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Revitalisation urbaine et minorités : y a-t-il un décalage ?

Le travail des acteurs associatifs est un sujet d’étude particulièrement sensible. Abdelfattah Touzri a mené sa thèse de sociologie1 sur lethème du lien entre les minorités issues de l’immigration et les dispositifs de revitalisation urbaine. Au menu, une analyse fine des dispositifs des contrats de quartiersmolenbeekois. Au bout : un travail qui cherche le sens et remet certaines choses en question.

05-10-2007 Alter Échos n° 237

Le travail des acteurs associatifs est un sujet d’étude particulièrement sensible. Abdelfattah Touzri a mené sa thèse de sociologie1 sur lethème du lien entre les minorités issues de l’immigration et les dispositifs de revitalisation urbaine. Au menu, une analyse fine des dispositifs des contrats de quartiersmolenbeekois. Au bout : un travail qui cherche le sens et remet certaines choses en question.

Il a connu les dispositifs sur le terrain. Il en est aujourd’hui un observateur attentif. Abdelfattah Touzri vient de publier sa thèse de doctorat. « L’idéecentrale de mon étude est de mettre en évidence le décalage entre la logique de territoire inhérente à l’action publique et la logique de mobilité,essentiellement sociale, mais aussi résidentielle qui anime les populations des minorités dans les quartiers. »

Pour le jeune docteur, l’objectif des contrats de quartiers mis en œuvre pour assurer la réhabilitation urbaine est essentiellement d’assurer l’attractivitéet la compétitivité de la Région bruxelloise pour attirer les ménages aux revenus moyens. Pour leur part, les populations défavorisées issues desminorités développent des stratégies de mobilité. Sa conclusion est simple : il en résulte un manque de lien entre les politiques publiques et les acteurs locaux.Et le volet social des contrats de quartiers ? « Il vise le déploiement du contrôle social. Son action n’est pas porteuse de mobilité sociale oud’émancipation.»

L’étude se base sur de nombreux témoignages et une analyse du fonctionnement des dispositifs régionaux appliqués à la commune. La méthode renvoieà la sociologie des acteurs chère à Alain Touraine, mais aussi de façon précise à celle de la sociologie des organisations appliquée aux espacesd’action organisés développés par Erhard Friedberg2. Au niveau théorique, l’auteur insiste sur l’absence d’opposition entre acteurs etsystème.

La participation au centre des dispositifs

La notion de participation des habitants est au centre de sa critique du système. « Le discours sur la participation occulte les rapports de pouvoirs entre acteurs. Ainsi, le milieuassociatif est captif politiquement et vulnérable au mode d’attribution des ressources.»

Outre les interviews réalisées sur le terrain, l’auteur a eu accès aux PV des Commissions locales de développement intégré (CLDI) et a pu assisterà certaines d’entre elles. « La volonté de faire participer les habitants a été particulièrement forte à Molenbeek. Cela dit, latechnicité des débats due notamment à la complexité des règles légales pèse sur la possibilité d’une large participation. » Maisles CLDI restent des organes consultatifs. L’arbitrage final revient toujours au pouvoir politique. « C’est dommage. La démocratie n’a rien à craindre durenforcement du processus de participation. »

Une politique exemplative mais singulière

Outre un accent assez marqué sur les espaces participatifs, la politique molenbeekoise est marquée par l’arrivée massive de moyens financiers due à la directionde la commune par Philippe Moureaux, personnalité politique de premier plan, et par une certaine transversalité de l’action entre les différents départements.« Il faut aussi noter l’importance de l’axe culturel pour soutenir le développement local via la création d’une institution importante : la Maison des cultureset de la cohésion sociale ».

Enfin, l’auteur consacre un chapitre aux stratégies de ruse développées par les acteurs qui marquent la confiance très relative qui existe entre les acteurs deterrain et les autorités, mais qui symbolisent aussi la culture de la « débrouille » existante dans le milieu associatif.

Comment remédier au décalage mis en lumière ? « Il est nécessaire de mieux articuler ces politiques avec les politiques sociales, d’emploi etd’éducation. Il faut aussi privilégier les projets d’économie sociale basés sur les savoirs particuliers, parfois ethniques, des populations issues desminorités ».

1. Adbdelfattah Touzri, Développement local, acteurs et action collective. Les minorités issues de l’immigration et les dispositifs de revitalisation urbaine dans la communebruxelloise de Molenbeek-Saint-Jean, Presses Universitaires de Louvain, Louvain, 2007 – courriel : abdelfattah.touzri@gmail.com

2. Ehrard Friedberg, Le pouvoir et la règle. Dynamique de l’action organisée, Seuil, Paris, 1993.

Jacques Remacle

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