Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Archives

"Tarification solidaire de l'eau à Bruxelles : le MR bloque"

27-05-2002 Alter Échos n° 121

Dans les ménages, le poste « eau » n’atteint généralement pas la hauteur du poste énergie mais il faut constater que les dépenses consenties pour lafourniture d’eau potable sont en augmentation constante et atteignent des montants parfois difficiles à supporter par les ménages les moins favorisés financièrement.Il y a 7 ans, le prix du m3 d’eau distribué par l’IBDE, l’Intercommunale bruxelloise de distribution d’eau1, était fixé à 50 FB (53 FB avec TVA).À ce montant, il fallait ajouter la redevance annuelle, variant entre 480 FB et 960 FB selon les communes. Depuis lors, une série d’augmentations furent décidées(montants destinés à protéger les réserves d’eau potable, entretenir le réseau d’égouts et de collecteurs, épurer les eaux usées).Ainsi, le prix du m3 d’eau distribuée en Région bruxelloise s’établit aujourd’hui à 72 FB/ m3, soit avec la TVA de 6%, un total de 76,32 FB/ m3. Cecireprésente une augmentation de 44% en 7 ans, ce qui est largement supérieur à l’évolution de l’index des prix. Des augmentations qui sont malheureusement loind’être arrivées à terme, en cause les travaux de réfection des égouts et la construction d’une seconde station d’épuration des eauxsituée au Nord de Bruxelles, financée, construite et gérée par le privé et qui induira vers 2005/2006 un coût annuel pour la Région d’environ 2milliards de FB.
Or, on constate que 10% des Bruxellois les plus aisés consacrent en moyenne 2,2 fois plus de moyens à l’eau de distribution que les 10% des Bruxellois ayant les revenus les moinsélevés. Ceci n’empêche que la part relative de leurs revenus consacrés à ce poste est plusieurs fois plus légère. « Jusqu’àprésent, explique Mohamed El Khattabi, écolo et président du CA de l’IBDE, l’eau a été considérée comme n’importe quel autre bien.Or, son utilisation par rapport à d’autres bien n’est pas la même, l’eau que vous consommez pour boire n’a pas la même valeur que l’eau que vousutilisez pour remplir votre piscine, or celle-ci est vendue au même prix, plus vous consommez d’eau et moins le prix au m3 est élevé, socialement, ce n’est paséquitable. »
Tarification solidaire et progressive
En Région flamande, chaque abonné a droit à une fourniture gratuite de 15 m3/habitant par an. La Région wallonne va dans le même sens et a annoncérécemment « une fourniture minimale gratuite par habitant et l’instauration d’une tarification progressive en quatre tranches. » Son objectif est de garantir à tout habitantune quantité d’eau destinée à couvrir ses besoins de base à un prix raisonnable.
En Région de Bruxelles-Capitale, c’est à l’initiative de la Coordination Gaz-Eau-Électricité qu’en janvier 1998, une plateforme de 16 associationsbruxelloises publiait un document intitulé « Pour des tarifs solidaires favorisant une consommation durable », une idée développée depuis longtemps par Écolo etqu’Alain Adriaens et Dominique Braeckman, parlementaires écolos bruxellois ont formulé en 2001 dans une proposition de résolution destinée aux communes et relativeà « l’impact social du prix de l’eau en Région bruxelloise et précisant les mesures à prendre pour l’atténuer. »
Un principe que l’on retrouve également dans le manifeste belge de l’eau signés par tous les parlementaires bruxellois : « Le financement des coûts nécessairespour assurer l’accès pour tous à l’eau en quantité et qualité suffisante doit être de la responsabilité de la collectivité et des pouvoirspublics, au-delà du minimum vital, la prise en charge du coût revient aux utilisateurs selon des critères de solidarité et de progressivité. » Une tarificationsolidaire et progressive, que le président de l’IBDE aimerait voir appliquée le plus vite possible. « La redevance doit au moins être unifiée pour des raisonsd’équité évidente entre les consommateurs de la Région de Bruxelles-Capitale, explique Mohamed El Khattabi. Aujourd’hui celle-ci peut varier fortement selonles communes. La redevance, en raison de son influence dégressive sur la facture d’eau, doit être également la plus faible possible. Le tarif doit intégrerdorénavant la composition des ménages dans sa structure afin d’apprécier équitablement l’importance de la consommation par personne. Le tarif doit enfinintégrer les différents usages de l’eau, de sa quantité vitale sans laquelle la vie n’est simplement pas possible, l’utilisation de l’eau progresse versdes usages quantitativement de plus en plus importants liés au développement de la culture, de l’hygiène, du bien-être, du confort, des loisirs, etc. »
Caractérisation des consommateurs
L’IBDE n’a de relation qu’avec les 273.843 abonnés auxquels est associée la notion de logements (546.686) pour lesquels l’Intercommunale perçoit uneredevance. Elle ne connaît pas et ne pourra pas connaître la consommation des habitants et au niveau des ménages car il faudra consentir d’énormes investissements pourespérer un jour disposer d’un compteur par logement, même si une campagne à ce sujet devrait être mise en place, une fois la tarification solidaire lancée. Enconséquence, la mise en pratique de la solidarité entre les consommateurs passe obligatoirement par une convention où le tarif s’applique à la consommation totalefacturée à l’abonné divisée par le nombre de personnes domiciliées. À ce jour, l’IBDE ne dispose pas du nombre de personnes domiciliéesà chaque adresse mais à l’instar de la Région flamande, il est possible d’obtenir l’accord du Registre national sur une transmission de la composition desménages par domicile à une date déterminée.
La structure du tarif domestique serait donc constituée :
> d’une redevance par logement, unifiée pour toute l’IBDE ;
> d’une facturation de la consommation, par tranches rapportées au nombre d’habitants, suivant un prix progressif. Cette tarification progressive serait divisée en 4tranches, avec une première tranche qui concerne les 15 premiers m3 par personne, soit le minimum vital, facturée à un coût dérisoire, une seconde tranchefixée à 30 m3 à un tarif un peu moins élevé que le tarif actuel et les deux tranches supérieures (au-delà de 30 m3) à des prix plusélevés par m3 que le tarif actuel selon le principe du consommateur-payeur.
De l’eau dans le gaz entre MR et PS sur l’instauration d’une tarification solidaire de l’eau
La mise en place d’une telle politique ne devrait pas aller sans mal, outre les nécessaires a
daptations du système informatique de l’IBDE et les autorisationsnécessaires à obtenir auprès du Registre national, c’est surtout au niveau politique que le projet risque de coincer. Optimiste, Mohamed El Khattabi, pensait pouvoirobtenir un accord des différentes formations politiques pour faire avancer le dossier de façon à ce que les nouveaux tarifs soient d’application début 2003,c’était sans compter avec le Mouvement réformateur… qui joue ici quelque peu le mouvement ralentisseur. En effet, Daniel Ducarme, chef de file du MR et par ailleursprésident de l’Ibra (l’Intercommunale s’occupant de l’assainissement) relançait le débat lors d’une conférence de presse organisée le17 mai dernier autour de la proposition de Didier Gosuin de fusionner les trois intercommunales bruxelloises de l’eau. « Si par ‘tarification solidaire’, on entend unepéréquation qui fait que ce qu’on n’oblige pas à payer par certains est compensé par ce qu’on fait supporter par le secteur économique,c’est désastreux, dénonce le président du MR. Pourquoi la Région ne pourrait-elle pas intervenir dans les coûts de cette tarification sociale ? Lagratuité doit-elle être totale ? » Et de prôner par ailleurs une tarification économique, pour certains secteurs d’activité grands consommateurs d’eau,comme le secteur Horeca par exemple.
Pour Philippe Moureaux, chef de file des socialistes bruxellois, le dossier de l’eau est exemplaire. « Voilà un dossier très concret qui débouche sur un véritabledébat idéologique, celui de la solidarité contre la compétitivité : ne vaut-il pas mieux stabiliser le prix de l’eau pour le petit pensionné que defavoriser celui-ci pour les restos, par exemple ? »
Ainsi les socialistes bruxellois entendent défendre les principes suivants :
> « En vue d’alléger la facture finale de près de 40% des ménages en situation précaire, une tarification solidaire et unifiée doit êtreinstaurée en fonction de la consommation et de la composition des ménages ;
> Un programme d’installation de compteurs d’eau individualisés par logement doit être mis en œuvre au plus vite ;
> La religion du coût-vérité de l’eau pouvant s’avérer catastrophique pour certaines catégories sociales, notamment les ménages et lesisolés à faibles revenus, des tarifs Vipo et pour les personnes aux revenus inférieurs à 12% du minimex doivent être mis en place, d’une part, et les communeset CPAS doivent recevoir les moyens de mener efficacement les enquêtes sociales requises pour que les moyens du fonds de l’eau soient correctement attribués, d’autrepart. »
« Il est particulièrement malvenu, ajoutent les socialistes bruxellois, de stigmatiser injustement les catégories sociales les plus faibles sous prétexte que des prix bas,inférieurs à ce fameux coût-vérité, entraîneraient des gaspillages, surtout quand on connaît la faible consommation individuelle moyenne desBruxellois.2 »
1 IBDE, rue aux Laines, 70 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 518 88 97, fax : 02 518 83 05, courriel : mohamed.elkhattabi@ibde.be
2 La consommation moyenne par personne en Région bruxelloise est de 46 m3 par an.

catherinem

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)