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Regard critique · Justice sociale

Le Maribel social catalyse la syndicalisation du non-marchand

Un conflit entre les syndicats et la Fédération des institutions médico-sociales (Fims) a tourné au vinaigre. Ulcérés, les syndicats ont bloqué leversement des subventions Maribel social.

29-05-2009 Alter Échos n° 274

Un conflit entre les syndicats et la fédération des institutions médico-sociales (Fims) 1 a tourné au vinaigre. Objet du litige : la mise en place dedélégations syndicales dans les associations actives dans les soins de santé et l’aide sociale. Ulcérés, les syndicats ont bloqué le versement dessubventions Maribel social aux dites associations.

Si la hache de guerre paraît (provisoirement) enterrée, les subventions ayant été finalement libérées, la querelle qui a opposé les syndicatsà la Fims (et par extension à l’Union des entreprises à profit social (Unipso)2) semble avoir laissé des traces. « Cette situation n’a pas de sens,déclare Dominique Van de Sype, secrétaire général de l’Unipso. Effectuer les paiements des subventions du Maribel social n’a rien à voir avec de la concertationsociale. C’est de l’administration, cela doit être fait. Nous ne pouvons pas admettre que sous un prétexte de conflit, on mette en danger des institutions par ailleurs déjàen équilibre précaire de manière quasi permanente au niveau de leur budget. » Rappelons que le Maribel social est géré par le patronat et lesorganisations syndicales qui de facto possèdent un certain pouvoir de blocage.

Du côté de la Fims, on précise. « Le Maribel social représente entre 5 et 20 à 25 % de la masse salariale de certaines associations, affirme IsabelleGaspard, directrice de la fédération. Celles-ci reçoivent leurs avances par trimestre, au milieu du deuxième mois. Dans le cas qui nous intéresse, l’avance dupremier trimestre a finalement été payée début mai, pratiquement au moment où celle du deuxième trimestre devait également être versée !Ceci alors que les institutions n’avaient pas encore reçu le solde de 2008. Beaucoup d’entre elles se sont retrouvées dans le rouge, au point de devoir, dans certains cas, faire appelà des crédits de soudure auprès de banques pour pouvoir tenir le coup. » Dans ces conditions, si la Fims et l’Unipso accusent les syndicats de mettre les emplois dusecteur en danger (environ 240 équivalents temps plein, selon l’Unipso), les deux structures se montrent en revanche un peu plus évasives quant à l’origine du conflit.

« Pour un vrai fonctionnement paritaire »

Les syndicats se montrent, eux, un peu plus prolixes à ce sujet. Limité à la Commission paritaire 332, le conflit concerne le nombre de travailleurs« nécessaires » à la mise en place de délégations syndicales dans les associations du secteur. Initialement fixé à cinquantetravailleurs, ce seuil aurait dû passer à quinze travailleurs, à la suite notamment d’un protocole signé le 15 septembre 2006 entre la ministre Catherine Fonck (CDH), lepatronat et le banc syndical. « Pour nous, c’est primordial explique Yves Hellendorf, secrétaire national de la CNE non-marchand (CSC)3. Dans le cadre de l’ancienneréglementation, seulement 2 % des institutions du secteur disposaient d’une délégation syndicale. Or je rappelle que le Maribel social fonctionne selon une gestion paritaire. Ce »paritaire » doit donc également se retrouver sur le terrain. Avec ces 2 %, on ne peut pas dire que c’était le cas… »

Une situation que dénonce également Christian Masai, secrétaire fédéral du SETCa4. « Le nouveau système nous permettrait d’avoirenviron 60 % de délégations sur le terrain. C’est important car à partir du moment où l’on nous demande d’avoir la responsabilité de la gestion et ducontrôle du Maribel social, nous devons être en mesure de le faire sur le terrain. Ce blocage, nous l’avons provoqué parce que, pour nous, il y a un lien évident entre lefait d’avoir des délégations syndicales sur le terrain et la capacité de vérifier la réalité de l’octroi d’emplois Maribel. Or il semble que les employeurssoient frileux à l’idée d’associer les syndicats dans le contrôle des deniers publics lâchés pour créer de l’emploi… »

Et les deux syndicalistes de dénoncer ce qu’ils présentent comme du « renaclage » de la part de la Fims. « Après la signature du protocole deseptembre 2006, il a fallu un temps de discussion énorme, jusqu’à septembre/octobre 2008, pour trouver un accord, continue Christian Masai. Et puis en janvier 2009, nous avonsorganisé une assemblée. La Fims s’y est présentée avec 34 amendements… », continue Yves Hellendorf. Des amendements que Christian Masai présente comme« fondamentaux ». « Ce n’était pas du toilettage. Nous avons été patients mais ce n’était plus possible. Ce n’était pas notreintention d’en arriver là, mais ce qui s’est passé est dû à un déni de concertation. Nous ne pouvions pas laisser des gens qui étaient en situationminoritaire bloquer tout le processus. » En effet, d’après Christian Masai, seule la Fims bloquait la convention alors que d’autres fédérations y étaientfavorables. Les syndicats auraient alors proposé certaines mesures qui auraient pu permettre aux fédérations favorables à la convention de recevoir les subventions. LaFims s’y serait opposée.

« Le problème est réglé sur le plan technique »

Au milieu de ce désaccord profond entre les deux « camps », un point de convergence semble néanmoins émerger : si le problème est aujourd’huiréglé, c’est (seulement) sur le plan technique. En effet, après d’âpres discussions, la Fims a finalement identifié deux points de rupture sur lesquels l’ensembledes intervenants a travaillé. Une convention a finalement été signée et les subventions ont été débloquées. Pour le reste, on dresse, de partet d’autre, des conclusions et des revendications fort différentes. « Pour nous, le problème de fond, qu’un partenaire puisse bloquer le paiement des subventions, resteentier, déclare Isabelle Gaspard. La confiance est rompue. » Un constat qui pousse la Fims et l’Unipso à demander la mise en place d’un système légal permettantd’assurer la continuité du paiement des subventions. « Il y a une forme de vide juridique à ce niveau, déclare Dominique Van de Sype. Ce que nous voulons, c’est quel’on mette en place un mécanisme légal qui puisse assurer la permanence des flux financiers, car qui nous dit que les syndicats ne pourraient pas recommencer ? Cela risque dedétruire le Maribel social. »

Une déclaration à laquelle Christian Masai réagit : « Contrairement à ce que l’on veut faire croire, les syndicats ne sont pas les fossoyeurs du Maribelsocial. Ce problème traduit plutôt, selon moi, le point de vue d’une f&
eacute;dération qui fonctionne encore selon une logique paternaliste et n’accepte pas qu’un travailleur deterrain soit un interlocuteur dans le cadre d’une négociation paritaire. » Et concernant le « mécanisme légal » proposé par la Fims et l’Unipso? « Pas de problème. Que l’administration de l’emploi et du travail prenne donc le relais. Nous allons gagner du temps…», conclut Yves Hellendorf qui précisait, endébut d’entretien, que le Maribel social est « un investissement énorme pour les partenaires syndicaux. »

1. Fédération des institutions médico-sociales (Fims), rue belliard, 23 A à 1040 Bruxelles – tél. : 02 230 30 27 ou 02 280 31 04 – courriel :fims.asbl@skynet.be – site : http://www.fims-asbl.be

2. Union des entreprises à profit social (UNIPSO) :
– adresse : av. reine Astrid, 7 à 1440 Wauthier-Braine
– tél. : 02 367 23 90
– courriel : unipso@unipso.be
– site : www.unipso.be
3. CNE :
– adresse : av. R. Schuman, 18 à 1400 Nivelles
– tél. : 067 88 91 91 ou 067 88 91 97
– site : www.cnc-gnc.be
4. Secrétariat SETCa :
– adresse : rue haute, 42 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 512 52 50
– courriel : admin@setca-fgtb.be
– site : www.setca.org

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste (emploi et formation)

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