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Economie

Un portefeuille au régime vert

En regroupant sur une même plateforme les coopératives citoyennes d’énergie verte, Coopératives à la carte espère attirer de nouveaux investisseurs vers cette niche en plein développement.

Le secteur éolien, tout sauf un épouvantail pour les investisseurs.

En regroupant sur une même plateforme les coopératives citoyennes d’énergie verte, Coopératives à la carte espère attirer de nouveaux investisseurs vers cette niche en plein développement.

Ouvertes, démocratiques, indépendantes, non spéculatives, transparentes, bienveillantes et réactives: n’en jetez plus! Coopalacarte.be assure avoir regroupé le meilleur des coopératives d’énergie verte, garantes d’un investissement véritablement citoyen et durable. Lancée fin janvier 2017 par REScoop Wallonie, la Fédération wallonne des associations locales et coopératives d’énergie renouvelable, et par l’APERe, l’Association pour la promotion des énergies renouvelables, dans le cadre de sa campagne d’éducation permanente 2017, la plateforme surfe sur deux vagues de fond. D’abord, celle des taux d’intérêt bancaires désespérément bas, devenus un argument pour toutes les coopératives agréées par le Conseil national de la coopération qui, avec une limitation des dividendes à 6%, apparaissent aujourd’hui comme outrageusement généreuses face au 1,5% où plafonnent les comptes d’épargne. À titre d’exemple, la coopérative Courant d’Air a versé un dividende de 2% en 2011, de 5% en 2012 et 2013, de 6% en 2014 et de 5% en 2015. Ensuite sur la vague aux relents de marée noire de Lampiris-Total. Le rachat à l’automne dernier du fournisseur liégeois d’énergie verte par le géant pétrolier – soupçonné d’être une opération strictement financière pour l’un et une pure stratégie de greenwashing pour l’autre – n’a en effet pas manqué d’indigner ceux qui avaient précisément rejoint Lampiris pour soutenir une énergie durable, locale et solidaire. Le 8/20 attribué à Lampiris par Greenpeace dans son dernier classement1 n’a fait qu’accentuer l’hémorragie, faisant perdre à la société plusieurs milliers de clients, partis voir si l’énergie était plus verte chez les petits fournisseurs…

L’embarras du choix

Éolien ou non, le vent semble donc plus que jamais favorable aux coopératives d’énergie durable. «De plus en plus, les gens connectent leur choix de fourniture avec leurs valeurs. Acheter une part dans une coopérative boucle le circuit court de l’énergie: on investit dans son propre outil de production, on en retire les bénéfices et le fruit puisque être coopérateur donne accès à des tarifs préférentiels chez un fournisseur d’énergie verte», explique Johanna D’Hernoncourt, coordinatrice de projets au sein de l’APERe. Ne manquait plus que la mise sur pied d’un outil adapté, rassemblant de manière lisible les différentes initiatives existantes et garantissant l’exclusion de «coopératives de façade», mises sur pied par les grands groupes pour faire joli et citoyen mais qui ne répondent pas aux critères de gouvernance et de codécision du mouvement coopératif. «Nous avons identifié un besoin de faire connaître ces initiatives par des informations structurées, mais aussi de souligner les bénéfices réels en termes d’implication citoyenne et de valeur ajoutée pour le territoire», poursuit Johanna D’Hernoncourt. Avec le slogan «Mieux qu’un compte d’épargne: investissez dans une coopérative», il y a cependant fort à parier que la plateforme n’attirera pas que les déçus de Lampiris mais aussi des investisseurs pragmatiques, au départ peu sensibilisés à l’énergie renouvelable. «Ceux qui s’y intéressent, nous les connaissons déjà! Et en vérité, c’est justement parce que nous n’identifions pas bien le profil des nouveaux coopérateurs potentiels que nous avions besoin d’un tel outil. Si nous savions qui ils sont, nous irions directement les chercher!», analyse pour sa part Fabienne Marchal, présidente de REScoop Wallonie.

«C’est justement parce que nous n’identifions pas bien le profil des nouveaux coopérateurs potentiels que nous avions besoin d’un tel outil.» Fabienne Marchal, présidente, REScoop Wallonie

Quatre semaines après le lancement, 120.000 euros ont déjà été souscrits, répartis entre les 16 coopératives et les quelque 50 projets que regroupe la plateforme. Pratiquement, l’internaute-investisseur peut s’orienter de plusieurs manières: soit en choisissant un type de projet (biométhanisation, chaufferie biomasse, éolien, hydroénergie, photovoltaïque, etc.), soit une coopérative, soit encore en zoomant sur la carte de la Belgique – d’où l’intitulé… – pour trouver la coopérative la plus proche de chez lui. Toutes les informations relatives à l’organisation (gouvernance, affectation du capital, distribution des bénéfices, politiques d’investissement…) lui sont alors fournies, avec la possibilité d’acheter une ou plusieurs parts en quelques clics et même de se constituer un «portefeuille» d’investissement en piochant dans les différents projets.

Un effet d’entraînement?

Sur les quelque 16 coopératives regroupées par Coopalacarte.be, 12 font aussi partie du réseau REScoop. Une superposition imparfaite que commente Fabienne Marchal. «Nous avons chez REScoop des conditions plus restrictives, aussi bien au niveau de la gouvernance que de la valeur ajoutée, qui doit être réinvestie au maximum dans la coopérative. Nous insistons aussi beaucoup sur la coopération entre coopératives à travers le partage d’expériences et d’outils», explique-t-elle. Bien sûr attentive à ces critères, la plateforme Coopalacarte.be se situe cependant dans une logique plus souple. Exemple? Si les critères d’admission prévoient qu’au minimum 90% des coopérateurs doivent être des personnes physiques (ou des asbl ou coopératives citoyennes), il est aussi mentionné qu’«à tout moment de la vie de la coopérative, maximum 24% des coopérateurs (nombre et capital) peuvent être des sociétés commerciales à but lucratif ou des entités publiques». «Cela signifie que les 90% ne sont pas nécessairement un critère qui doit être à la fondation de la coopérative mais un critère vers lequel la coopérative souhaite évoluer. Nous laissons la porte ouverte à une transition», commente à ce propos Johanna D’Hernoncourt.

«La question se posera à un moment de savoir s’il est optimal d’avoir autant de coopératives disséminées ou s’il est mieux d’avoir des antennes locales.» Johanna D’Hernoncourt, coordinatrice de projets, l’APERe

Tandis que le réseau se structure, de nouvelles coopératives d’énergie verte continuent d’émerger ici et là, comme Vent d’ici à Sprimont ou Vent d’ENFAN à Neupré. «La question se posera à un moment de savoir s’il est optimal d’avoir autant de coopératives disséminées ou s’il est mieux d’avoir des antennes locales. Il y aurait en effet des économies d’échelle à réaliser», commente Johanna D’Hernoncourt qui confie que c’est là un point de réflexion tant pour l’APERe que pour REScoop. «Il y a encore de la place pour de nouvelles coopératives dans certaines régions, ajoute Fabienne Marchal. On sait qu’il existe des zones d’influence naturelle autour de l’implantation d’une coopérative; or il y a encore des ‘trous’ sur la carte. Par ailleurs, s’il y a des économies d’échelle à réaliser, il faut aussi garder à l’esprit qu’il y a une limite d’investissement par coopérateur de 5.000 euros par coopérative et qu’il existe aussi une limite en capital total.» Le financement citoyen de l’énergie verte devra donc trouver un équilibre entre trop et pas assez de coopératives. Mais aussi entre des coopérateurs très engagés… et d’autres plus nantis. «Il est probable qu’avec ce nouvel outil d’investissement, nous allons toucher des coopérateurs qui seront moins impliqués dans la vie de la coopérative, admet Fabienne Marchal. Mais nous sommes pragmatiques. Nous avons besoin de tous les profils et nous avons besoin d’argent. Et puis, je compte beaucoup sur l’effet d’entraînement: ces nouveaux coopérateurs viendront peut-être d’abord par intérêt financier mais ensuite, préoccupés de ce nouveau produit, ils assisteront à une assemblée générale et j’espère qu’ils deviendront intéressés!» Qui a dit que la conversion devait être initiale?

 

 

[1] Greenpeace rappelle que les principaux investissements du groupe Total se font «dans la production d’hydrocarbures via, notamment, les sables bitumineux et le forage en Arctique».

Classement sur www.monenergieverte.be

En savoir plus

«Coopératives: à la recherche d’un nouveau souffle en Wallonie», Alter Échos n°429-430, Nastassja Rankovic, 27 septembre 2016.

Julie Luong

Julie Luong

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