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Des "syndromes Asperger" insérés sur le marché du travail

Une entreprise d’économie sociale de Brasschaat (Anvers) a mis au travail une douzaine de personnes atteintes du syndrome d’Asperger comme testeurs de programmes informatiques. Uneexpérience plus que prometteuse : pour ce type de tâches, ils sont tout simplement meilleurs que les autres.

14-11-2008 Alter Échos n° 262

Une entreprise d’économie sociale de Brasschaat (Anvers) a mis au travail une douzaine de personnes atteintes du syndrome d’Asperger comme testeurs de programmes informatiques. Uneexpérience plus que prometteuse : pour ce type de tâches, ils sont tout simplement meilleurs que les autres.

Passwerk est une entreprise d’insertion qui a été fondée conjointement par deux sociétés informatiques et quatre entreprises d’économiesociale, avec le soutien de la ministre flamande de l’Économie sociale, Kathleen Van Brempt (SP.A). Au départ, les fondateurs se sont inspirés d’une expériencedanoise. Là-bas, le secteur des technologies de l’information s’intéresse déjà depuis un certain temps aux personnes atteintes de « troubles du spectreautistique » (TSA) qui sont dotées d’une intelligence normale ou supérieure, le syndrome d’Asperger1. Ils ont cherché une niche dans le marché flamand etl’ont découverte dans le domaine des tests de software.

Pour devenir test engineer, il n’est pas nécessaire de disposer d’une formation déterminée mais il faut disposer de capacités de réflexion d’un niveaucorrespondant à l’enseignement supérieur. Les candidats reçoivent une formation (Nico De Cleen, le directeur de Passwerk, prévoit d’engager des formateursà raison d’un pour sept candidats) et doivent subir des tests approfondis. Environ un sur cinq parvient à franchir ce dernier cap.

À l’heure actuelle, douze ingénieurs atteints du syndrome d’Asperger ont été formés mais Passwerk prévoit d’en former 62 de plus dans les cinqprochaines années et même 100 à 200 en tout avant que le marché ne soit saturé. Ordina et M2Q, les deux sociétés informatiques, parties prenantes duprojet Passwerk, s’engagent à les employer. Par ailleurs, selon le journal du secteur informatique Datanews, avec un salaire brut de départ de 1 850 euros, ces testeurs sontmieux payés que la moyenne des testeurs.

Accueil favorable

Actuellement, la société est surtout en train de tester la réceptivité des entreprises à ce type de candidatures, et les réponses sont plutôtpositives. Le secteur public (administrations flamande et fédérale) a manifesté son intérêt mais aussi le secteur commercial, ainsi que le monde des banques et desassurances. Pour Dirk Rombauts de Passwerk, la compassion n’a rien à voir là-dedans : « Ils travaillent mieux et plus vite que les autres. Ce qui fait la différence,c’est leur sens du détail, une qualité particulièrement importante en matière de test de programmes. Les autres personnes vont pouvoir lire une ligned’instructions trois à cinq fois sans relâcher leur attention. Eux, c’est entre soixante et cent fois ! » Il ajoute que les personnes atteintes du syndromed’Asperger pensent de manière très analytique : « Un client m’a raconté que l’un d’entre eux avait repéré presqueinstantanément l’unique erreur d’un programme de 20 000 lignes. Un de nos testeurs m’a expliqué qu’il adorait travailler avec des ordinateurs parce queceux-ci pensaient comme lui. »

Par contre, les faiblesses concernent notamment les relations sociales. Tout ce qui s’écarte d’un schéma préétabli, demande de l’empathie, du seconddegré ou de l’imagination est source de stress pour eux. Mais, dans le cas présent, les problèmes d’adaptation restent assez minimes. Certains sont perturbéspar un environnement trop changeant : une vue sur un chantier par exemple. D’autres peuvent être très réticents à tout contact physique, une simple tape surl’épaule pouvant alors être mal prise. Dans tous ces cas, il suffit d’avertir les futurs collègues pour éviter tout problème.

Paul Danneels du VDAB s’est lancé avec enthousiasme dans le projet de Passwerk. Il est convaincu que l’engagement de personnes atteintes de ce syndrome avec une formation adhoc peut être une vraie alternative à l’outsourcing en Inde. Il espère que ces nouveaux testeurs resteront une dizaine d’années en fonction, alorsque d’autres testeurs commencent souvent à chercher un autre emploi après six mois seulement.

Bart Van Loy est l’un des premiers à avoir été mis au travail via cette filière. Il est très satisfait et s’intègre même au delàde ce qui avait été imaginé au départ. Il a notamment pris part à des événements d’entreprise. Mais les situations de foule ou d’agitationnécessitent quand même un peu d’adaptation. Ainsi, il a obtenu un bureau un peu à l’écart au calme, le droit d’y prendre son repas de midi (la cantine esttrop agitée pour lui) et, encore, un abonnement de chemin de fer en première classe afin d’éviter les situations de cohue.

D’après De Morgen et De Standaard

1. Comme l’autisme de Kanner, le syndrome d’Asperger est un trouble envahissant du développement. Il a été identifié en 1944 par le pédiatreautrichien Hans Asperger et affecte la vie sociale, les perceptions sensorielles mais également la motricité de la personne qui en est atteinte. Sa caractéristique la plussignificative sont les passions hors normes (dans leur type et leur intensité) de la personne atteinte du syndrome d’Asperger et ce, notamment dans des domaines tels quel’informatique ou les sciences.

Pierre Gilissen

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