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Regard critique · Justice sociale

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L’accès à la justice en centre fermé ne peut être aléatoire !

Un second état des lieux sur les centres fermés1 réalisé par une dizaine d’associations actives en droit des étrangers vient de sortir.Après la thématique psycho-médicale, c’est à présent l’accès à la justice qui est passé au crible. Un accès enthéorie assuré, en pratique limité…

28-11-2008 Alter Échos n° 263

Un second état des lieux sur les centres fermés1 réalisé par une dizaine d’associations actives en droit des étrangers vient de sortir.Après la thématique psycho-médicale, c’est à présent l’accès à la justice qui est passé au crible. Un accès enthéorie assuré, en pratique limité…

« Dans les centres fermés de l’Office des étrangers (OE), chaque résident a droit à l’assistance d’un avocat. L’avocat peut rencontrer sonclient tous les jours entre 8 h et 22 h », se défend l’Office dans un récent communiqué destiné à contrer les accusations portées par Pieter deGryse, porte-parole de Vluchtelingenwerk Vlaanderen. En effet, le rapport dresse d’emblée le cadre juridique européen et belge. Ce dernier est prévu parl’arrêté royal du 2 août 2002 dont les principes généraux sont, pour tout directeur de centre, d’informer l’occupant sur son droit àl’assistance juridique et de permettre les contacts téléphoniques entre les personnes et leur avocat.

Or, comme le souligne Christophe Renders, directeur du Jesuit Refugee Service (JRS)2, « le problème le plus crucial entre les centres et les avocats est le manque decommunication spontanée de toute donnée susceptible d’aider l’avocat, souvent pro deo, à défendre efficacement la personne. » Les assistantssociaux des centres, fonctionnaires chargés du rapatriement comme le précise leur description de fonction, sont tenus de respecter leur mission : non pas celle d’informer lesétrangers sur les possibilités de recours mais celle d’accompagner ces derniers jusqu’au vol de retour. Comment faire valoir ses droits quand on n’a pasd’avocat, que l’avocat n’a pas pris connaissance du dossier ou que les délais de recours sont dépassés comme dans une demande de suspension en extrêmeurgence devant le Conseil du contentieux des étrangers (CCE) à introduire endéans les 24 heures ? Malgré l’absence de données statistiques sur l’aidejuridique en centre fermé, un chiffre prête à réflexion : seulement 16 %, soit moins d’une personne sur cinq, sont passés devant une juridiction en 2007 pourcontester la décision d’enfermement.

Des permanences de première ligne

« L’information, l’interprétariat et l’accès à un avocat sont les trois piliers d’une aide juridique de qualité », relève lerapport. Si cet état des lieux suggère cinquante recommandations à l’attention des décideurs, des ministères concernés, du personnel des centresnotamment, l’un des objectifs à court terme serait la mise en place d’une permanence d’avocats ou de juristes indépendants de l’OE au sein même descentres. Jusqu’à présent, ce sont surtout les bureaux sociaux qui jouent l’interface avec l’extérieur. Véronique Docks, avocate au barreau de Bruxelless’en inquiète. « Bien souvent, les personnes n’ont pas confiance en leur assistant social qui, parfois, les décourage de tenter toute procédure. Il serait bonque les barreaux et le bureau d’aide juridique (BAJ), déploient les moyens pour ouvrir ces permanences. »

Parallèlement à cette mesure, la désignation d’un avocat dès le premier jour d’arrivée de la personne devrait être automatique. Trop souvent,un avocat pro deo est désigné au delà du délai possible pour un recours en extrême urgence. Dans certains centres, l’assistant social disposed’une liste fournie par le BAJ mais, pour la plupart d’entre eux, le passage par le secrétariat du BAJ allonge la chaîne des intermédiaires… et fait donc perdredu temps ! « Par ailleurs, il est important d’assurer un contrôle des prestations des avocats. Si ces contrôles existent dans le cadre du pro deo, il est difficile desuivre les avocats privés qui profitent de la vulnérabilité des personnes pour facturer lourdement leurs services », poursuit l’avocate.

Des mesures réalistes et réalisables

« Pour ce qui est de l’amélioration de la qualité de l’information fournie aux personnes, pas besoin d’attendre un arrêté royal ! C’estsurtout les directions des centres qui peuvent faire bouger les choses. Or, ces dernières ont fortement critiqué le rapport », admet Christophe Renders. D’oùl’importance de présenter cet état des lieux à un maximum d’acteurs, dont les parlementaires qui ont un contrôle sur l’exécutif.

Par ailleurs, sensibiliser les barreaux à la thématique et permettre une formation continue des avocats, pas toujours au fait de cette matière complexe alliant lourdeuradministrative et judiciaire (aspect criminalisant des mesures de détention), sont des combats à renouveler sans cesse. « Réunir les acteurs concernés autour detables rondes ou lors d’une journée d’étude est primordial », conclut le directeur du JRS.

1. Le rapport complet et sa synthèse sont téléchargeables sur le site du Ciré : http://cire.irisnet.be

2. Jesuit Refugee Service, JRS :
– adresse : rue Maurice Liétart, 31/9 à 1150 Bruxelles
– tél. : 02 738 08 18
– site : www.jrsbelgium.org

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