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"Réforme du minimex : premières réactions et report de la décision du gouvernement"

27-07-2001 Alter Échos n° 102

Le 19 juillet, le gouvernement fédéral a postposé l’examen du projet de loi sur le revenu vital mis sur la table fin juin par le ministre Vande Lanotte. Les premièresréactions des collectifs de lutte contre la pauvreté étaient très réservées, contrastant avec le bon accueil des CPAS et de leurs représentants.
1. Collectifs de minimexés, de sans-abri, etc. : désaccords
À la suite des réactions à chaud que nous relations dans notre dernière édition, les associations partenaires du rapport général sur lapauvreté1 ont émis le 6 juillet un long communiqué de presse où elles affirment la nécessité d’une réforme du minimex, mais mettent en avant, dans lepremier texte proposé par le ministre Vande Lanotte, six points « manifestement négatifs pour la dignité des minimexés » ou « dangereux, voire inacceptables ».
1.1 Ne pas devoir mériter son revenu vital
> « Le CPAS deviendra plus sévère (…). Or les personnes qui vivent dans la pauvreté ont tout d’abord besoin d’encouragements et d’humanité en contrepoids de lahonte et des humiliations. » Le projet ne tient pas compte du point de vue des plus pauvres, et les associations demandent à être associées à une concertation, et donc quel’examen du projet par le gouvernement soit reporté après les vacances parlementaires.
> Accentuer l’intégration comme mission des CPAS apparaît bienvenu, mais n’est acceptable que si la loi définit autant les obligations des CPAS que celles de leursbénéficiaires, et que si elle aborde le problème de la qualité des emplois et des formations proposés. « Quand tout manque, un revenu vital n’est pas une ‘prime’ quel’on gagne en la méritant, mais une base indispensable pour pouvoir envisager de remonter la pente! » Faute de s’inscrire dans une telle perspective, ajoute le communiqué, le projetrisque d’aggraver les situations d’exclusion et de pauvreté.
> Le projet de texte introduit la condition que le revenu vital ne sera financé à 100% que si son bénéficiaire dispose d’un logement. L’ambition derrière cettedisposition est accueillie comme positive, si ce n’est que « du logement de mauvaise qualité et le renforcement de la tendance à refuser le minimex aux personnes sans abri. »
> Le CPAS décide s’il paie le revenu vital par semaine, par quinzaine ou par mois. Les associations réclament qu’à cet égard, ce soit la demande dubénéficiaire qui soit prépondérante.
> Alors que les associations revendiquent de façon générale une augmentation des revenus de remplacement pour les familles qui ont des enfants, l’introduction du statut dedébiteur d’aliments leur semble une espèce de prime à la séparation des familles.
> Les associations demandent que les rapports entre les CPAS et leurs bénéficiaires soient toujours fondés sur la liberté de ces derniers et l’équilibre desengagements mutuels.
On doit aussi relever qu’à part les associations militant directement pour la lutte contre la pauvreté, on n’a pas – encore – entendu de réactions en lamatière du côté des professionnels du travail social comme les secteurs de l’aide aux sans-abri, de la santé mentale, ou de l’insertion socioprofessionnelle. Or, une partiede leurs publics sera directement touchée par cette réforme, qui implique donc des retombées importantes sur les pratiques qu’ils développent avec eux.
1.2 Avant tout, augmenter le minimex sans chantage politique
D’autres réactions de ce type ont émaillé les trois premières semaines de juillet. On relèvera notamment la conférence de presse organisée àBruxelles le 17 juillet par le collectif Droits pour tous, la section bruxelloise de la Ligue des droits de l’homme et le collectif belge des Marches européennes contre le chômage2. Unedes questions posées était de savoir si les quelques mesures prioritaires du projet Vande Lanotte nécessitent réellement d’en passer par une modification des lois de 74sur le minimex et de 76 organique des CPAS. Vraisemblablement non, affirmaient les interlocuteurs. Leur interprétation est donc la suivante : l’ambition première du « revenu vital » estd’imposer la philosophie de l’État social actif dans la sphère du revenu minimum garanti. Cette volonté se retrouve dans les quatre modifications que le projet apporte auxConventions d’intégration sociale en vigueur depuis 1993 :
> les conventions ont comme objet exclusif la mise au travail,
> le CPAS, pour les établir, ne doit plus partir du projet et des choix de la personne,
> les sanctions prévues sont augmentées et le droit d’être entendu directement par le Conseil de l’aide sociale est supprimé,
> le CPAS a trois mois pour proposer une convention.
Autrement dit, pour Pedrag Grcic de la LDH, le revenu vital ne sera plus accessible à toute personne qui en manifeste le besoin : « On introduit une seconde condition, lanécessité de travailler, qui va devenir la principale mission du CPAS. En plus, il n’y a pas d’évidences qui montrent que l’activation – à duréedéterminée – débouche sur l’emploi. D’autant plus que l’emploi activé pose ici question. Tout se passe comme si une série d’acteurs s’étaient entendussur le fait que la notion d’emploi convenable ne vaut que dans le cadre des régimes normaux de la sécurité sociale. J’espère que les syndicats vont s’emparer deça! »
Ce que les trois groupements réclament avant tout, c’est de découpler la question de l’augmentation du niveau du minimex, qui doit être inconditionnelle, et celle de saréforme, « faute de quoi on se retrouve dans une situation de chantage qui s’exerce au détriment des plus pauvres ». Elles ont des revendications différentes sur le montant, allantde 27.000 à 37.000 francs par mois.
2 Les CPAS : encore quelques améliorations, mais globalement satisfaits
Lors de sa conférence de presse le 10 juillet, la section CPAS de l’association de la ville et des communes de la Région de Bruxelles-Capitale3, a pointé du doigt certainspoints particuliers du projet de réforme du minimex tout en se félicitant globalement des avancées faites en la matière. Parmi les points relevés, citons la demandeinsistante des CPAS que la notion de « mise au travail » soit nuancée dans le texte légal : « Cette notion doit absolument pouvoir être interprétée de manièrelarge par les CPAS. Le parcours d’insertion n’étant pas identique pour chacun, il est indispensable de prendre en considération dans le cadre du « droit àl’intégration sociale » le rôle primordial du CPAS en amont d’un mise au travail. (…) La mission du CPAS ne peut en aucun cas se comprendre comme étantlimitée à mettre des personnes au travail. » Donc des conventions d’insertion plus proches, dans leur contenu, des conventions en vigueur depuis 1993.
Un autre volet du projet de loi du ministre entend modifier les catégories d’octroi du revenu vital. Les CPAS estiment que les modifications en la matière (suppression de lacatégorie « conjoints », prise en compte des personnes red
evables d’une contribution alimentaire ainsi que de la garde alternée) ne vont pas assez loin. La section CPAS bruxelloiseest en effet partisane d’une évolution allant dans le sens de l’individualisation des droits. Elle souhaite ainsi que soit mieux prise en compte l’évolution desmœurs et fustige le fait que la cohabitation reste toujours découragée. Les CPAS bruxellois émettent également une réserve quant aux mesures prises en faveurdes étudiants. Si la reconnaissance du droit au revenu vital pour ces derniers leur paraît positive, ils estiment néanmoins que l’accompagnement doit continuer à sefaire par le CPAS de la commune où l’étudiant réside. La subvention de l’État dans ce cadre devrait, selon l’AVCB, être accrue à concurrencede 90% du revenu vital accordé (l’actuelle subvention est majorée de 10% avec la condition que le CPAS fasse usage de la possibilité de récupérationauprès des parents)4.
Au travers de leur porte-parole, les CPAS se sont néanmoins réjouis de l’augmentation de subvention de 10.000 F par dossier sur une base annuelle. De même, l’extensionde l’octroi du revenu vital aux étrangers inscrits dans le registre de la population a été vue comme particulièrement positive. Hormis les quelques pointscités plus haut, les CPAS se disent globalement satisfaits du projet de réforme : « Nos revendications ont été dans l’ensemble entendues. » Même son de cloche enWallonie, où on insiste en plus sur la nécessité de ne pas alourdir les dépenses communales.
3 Les réactions politiques : un point de rupture pour la majorité arc-en-ciel

Thomas Lemaigre

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