eu égard aux critères structurés, il serait question de fixer des règles minimales ».

En tout état de cause, la volonté est de modifier une législation qui « empêche l’accès aux droits fondamentaux », résume Éliane Tillieux. « Il faut permettre aux uns d’accéder aux primes de relogement et à l’accompagnement social. Et aux autres, de bénéficier de primes à la réhabilitation », ajoute-t-elle.

Blocage politique

Le sort des habitants du Parc du lac de Bambois, à l’instar des 12 000 habitants de zones similaires en Région wallonne, est entre les mains des représentants politiques régionaux. Malgré des avancées (cartographie, état des lieux), l’aboutissement du dossier est freiné par son éclatement entre trois ministères (logement, aménagement du territoire et action sociale). Éliane Tillieux, qui a initié et coordonne le plan, dénonce les dissensions au sein du parti écologiste (compétent pour les deux premières matières mentionnées) entre Philippe Henry et Paul Furlan.

Le groupe Écolo du parlement wallon a posé, il y a peu, une proposition de résolution diamétralement opposée à ce qui s’essaie à Mettet : elle vise la reconnaissance, et non à la disparition, d’un mode d’habitat alternatif, qui serait inscrit à terme dans les codes wallons régissant l’aménagement du territoire et le logement. Après avoir déclaré à nos confrères du Soir que « cette solution n’est pas sur la table », la ministre de l’Action sociale arrondit les angles : « L’habitat permanent continuera d’exister mais il faut aider ceux qui veulent habiter ailleurs à se procurer un logement décent. »

« Habitat permanent, ordinaire, zone d’habitat à caractère rural, la dénomination que l’on donne importe peu, réagit le bourgmestre de Mettet, pourvu que l’on trouve une solution pour que les personnes qui vivent dans la précarité aient accès à un logement décent et salubre et que ceux qui vivent dans de meilleures conditions voient leur situation régularisée. » Mais à l’avènement de solutions, il croit peu. Selon lui, la perspective des élections bloquerait tout progrès alors même qu’à Mettet, la volonté d’avancer dans ce dossier persiste au fil des législatures et au gré des majorités successives.

En attendant l’accord politique, et donc le soutien financier, à l’échelle régionale, la commune a déjà trouvé dans la Province de Namur (qui a réalisé l’étude de faisabilité préalable) un allié de poids puisqu’elle apportera son concours au financement du réseau de distribution d’eau. « En hiver, les tuyaux de fortunes ne résistent pas au gel ». Alors, c’est le règne de la débrouille. Et ici encore, on use de by-pass pour pallier les manques. À l’image de ceux qu’utilisent les habitants pour remplir les blancs laissés dans le code wallon de l’aménagement du territoire et du logement.

1. Yves Delforge :
– adresse : place Joseph Meunier, 1 à 5640 Mettet
– tél. : 071 72 00 70

Valentine Van Vyve

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