Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

La médiation de dettes est dans la dèche

Contrairement à leurs homologues wallons, les services de médiation de dettes (SMD) bruxellois sont très peu soutenus, tout comme le Centre d’appui chargé desoutenir au quotidien leur travail.

12-06-2009 Alter Échos n° 275

Alors que les services de médiation de dettes wallons sont subsidiés depuis près de quinze ans et qu’un décret flamand laisse entrevoir une telle perspective pourla Flandre, leurs homologues bruxellois restent les parents pauvres, tout comme le Centre d’appui1 chargé de soutenir au quotidien leur travail.

« Jusqu’à six mois d’attente : voilà le délai pour répondre à une demande d’aide d’une personne surendettée dans un certainnombre de services de médiation de dettes bruxellois aujourd’hui. L’année 2009 rime avec crise financière mais également avec pénurie de l’aide enmédiation de dettes. Les ménages bruxellois sont amenés dans ce contexte à adopter des stratégies « d’arbitrage de consommation » de produits et de services :nourriture et services de médiation sont à consommer avec modération » : c’est sur ce constat un brin sarcastique que la carte blanche du Centre d’appuibruxellois, parue dans Le Soir du 22 avril dernier, ouvrait le débat sur le financement du secteur de la médiation de dettes à Bruxelles avec un titre sanséquivoque : « Le surendetté bruxellois aurait-il moins de valeur que ses homologues régionaux ? »

Il faut savoir que la Région de Bruxelles-Capitale compte 31 services de médiation de dettes, agréés par la Cocof (Commission communautaire française) ou par laCocom (Commission communautaire commune). Certains sont rattachés au secteur public (CPAS), d’autres au secteur privé (associatif). Le secteur de la médiation de dettesbruxellois emploie près de 150 personnes. Il est impossible de quantifier le nombre de ménages aidés par ces médiateurs, étant donné l’absence destatistiques disponibles sur le surendettement bruxellois.

Un déficit de moyens

Les constats relatifs aux services de médiations de dettes bruxellois sont assez alarmants : les médiateurs qui y travaillent sont en effet submergés de demandes, à telpoint que des usagers sont venus frapper à la porte du Centre d’appui pour faire part de leur désarroi. Les dossiers sont complexes et si l’on veut faire du travail dequalité, cela prend du temps. Or il en manque cruellement. À tel point que la prévention, une autre mission des services de médiation, est clairement laissée enjachère.

Autre déficit : le manque cruel de statistiques pour Bruxelles. Ces dernières devraient en effet être développées pour mieux cerner le phénomène etengager des actions ciblées. Jusqu’à présent, seule une analyse régionale a pu être réalisée par le Centre d’appui en 2006 sur le suivi despersonnes surendettées2.

Tous ces constats sont clairement liés, souligne le Centre d’appui, au manque de financement de ce secteur, avec une absence totale de subsides pour les asbl qui font de lamédiation de dettes, un financement des CPAS ciblé sur les personnes présentant des dettes d’énergie, ainsi qu’un financement via la pratique de lamédiation judiciaire en règlement collectif de dettes qui couvre les honoraires des médiateurs mais, en aucun cas, les frais de fonctionnement et de personnel des services qui lapratiquent.

Dès lors, dans un mémorandum qui a été adressé aux partis politiques et au futur gouvernement régional, le Centre d’appui demande unsubventionnement spécifique pour la médiation de dettes, tant pour le volet curatif que préventif, ainsi qu’un financement pérennisé, augmenté etcouvrant les besoins financiers non rencontrés du Centre d’appui avec une attention particulière pour la formation continue, la prévention et le développement destatistiques.

Nouvelles législature, nouveaux enjeux

À l’occasion de son assemblée générale, qui s’est déroulée le 3 juin dernier, le Centre d’appui avait organisé une table rondequi se voulait un débat préélectoral, puisqu’il rassemblait les principales formations politiques bruxelloises, sur les thématiques de la pauvreté, dulogement et du surendettement. L’idée a été de réunir des politiciens de terrain, au courant des matières sociales et impliqués dans les questionsd’humanisation de la société.

Concernant la question de la pauvreté et du logement, Julie Fiszman (PS), députée bruxelloise sortante et conseillère communale à la Ville de Bruxelles, asurtout mis l’accent sur le renforcement du rôle des CPAS, tout en rappelant l’ensemble des politiques impliquées dans la lutte contre la pauvreté, commel’économie, l’emploi, le logement, les soins de santé et le rôle des hôpitaux publics ou encore la politique à l’égard des personnesâgées. En matière de logement, la députée a rappelé que Bruxelles compte une majorité de locataires, ce qui nécessite de réguler lemarché privé, avec un système d’objectivation des loyers. Michel Colson, député bruxellois MR et président du CPAS de Watermael-Boisfort, a pour sapart mis l’accent sur l’augmentation de la pauvreté à Bruxelles et sur l’apparition de nouveaux pauvres qui ont un emploi et ne bénéficient pas pourautant de revenus suffisants pour couvrir les besoins élémentaires. Il a notamment attiré l’attention sur la nécessité d’adopter un plan régionalen matière d’action sociale et de santé, en veillant à décloisonner les compétences et les niveaux de pouvoirs. En matière de logement, Michel Colson asurtout mis l’accent sur l’activation du partenariat public/privé pour la création et la rénovation de logements sociaux, sur les agences immobilières socialeset l’encadrement des loyers sur cette base volontaire, ainsi que sur l’encouragement de l’accès à la propriété.

Différences et convergences

Dominique Braeckman (Écolo), députée bruxelloise et chef de groupe à la Cocof, a mis en avant la prévention, le développement durable et lasolidarité comme prérequis à toute action sociale. Elle a également souligné l’importance de travailler avec et pas uniquement pour les gensainsi que sur la nécessité d’évaluer les politiques menées. En matière de pauvreté, la revalorisation et individualisation du revenud’intégration sociale, le renforcement du premier pilier en matière de pensions, la guidance énergétique… ont été évoqués. Pour ce qui est dulogement, Dominique Braeckman a accordé une attention particulière aux performances énergétiques des logements sociaux, aux nouvelles amendes en matière delogements vides, à la nécessit&e
acute; d’encadrer les loyers du secteur privé et à l’augmentation de l’offre de prêts du Fonds du logement.

Côté CDH, Clotilde Nyssens, députée fédérale, a évoqué la nécessité d’articuler les politiques fédérales etrégionales, notamment en maintenant les niveaux de revenus, ainsi que la liaison du pouvoir d’achat au bien-être. Elle a plaidé pour l’utilisation des moyens restantspour des mesures ciblant spécifiquement les populations défavorisées, par exemple en luttant contre les pièges à l’emploi, en améliorant laqualité de l’enseignement par le biais de politiques de discrimination positive ou encore en maintenant les allocations familiales majorées pour les chômeurs remis àl’emploi. Par rapport au logement, Clotilde Nyssens a évoqué l’idée d’un complément logement, d’une plus grande rotation au sein des logementssociaux et de critères d’objectivation des loyers.

Quant aux deux représentants de partis flamands, le premier à prendre la parole, Jan Beghin (SP.A), député bruxellois, a plaidé pour une véritablepolitique d’aide sociale pour les plus démunis plutôt qu’un saupoudrage de l’argent public pour tous et, notamment, à ceux qui n’en ont pas besoin. Il aégalement mis l’accent sur le caractère transversal des actions en matière de pauvreté et sur la nécessité d’évaluer. Le secondinterlocuteur flamand, Jean-Luc Van Raes (Open VLD), lui aussi député bruxellois et président du CPAS d’Uccle, a parlé de rentabilisation du social, avec le CPASpour moteur de la coordination sociale. En matière de logement, tout en préconisant la construction de logements sociaux, il a également évoqué l’allocationloyer et la nécessité d’occuper les logements vides.

Quant au surendettement, tous se sont accordés sur la nécessité de prévoir un financement de la prise en charge, que ce soit au travers des services de médiationde dette des CPAS ou des services privés. Si le PS et le SP.A ont mis l’accent sur la formation des médiateurs de dettes, Écolo a rappelé son souci d’investirdans la prévention, l’importance du service bancaire universel et la nécessité pour les moins nantis d’avoir accès aux prêts sociaux et sur lefinancement du Centre d’appui, notamment pour disposer de données statistiques fiables. Le MR a fait de son côté remarquer le paradoxe selon lequel la Cocof souhaiteimplémenter une démarche d’évaluation qualitative au secteur ambulatoire social, en ce compris les services de médiation, alors même que ces derniers sont lesseuls à ne pas être subventionnés.

Une telle unanimité laisserait à penser que le dossier pourrait évoluer avec l’arrivée du nouveau gouvernement bruxellois. L’état des caisses de laRégion pourrait cependant en décider autrement.

1. Centre d’appui aux services de médiation de dettes bruxellois :
– adresse : bd du Jubilé, 153-155 à 1080 Bruxelles
– tél. : 02 217 88 05
– courriel : info@grepa.be
– site : www.grepa.be

2. Voyez le rapport statistique publié en mai 2007 et téléchargeable sur : www.grepa.be/uploads/…

Nathalie Cobbaut

Nathalie Cobbaut

Rédactrice en chef Échos du crédit et de l'endettement

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)