Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

La jeunesse porte conseil

Le point sur l’actualité chargée du Conseil de la jeunesse avec son secrétaire général : Alexandre Azer-Nessim.

01-05-2011 Alter Échos n° 314

Actualité chargée pour le Conseil de la jeunesse1. Fin des consultations sur l’emploi. Une nouvelle Agora. Le projet d’un Conseil fédéral de lapublicité, le Plan jeunesse et dans quelques mois, déjà, de nouvelles élections des représentants des jeunes. Inventaire de ces enjeux avec le secrétairegénéral du Conseil de la jeunesse, Alexandre Azer-Nessim.

AE : Le Conseil de la jeunesse a sorti fin mars les résultats de la troisième phase de consultation des jeunes sur l’emploi. Pouvez-vous nous rappeler le contexte de cetteconsultation et son ampleur ?

Cette consultation s’est étalée sur plusieurs mois. Elle a eu lieu dans le cadre du dialogue structuré instauré par les instances européennes. C’est en fait lemonde politique européen qui rencontre et consulte les jeunes sur un thème précis. Ici, l’emploi. On s’est impliqué dans le cadre de la présidence belge. Nous avonsdonc consulté environ mille jeunes, en prenant contact dans des festivals, via les organisations de jeunesse (OJ) ou sur internet. Puis nous avons monté des groupes de discussion etréalisé des entretiens qualitatifs. Il a ensuite fallu synthétiser cette somme d’informations et en faire des recommandations.

AE : Sur le fond, ce document fourmille de recommandations, comme l’augmentation du congé de paternité, l’augmentation du nombre de places en crèche,l’intégration de jeunes « non organisés » [NDLR des jeunes qui ne font pas partie d’un mouvement de jeunesse] dans le dialogue social. Quelle serait votrepriorité ?

J’estime que la lutte contre les contrats précaires, qui pénalisent souvent les jeunes, devrait être une priorité. L’excuse de la crise ne doit pas permettre demultiplier ces contrats précaires ou d’intérim. Nous allons donc poursuivre le lobbying. Ce type d’outil peut aussi nous servir à appuyer notre plaidoyer auprès desautorités belges. Bien sûr, on peut dire et redire qu’il faut limiter le recours à des contrats précaires, mais cette thématique doit être appropriéepar les syndicats si on veut avancer.

AE : Pensez-vous vraiment que ces consultations européennes servent à quelque chose ?

D’abord, c’est intéressant pour le Conseil de la jeunesse qui a été reconnu comme un interlocuteur sérieux. Cette consultation fut aussi l’occasion d’une bonnecollaboration avec les Conseils de la jeunesse germanophone et flamand. Les recommandations sont écoutées formellement dans le cadre de la politique européenne. Ceci étantdit, il y a un gros écueil. Cette consultation porte sur la politique de l’emploi et on ne nous fait rencontrer que des gens qui ont des compétences en matière de jeunesse. Cequi limite la portée de la consultation. Il faut l’avouer, au niveau européen, nous avons l’impression que nos synthèses sont édulcorées, qu’elles nereprésentent pas forcément ce qui était dit à la base. On ne se fait pas d’illusion, cela ne changera pas fondamentalement la politique européenne en matièred’emploi. On l’a vu avec l’initiative Youth on the move, lancée par la Commission européenne [NDLR Youth on the move, ou « jeunesse en mouvement » est uneinitiative visant à renforcer l’employabilité des jeunes]. Youth on the move a été lancé avant la grande conférence de Budapest qui finalisait le processusde dialogue structuré sur l’emploi… De plus, sur le fond, Youth on the move est dérangeant, c’est un document très flou qui répond à la question« comment rendre les jeunes bien formatés pour l’emploi en 2020 ? » Comme si l’employabilité prenait l’ascendant sur tout le reste. Notre idée c’estplutôt d’investir dans l’éducation, pour une pleine intégration des jeunes dans la société.

A la Panne, t’es trop VIP !

A la côte belge, cet été, il sera peut-être possible de croiser une nouvelle brigade de police. Très cool. Lunettes de soleil et armes à feu enévidence. Une petite chaînette en argent autour du cou. L’officier mâchonnant son chewing-gum en regardant les filles qui marchent sur la plage, on l’imaginedéjà.

Ils sont à craindre, car cette méga brigade sera à la chasse aux jeunes. Nom de code : VIP, pour Very irritating police.

Les responsables de la zone de police Westkust ont puisé dans leur imagination féconde pour créer ce projet. Leur mission sera simple : être le poil àgratter des jeunes sources de nuisance.

Le Conseil de la jeunesse a réagi rapidement face à cette « provocation ».

Selon eux, « ce dispositif policier discriminatoire, stigmatisant et contre-productif ouvre la voie à de dangereuses dérives abusive ».

Une décision qui, en dépit du bon sens, ne cherche pas à améliorer les attraits touristiques d’une côte belge un peu pâlotte.

AE : Evidemment, il n’y a pas que cette consultation sur l’emploi dans l’actualité du Conseil de la jeunesse. Il y a, fin avril, la seconde Agora – Forum de réflexionet d’échange avec des jeunes – un moment fort pour votre organisation.

Oui, cela permet de prendre le temps de l’échange, avec des jeunes, sur deux jours. Celle-ci aura pour thème la participation. L’objectif de l’Agora est d’écouter l’avis desjeunes et éventuellement de les confronter à un responsable politique sur un sujet de société. A la fin de cette Agora, nous ferons un recueil de recommandations que l’onportera au niveau politique.

AE : Un des défis de l’Agora est de toucher davantage de jeunes, de milieux sociaux variés. Cela correspond à l’un de vos objectifs : faire du Conseil de lajeunesse un lieu plus représentatif des jeunes et de leur diversité. Avez-vous avancé sur ce thème ?

Il ne faut pas se leurrer. Ce n’est pas avec trois mille jeunes votants lors des dernières élections de l’assemblée générale du Conseil de la jeunesse que l’onpeut prétendre à la représentativité. On ne la cherche pas à tout prix. Ce qu’il faut, c’est augmenter la légitimité du Conseil, en mobilisantdavantage d’électeurs fin 2011, lorsque l’AG sera renouvelée, mais surtout en multipliant les moments où nous pouvons écouter des jeunes d’un peu partout. Notre travailest participatif, mais le Conseil n’est pas représentatif. C’est vrai que nous ne touchons pas tous les types de jeunes. D’ailleurs, à l’heure actuelle, c’est un fantasme de touchertous les jeunes. Il y a deux ans, quand on a retiré les organisations de jeunesse du Conseil de la jeunesse [NDLR désormais, 60 % des membres de l’AG du Conseil de la jeunesse sontissus des organisations de jeunesse, mais ne les représentent pas], l’idée était de faire venir de « vrais » jeunes qui n’auraient pas étédans les OJ ou les maisons de jeunes. Quand on y réfléchit, l’image des Organisations de jeunesse comme repai
re de jeunes bourgeois, c’est un cliché, car elles touchent desjeunes de milieux sociaux très variés. Finalement, si on nous coupe des organisations de jeunesse, seuls les jeunes les mieux informés sont représentés.

AE : Donc l’objectif de représentativité accrue que vous recherchiez en retirant les OJ de votre assemblée générale n’a pas été atteint.Envisagez-vous de réintégrer les organisations de jeunesse dans votre assemblée générale ?

A titre personnel, je pense qu’il faudrait en effet un système mixte avec des jeunes qui siègeraient à titre individuel et des représentants d’organisations dejeunesse, de Maisons de jeunes et de représentants du secteur de l’Aide à la jeunesse. On avance en faisant des essais et des erreurs pour trouver le meilleur système.

AE : Et concrètement, pour toucher des jeunes de milieux sociaux plus variés, qu’avez-vous fait, ou essayé de faire ?

Pour les jeunes non impliqués, qui souvent sont dans les quartiers les plus pauvres, on avait pensé faire une campagne d’information ciblée. Mais aprèsréflexion, viser uniquement un public défavorisé, cela ressemble à de l’instrumentalisation. Cela renvoie l’image d’un Conseil de la jeunesse qui cherche à toutprix un « jeune à casquette », pourrait-on dire de manière provocante. Nous avons préféré axer nos efforts sur des actionsdécentralisées, du type Agora ou forums en visant des jeunes de partout. Il y a un public mixte dans ces évènements. Alors bien sûr, on nous dira que ceux qui ontreçu l’information sont déjà dans des maisons de jeunes, des associations, il ne s’agit pas de jeunes « non impliqués ». C’est là que l’ontouche au fantasme. Comment approcher des jeunes qui ne sont touchés nulle part ?

AE : Le Conseil de la jeunesse, organe représentatif des jeunes, est évidemment en première ligne lorsqu’il s’agit de politique « jeunesse ». Quepensez-vous du fameux Plan jeunesse de la ministre Evelyne Huytebroeck ? Le Conseil de la jeunesse a remis un avis favorable, contrairement aux instances d’avis…

L’assemblée générale a eu raison de dire « oui, mais ». En gros, l’avis du Conseil de la jeunesse, c’est qu’il y a un intérêt pour un Plan jeunesse qui mette enplace des dynamiques communes entre secteurs qui traitent de la jeunesse. Il y a des choses intéressantes dans la note d’intention proposée par la ministre. Cependant, certains desobjectifs qu’elle fixe comme la « participation des jeunes » ou la « prise en compte des situations plus difficiles de certains jeunes » devraientêtre des objectifs transversaux. Dans toute politique, il faut faire attention à ces dimensions. L’objectif d’avoir une Conférence interministérielle sur les questions dejeunesse est un bon objectif. Il y a plusieurs ministres qui ont des compétences qui touchent les jeunes et qui travaillent l’un à côté de l’autre. Il faut qu’ilstravaillent ensemble. Vu le système belge et ses coalitions, ses différents niveaux de pouvoir, il y a tout de même un risque que chacun veuille tirer la couverture à soi.Je ne suis même pas sûr que tous ces ministres se disent qu’il y a un intérêt à travailler ensemble.

AE : Pourtant, une grande majorité du secteur Jeunesse estime que la ministre a proposé des objectifs assez flous dans ce Plan jeunesse…

Dès le départ, dans la déclaration de politique communautaire, l’objectif d’un « plan concerté pour les 12-25 ans » est un objectif flou. C’estdifficile de voir ce que les négociateurs voulaient y mettre. Maintenant, les choses ont avancé. Ce que je trouve vraiment intéressant dans cette ébauche de plan, c’estque la logique du secteur jeunesse – et notamment l’éducation non formelle qui est d’une richesse incroyable – soit le noyau d’un plan qui touche d’autres secteurs.

AE : Parmi les objectifs de ce Plan jeunesse, il y a la fameuse idée d’améliorer « l’image des jeunes ». Pensez-vous qu’il y ait un vrai besoin en lamatière ? N’est-ce pas une vision déformée par le secteur… un peu complaisant avec lui-même ?

Nous réfléchissons à l’heure actuelle aux possibilités concrètes de changer l’image des jeunes. Le jeune est souvent perçu comme une menace. Dans beaucoupde faits divers, on met en avant l’âge des gens concernés. Néanmoins, à titre personnel je ne pense pas qu’il y ait une problématique spécifique« image des jeunes ». Comme dans d’autres pans de la société (les étrangers, les femmes, ou d’autres « catégories »), il y a une lecturemédiatique pas très valorisante. Dans ce contexte, que le Conseil de la jeunesse s’attarde sur l’image des jeunes, c’est logique. Et il y a des démarches positives.« Quand les jeunes s’en mêlent », par exemple, sur la RTBF radio, a désormais une plage quotidienne. Au sein des informations dites importantes, on montre desinitiatives positives.

AE : Le travail du Conseil de la jeunesse s’intéresse de près aux médias, et notamment à la publicité. Quelle est votre action en cedomaine ?

Nous avons commencé à travailler sur la publicité au sein de la plate-forme « jeunes-alcool ». C’est un gros problème de constater qu’enparallèle aux campagnes de sensibilisation sur les dangers de l’alcool, les jeunes sont les cibles de publicités poussant à consommer de l’alcool. On s’est dit que lapublicité posait des problèmes plus larges, car les jeunes sont souvent des cibles prioritaires. Il est nécessaire de réfléchir sur ce que représente lapublicité dans la vie de tous les jours et ce que cela induit comme comportement. Petit à petit, avec le Crioc (Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs)et Univers santé, nous avons réfléchi à la mise en place d’un Conseil fédéral de la publicité. C’est ce que nous proposons. Il s’agirait d’uneinstitution publique de contrôle de la publicité, qui supplanterait l’actuel Jury d’éthique publicitaire, composé majoritairement de professionnels de la pub. C’est unprojet qui avance, du moins du côté francophone où les quatre principaux partis semblent intéressés par l’idée.

AE : Quelles sont vos autres priorités pour ces prochains mois ?

Tout d’abord, à la suite d’un forum sur la transition énergétique, nous allons remettre un avis sur ce thème. D’une manière ou d’une autre, il faudraréduire notre consommation. Les jeunes doivent se saisir de ces questions et mettre en avant d’autres comportements de consommation, et le Conseil de la jeunesse doit porter ce genre depréoccupations. Bien sûr, l’autre grande priorité, ce sera les élections de l’assemblée générale fin 2011.

AE : Alors qu’il se dit que vous allez quitter votre poste de secrétaire général, comment évalue
z-vous le travail du Conseil de la jeunesse ? Est-ce uneinstitution utile, ou est-ce un outil plus ou moins instrumentalisé par les politiques ?

Le Conseil de la jeunesse est utile ! Mais il pourrait l’être plus s’il était davantage connu des jeunes. C’est un chouette outil qui permet de mettre en avant des propositions dejeunes, et de les confronter à des responsables politiques. Quant à l’impact de notre travail, il existe. Nos travaux sont souvent repris par des députés. Par contre, j’aipeur que le Conseil de la jeunesse s’affaiblisse au fil des ans si on ne réintègre pas le secteur Jeunesse dans notre AG. Avec un renouvellement total de l’AG tous les deux ans, sansles représentants du secteur, j’ai peur que l’institution manque de continuité, qu’il n’y ait pas de fil rouge qui permette d’être cohérent au fil des années.

1. Conseil de la jeunesse :
– adresse : boulevard Léopold II, 44 à 1080 Bruxelles
– tél. : 02 413 29 30
– courriel : conseil.jeunesse@cfwb.be
– site : www.conseildelajeunesse.be

Cédric Vallet

Cédric Vallet

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