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Accueil des demandeurs d’asile : garderie ou travail social ?

Cinq cents nouvelles places d’accueil pour demandeurs d’asile vont êtres ouvertes dont les cent premières sont déjà accessibles à Bruxelles depuis le17 novembre et ce, pour la période hivernale. Une solution d’urgence bienvenue mais qui ne résout en rien, selon le Ciré1 et le Setca2, leproblème de l’accueil que sont en droit d’exiger les demandeurs d’asile.

28-11-2008 Alter Échos n° 263

Cinq cents nouvelles places d’accueil pour demandeurs d’asile vont êtres ouvertes dont les cent premières sont déjà accessibles à Bruxelles depuis le17 novembre et ce, pour la période hivernale. Une solution d’urgence bienvenue mais qui ne résout en rien, selon le Ciré1 et le Setca2, leproblème de l’accueil que sont en droit d’exiger les demandeurs d’asile.

On s’en souvient, le personnel de Fedasil (l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile)3 avait manifesté en octobre dernierdevant les portes du cabinet de la ministre de l’Intégration sociale, Marie Arena (PS)4, venant ainsi crier son ras-le-bol de la situation de trop-plein à laquelle ilétait confronté dans les centres d’accueil. C’est que depuis des semaines, les travailleurs de Fedasil sont obligés de refuser les nouveaux arrivants ou de les logertantôt dans les salles de jeux, les caves (!) ou autres dortoirs improvisés des 40 centres du réseau, quand ce n’est pas sous des tentes dans des hangars… Unesituation également dénoncée par les centres d’accueil pour sans-abri voyant affluer à leurs portes un public de demandeurs d’asile ne sachant plus oùdormir et envoyé là par le dispatching de Fedasil.

Il a donc fallu trouver des solutions d’urgence et, le froid étant là, au moins reloger les demandeurs qui avaient été abrités sous les tentes demême que les nouveaux demandeurs. La ministre a donc trouvé une solution, du moins jusqu’au 15 mars prochain, en se donnant les moyens de créer 500 nouvelles places :200 tout de suite grâce à un plan organisationnel adopté entre le Casu (Centre d’accueil et de soins d’urgence à Bruxelles)5 et Fedasil, les autres étantouvertes ensuite, au fur et à mesure des besoins.

Une cohabitation qui pourrait s’avérer problématique

Ainsi, cent places sont ouvertes depuis le 17 novembre, rue des Minimes à Bruxelles. Elles sont destinées aux familles et aux femmes isolées. Cent autres placesd’accueil destinées aux hommes devraient être ouvertes à partir de début décembre, à la place Masui, toujours à Bruxelles. Quinze euros par jourpar personne hébergée sont octroyés au Casu pour ce faire.

Seules les personnes orientées par le dispatching de Fedasil ont accès à ces places. Les hommes sont accueillis de 17 h à 9 h. Les familles et les femmesbénéficient, quant à elles, d’un accueil 24 h/24 et des mêmes services que ceux proposés aux personnes sans abri qui sont logées dans le mêmebâtiment durant le dispositif hivernal. Une cohabitation qui n’est pas sans risque, comme le reconnaît Yvan Mayeur, président du Casu, « même si nous faisons toutpour garantir un accueil de qualité. Les familles sont, par exemple, accueillies dans des appartements, à la rue des Minimes ».

Pour créer les 500 places promises, la ministre a passé convention avec plusieurs partenaires : la Mutualité socialiste, un ancien internat d’école àTournai, l’armée pour les couvertures, les CPAS, la Croix-Rouge et le Casu pour les logements. Une infrastructure qui demande un budget, or la ministre s’est vu refuser touterallonge supplémentaire par le gouvernement, elle a donc réorienté une partie du budget de Fedasil et du budget Intégration sociale pour ce dispositif d’urgence quidevrait coûter plus d’un million d’euros. Un surcoût important, sans compter les apports des cinq CPAS bruxellois (tous gérés par des socialistes) qui ontaccepté de contribuer au plan d’urgence, soit les CPAS de Saint-Gilles, Saint-Josse, Bruxelles-Ville, Evere et Ixelles. Yvan Mayeur, président du CPAS de Bruxelles-Ville et parailleurs président du Casu, a rappelé le caractère exceptionnel et temporaire de cette aide : « Les CPAS n’offrent plus d’aide matérielle depuis denombreuses années, ceci nous fait régresser mais la ministre de la Politique d’asile et de migration, Annemie Turtelboom (VLD), ne nous laisse pas le choix. Cette situation estinnommable et inacceptable. Nous espérons que d’autres CPAS bruxellois, y compris ceux des communes riches, nous rejoindront. J’en profite au passage pour faire un appel du piedaux CPAS wallons et flamands, vous êtes les bienvenus ! » Quant à Jean Spinette, président du CPAS de Saint-Gilles, il suggère, sous forme de boutade,d’emmener, en autocars, devant le CPAS de Puurs, la commune de Madame Turtelboom, les demandeurs d’asile qui ne peuvent être logés…

« Je n’ai pas utilisé les demandeurs d’asile »

Enfin, « pour lever toute ambiguïté sur la crise de ces dernières semaines », la ministre Arena insiste sur le fait que « jamais, elle n’a utilisédes vies humaines en laissant s’engorger les centres pour faire pression sur la ministre Turtelboom ». Quant à savoir si les socialistes feront de la régularisation des sanspapiers une question de gouvernement, la ministre esquive et renvoie la balle chez sa collègue libérale : « Je pars du principe qu’elle va finir par sortir quelque chose.Que fait-elle au gouvernement si elle ne travaille pas ? De mon côté, je prends mes responsabilités en créant des places d’urgence pour loger les demandeursd’asile : depuis le 27 octobre, plus aucun d’entre eux n’est à la rue. »

Reste que la surpopulation actuelle des centres ne va pas baisser, seules les tentes sont repliées, rappelle la directrice générale de Fedasil, Isabelle Küntziger.« Il s’agit juste d’une poche d’air en attendant que des mesures structurelles soient prises. » Une situation qui ne permet pas, comme l’exige la loi, un accueilde qualité des demandeurs d’asile, rappelle le Setca qui parle de « sous-financement chronique ». Soutenus par leurs instances syndicales, les travailleurs des centresd’accueil déplorent cette situation : « nous ne sommes pas des gardiens, mais des travailleurs sociaux ». « Le dispositif d’urgence de la ministre, c’estbien, ajoute le Setca, mais insuffisant : accueillir, ce n’est pas uniquement fournir un lit, c’est également accompagner les demandeurs d’asile dans leurs difficultésphysiques, psychologiques, administratives… Cela demande du temps et des moyens humains dont les structures d’accueil ne disposent pas. La qualité de l’accueil et del’action des travailleurs sociaux doit également être soutenue, comme cela devrait être le cas dans les 3 553 places proposées par la Croix-Rouge. La gestion àla petite semaine d’une crise humanitaire qui perdure depuis des années doit cesser. Le Setca demande à la ministre de l’Intégration sociale, à la ministre dela Politique d’asile et de migration, Annemie Turtelboom, et &agrav
e; l’ensemble du gouvernement fédéral de véritables réponses structurelles pourl’accueil des demandeurs d’asile. »

Accueil et accompagnement ne sont pas garantis

De leurs côtés, le Ciré (Coordination et initiatives pour et avec les réfugiés et les étrangers) et Vluchtelingenwerk retirent leur plainte contrel’État belge concernant les demandeurs d’asile qui ne pouvaient être accueillis et qui se retrouvaient à la rue. « Au sens strict, il n’y aurait plus dedemandeurs d’asile à la rue. Mais les problèmes restent énormes : la capacité de l’accueil d’urgence peut à son tour être saturée,analysent les deux ONG. En outre, cet accueil d’urgence est de moindre qualité que l’accueil normal et ce, tant en termes matériels qu’en termesd’accompagnement. Il n’est certainement pas souhaitable que des demandeurs d’asile restent de manière prolongée dans cet accueil d’urgence. La loi imposed’ailleurs un délai maximal de dix jours. »

Pour Vluchtelingenwerk et le Ciré, l’accueil d’urgence reste une réponse insuffisante à la crise. Des moyens budgétaires supplémentairesdoivent immédiatement être libérés pour créer des places d’accueil permanentes supplémentaires ou pour que les demandeurs d’asilebénéficient d’un soutien financier du CPAS. Ils rappellent, par ailleurs, que cette situation n’est pas uniquement de la responsabilité de la ministre Arena, maisaussi de celle de l’ensemble du gouvernement, lequel a refusé par deux fois (contrôle budgétaire de 2008 et budget de 2009) d’allouer des budgets supplémentairesà l’accueil des demandeurs d’asile. « En outre, le blocage en matière de régularisation des sans-papiers, qui relève de la ministre Turtelboom, a pourconséquence que de nombreuses personnes restent bloquées dans le réseau d’accueil alors qu’elles pourraient être régularisées. »

1. Ciré :
– adresse : rue du Vivier, 80/82 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 629 77 10
– courriel : cire@cire.irisnet.be
– site : www.cire.irisnet.be
2. Setca fédéral :
– adresse : rue Haute, 42 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 512 52 50
– courriel fédéral : admin@setca-fgtb.be
– site : www.setca.org

3. Fedasil :
– adresse : rue des Chartreux, 21 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 213 44 11
– courriel : info@fedasil.be
– site : www.fedasil.be
4. Marie Arena, ministre de l’Intégration sociale :
– adresse : rue Ernest Blérot, 1 à 1070 Bruxelles
– tél. : 02 238 28 11
– courriel : marie.arena@minsoc.fed.be
– site : www.mariearena.be
5. Casu :
– adresse : rue du Petit Rempart, 5 à 1000 Bruxelles
– tél. : 0800 99 340.

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