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Regard critique · Justice sociale

La petite imprimerie de la Ghette1 (IDG), installée dans des locaux annexes de l’Institut de la Providence à Jodoigne, forme des personnes peu qualifiées aux techniquesde l’imprimerie. Les métiers directement visés sont ceux d’aide-conducteur sur machine polychrome et de conducteur offset une et deux couleurs, un procédéd’impression qui a encore son succès auprès des petites entreprises. Une formation bien adaptée au “public EFT” : au bout de la journée, les stagiairesont des résultats. Il y a un effet de création directe et le return est presque immédiat. Constituée en asbl depuis 1999, l’imprimerie était une section quis’était greffée en 1993 à l’Organisme d’insertion socioprofessionnelle (OISP), Service Jeunesse Brabant2 (SJB), initié par le député PSCAndré Antoine en 1987. “Un investissement politique qui n’a pas toujours été bien perçu, explique Luc Boverie, administrateur et président del’asbl. Beaucoup ont voulu faire croire qu’IDG était l’imprimerie d’André Antoine. C’est vrai que la politique procure du travail àl’imprimerie et assure des rentrées financières. Mais surtout quelle satisfaction personnelle que d’induire des projets concrets.” En 1998, la Commissiond’agrément OISP de la Région wallonne estime que la formation en conduite offset ne relève plus d’un OISP mais d’une EFT. L’année 1999 fut unvirage marquant pour ce lieu d’enseignement tourné désormais vers le milieu industriel.
La conduite offset répondait et répond toujours à un besoin. “Il y a de nombreuses imprimeries dans la région de Jodoigne, et donc des lieux potentiels destage”, explique Andrée Lequim, coordinatrice pédagogique d’IDG. Les entrées en formation sont permanentes. En 2000, l’asbl accueillait dix-neuf stagiaires. Ilssont huit en ce moment à l’atelier. Le taux d’insertion tourne autour de 20 à 30%.
L’imprimerie est un métier
Les particularités de l’EFT : être unique dans ce créneau dans la région de Jodoigne et de se situer dans un endroit où les propositions de formation sontrares. “Les stagiaires viennent plus pour une question de proximité que de motivation réelle par rapport à ce métier. C’est le premier pas quicoûte”, dira Andrée Lequim. Certains toutefois y prennent goût et trouvent un travail dans l’imprimerie. Contrairement à ce que l’on peut croire, lemétier de conducteur offset est un métier bien rémunéré. “S’il a une composante manuelle, il requiert des capacités de logique,d’anticipation et de rigueur car la moindre erreur se paie cash, explique Luc Boverie. C’est toute une chaîne d’opérations qui conditionne la réussite del’impression. Dans le secteur de l’imprimerie, les consommables sont coûteux. C’est pourquoi l’apprentissage est progressif et nous ne pouvons nous permettre de lancertrop tôt les stagiaires sur de la production, poursuit-il. Le but premier d’IDG est formatif et non économique. Nous avons une cinquantaine de clients et le meilleur chiffred’affaires atteint jusqu’ici est de 1.200.000 francs.” Toutefois, Luc Boverie reconnaît qu’il y a un potentiel à développer. De plus, dans trois ou quatreans, il faudra renouveler le matériel. L’offset de base pour un petit imprimeur coûte trois millions et demi! Si les subventions couvrent les frais de formation, elles nepermettent pas de réinvestir dans du matériel. “Pour 2002, nous devrons revoir notre grille de prix et faire de la publicité.”
“Or, former et produire sont des pôles difficiles à conjuguer”, confie Philippe Gathy, responsable technique de l’imprimerie et l’un des deux formateurs del’EFT. Des pôles qu’il gère par des heures supplémentaires. Sans compter le suivi psychosocial, assuré par Andrée Lequim quand cela estnécessaire. Les travaux doivent être livrés et le travail doit être vendable. Technicien supérieur en Industrie des arts graphiques, Philippe Gathy a travaillédans le privé avant de prendre ce poste de formateur. “En entreprise, c’est dur. On demande d’aller vite.” Parce que celle-ci ne laisse pas le temps d’apprendre,Philippe Gathy prend ce temps, encore et encore, pour montrer, expliquer, transmettre sa passion. Produit industriel de diffusion de la pensée, l’imprimerie est aussi un métiersensuel, un métier de toucher, d’odeurs et de couleurs.
“Il a fallu tout créer à partir de matériel d’occasion”, se remémore Philippe Gathy. C’était en 1993. Une formation essentiellementpratique, en PAO et en conduite offset, qui se clôture par un examen final qui doit être réussi avant le stage en entreprise (de six semaines). Les stagiaires sont peu nombreux, cequi permet de travailler mieux. La force de cette formation est de leur fournir un bon bagage pratique. Un métier qu’ils ont en mains et non dans la tête! La limite, par contre, setrouvera dans le seuil de technicité auquel ils pourront accéder par défaut de connaissances techniques, de non-maîtrise du français qui peut être une raisonde moindre avancement dans certaines imprimeries. Les couacs de son métier de formateur : l’absentéisme des stagiaires, les mille excuses invoquées pour ne pas venirtravailler, “la difficulté de considérer comme des adultes des personnes qu’il faut prendre par la main”, et la paperasserie de plus en plus accaparante. Sasatisfaction majeure : permettre à des gens qui viennent de nulle part de repartir avec de bonnes bases et la possibilité de trouver un emploi. “Avoir un métier et enêtre fier c’est déjà quelque chose. Les stagiaires quittent la formation avec un œil plus critique. Ils détectent plus vite les défauts et leurs raisons.Ils reconnaissent les différents organes d’une presse et en comprennent le fonctionnement, un savoir transférable sur d’autres machines en d’autres lieux. Ils sevoient évoluer, et c’est de plus en plus valorisant et… réjouissant.” La rigueur et l’esthétisme sont deux alliées précieuses dereconstruction du lien social.
1 IDG, Siège social : chée de Wavre 118b à 1360 Jodoigne, tél. : 081 65 70 71, contact : Andrée Lequim.Atelier : rue Sergent Sortet 23 à 1370 Jodoigne,tél. : 010 81 57 19, contact : Philippe Gathy, responsable technique.
2 SJB propose des formations professionnelles pour des demandeurs d’emploi en langues, informatique, bureautique et multimédias.

Nathalie Cobbaut

Nathalie Cobbaut

Rédactrice en chef Échos du crédit et de l'endettement

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