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Regard critique · Justice sociale

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"Colloque "Sphères privée et professionnelle : vers une recomposition des rôles et des actions""

03-12-2001 Alter Échos n° 110

Les femmes travaillent de plus en plus, mais elles restent, dans la plupart des pays européens, les seules responsables de l’accomplissement des tâches ménagèreset de l’éducation des enfants, signe évident que la société européenne n’est pas encore parvenue à dépasser la reproduction de la divisiontraditionnelle des rôles.
ýes chercheurs et chercheuses présents au colloque “Sphères privée et professionnelle : vers une recomposition des rôles et des actions” qui s’esttenu à Gembloux, les 8 et 9 novembre 2001 sur initiative de la ministre de l’Emploi et de la Formation de la Région wallonne, Marie Arena1, ont montré, chiffres à laclé, une réalité dont nous avons tous une perception intuitive. Le travail non rémunéré au sein de la famille reste une tâche spécifiquementféminine en Europe, indépendamment des politiques mises en œuvre pour contrôler ces tendances.
En Norvège, par exemple, pays pionnier en matière d’intégration des femmes au marché du travail, les réformes réalisées pour permettre unrapprochement du temps privé et du temps professionnel, comme la réforme du congé parental rémunéré et du système des allocations pour les parents quine font pas appel au système de garde public, n’ont pas produit les résultats escomptés. Une cause de cet échec réside peut-être dans le fait que lespolitiques norvégiennes en la matière se fondent sur l’idée que les problèmes liés à l’interface travail-garde d’enfants trouvent leurorigine au sein de la famille, là où ils doivent aussi trouver leur solution.
On sous-estime, par cette approche, le rôle que peuvent jouer les entreprises dans la mise en place d’un cadre de travail qui permette aux femmes et aux hommes de s’épanouiren tant que personnes, en plus de l’être en tant que travailleurs et travailleuses. La réalité de tous les jours montre que le rendement d’un employé se mesureavec le temps; avant de passer à des réductions collectives du temps de travail, il faudrait peut-être veiller à mettre en place des moyens de contrôle d’heuressupplémentaires et de contrats à durée déterminée.
C’est d’ailleurs pour développer un management plus orienté vers la famille qu’on développe en Allemagne un audit familial, dans lequel 14 critères ontété définis, pour créer une norme ISO en la matière.
Construire collectivement une écologie du temps
Mais le problème de l’harmonisation du temps professionnel avec le temps personnel2 dépasse les sphères privée et professionnelle, pour devenir, enréalité, un problème de la société entière.
Des expériences menées dans plusieurs villes italiennes, à la suite de la réflexion d’un groupe d’intellectuelles, ont montré lanécessité, outre l’intérêt, d’avoir des politiques urbaines basées sur le temps. Il s’agissait pour ces communes italiennes de coordonner lesheures d’ouverture des services publics, comme les écoles et les administrations, et la mise en place de pactes de mobilité durable, qui, grâce à un accordpassé entre des organes gouvernementaux, des sociétés et des associations situées dans une zone urbaine, encouragent les mouvements multimodaux et l’utilisation destransports en commun.
Ce long mouvement de recherche et d’expérimentation, qui a impliqué des centaines de villes italiennes, s’est traduit dans la loi Turco (du nom de la ministre qui l’apromue). Approuvée le 8 mars 2000, cette loi oblige toute commune de plus de 30.000 habitants à établir un Plan communautaire d’heures de travail et d’heuresd’ouverture et à créer une permanence dans les municipalités, à nommer un gestionnaire du temps et à mettre en place un comité de représentantsdes institutions concernées (syndicats, associations de travailleurs, chambres de commerce, etc.).
L’exemple italien a été suivi par d’autres pays européens : ainsi le premier projet allemand sur les temps de la ville est né à Hambourg en 1992.
Les enjeux de cette approche, qui intègre la société civile dans la réflexion sur le temps et qui poursuit l’objectif de créer une nouvelle culture“temporelle”, sont multiples. Il s’agit, par exemple :
> d’améliorer l’accès aux administrations et services publics (via, par exemple, la décentralisation et l’utilisation des TIC);
> de modifier la relation entre l’école et la structure d’accueil de l’enfant;
> de favoriser l’insertion de l’entreprise dans le territoire;
> de revitaliser les zones urbaines;
> de garantir la sécurité dans l’espace public;
> d’intégrer le territoire dans les mouvements systématiques de la ville, via, par exemple, les pactes de mobilité;
> d’harmoniser les horaires d’ouverture des commerces.
Ce colloque a eu le mérite d’intégrer la réflexion sur le temps dans les politiques sociales au sens large et de rappeler à chaque acteur institutionnel sesresponsabilités pour la recomposition des temps sociaux.
1 Cab. : rue Moulin de Meuse 4 à 5000 Namur (Beez), tél. : 081 23 47 11, fax : 081 23 47 64.
Õ L’enquête du Groupe division familiale du Travail de Matisse, unité mixte de recherche du CNRS et de l’Université de Paris I, distingue cinq temps :professionnel, parental, domestique, personnel, physiologique.

Agence Alter

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