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Regard critique · Justice sociale

Environnement/territoire

Histoire de canal et de laxatif

L’Atelier 340 est en difficulté financière. Petit tour de la question.

18-12-2011 Alter Échos n° 329

L’enseigne peut prêter à sourire : « Chez Wodek ». La maison qui s’abrite derrière elle est un centre d’art contemporainparticulier et reconnu par le milieu artistique, l’Atelier 3401.

La porte franchie, le maître des lieux autoproclamé président-concierge revient sur des déboires récents avec les autorités. « Je ne suis pas enconflit avec le ministère. On vit simplement dans un monde politisé. Je n’ai pas de carte politique. Nous retirer nos derniers subsides [NDLR: 153 000 euros annuels] est unedécision partisane demi-intellectuelle », déclare-t-il d’emblée. L’homme est moins prolixe sur les réalités de sa gestion. L’asblaffiche une dette cumulée de l’ordre du million d’euros.

Mais l’Atelier 340 existe depuis 1979 et ne compte pas disparaître. « Nous avons un programme d’activité jusqu’en 2013, nous faisons un important travaild’édition de cartes postales distribuées dans le monde entier, et nous maintenons notre école artistique pour enfants dont la reconnaissance comme centre d’expressionet de créativité n’a pas été remise en cause », prolonge-t-il en précisant que son chiffre d’affaires avoisine 700 000 euros dont 80 %relèvent de l’autofinancement.

Un avenir laxatif ?

Le bourgmestre de Jette, Hervé Doyen (CDH), soutient le concept et le lieu mais comprend la position de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui estime que la gestion laisse tropà désirer pour encore l’épauler. « En tout cas, je ne perçois pas de ressentiment particulier de la ministre de la Culture vis-à-vis de la personne deWodek. Mais sans plan d’apurement, je ne vois pas de solution. C’est sans doute dommage qu’il s’enferre dans sa démarche », confie le maïeur. Wodek a eneffet lancé une campagne sur le thème du laxatif. « Après une purge, on est censé être plus propre et en meilleure santé »,plaisante-t-il. Au-delà du canal, précisons-nous…

Le centre accueille un public important venu de Flandre (60 %) et international. Mais son implication dans le quartier est réelle via l’école et un bar/resto quifonctionne l’été dans le jardin. Pour sa part, le bourgmestre garde espoir. « Qui sont les créanciers ? La dette est-elle si réelle que cela ?Certains créanciers pourraient accepter de l’abandonner. Mais sera-ce suffisant ? », s’interroge-t-il.

Du côté du cabinet de Fadila Laanan (PS), ministre de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, on estime qu’on n’avait plus le choix. On y confirme laréalité de la dette, importante, notamment vis-à-vis le l’ONSS. « Sans plan d’apurement, pas de perspectives ! », y résume-t-on. Lecabinet reste attentif et ouvert en reconnaissant que rien n’a évolué depuis la décision de supprimer les subsides.

Une place à part sur la carte bruxelloise

Pour Vincent Lurquin2, député bruxellois Ecolo, le débat autour de l’atelier 340 est important parce que cette partie de Bruxelles n’est pas riche eninfrastructures culturelles. « Cela s’inscrit dans un débat plus vaste sur le développement culturel territorial et l’adoption d’un plan culturel pourBruxelles qui n’avance pas beaucoup », estime-t-il. La commission culture de la Cocof que préside Vincent Lurquin a procédé à des auditions.« Beaucoup d’interlocuteurs de terrain suggèrent qu’une cartographie plus précise soit établie. On doit donc fusionner les différentes cartographiesexistantes incluant notamment les infrastructures flamandes », estime-t-il. Est-ce vraiment utile ? Il en veut pour preuve cet exemple : « Comment comprendre lesenjeux culturels à Berchem-Sainte-Agathe sans connaître la présence du Kroon, centre culturel néerlandophone, à cinquante mètres du Fourquet, centre culturelfrancophone ? D’autant que ces institutions collaborent régulièrement », soutient le député qui prévoit une interpellation parlementaireprochaine sur la question de cette cartographie commune.

Pour lui, l’Atelier 340 doit survivre pour la vie de ce quartier de Bruxelles. « Je voudrais essayer de ramener les différents interlocuteurs à la table : laFédération Wallonie-Bruxelles, la Cocof, la commune et l’Atelier 340. Cela n’a jamais été tenté. Cela pourrait aider à dégager unesolution. On pourrait envisager de nommer un administrateur provisoire qui établirait une gestion plus saine tandis que Wodek continuerait à s’occuper du culturel »,suggère-t-il.
Au-delà de cette démarche volontariste, qui peut encore aider Wodek ? Sans doute lui-même…

1. Atelier 340 Muzeum :
– adresse : drève de Rivieren, 340 à 1090 Bruxelles
– tél. : 02 424 24 12
– site : www.atelier340muzeum.be.

2. site : www.vincentlurquin.be

Jacques Remacle

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