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"Quotas d'embauche pour les jeunes d'origine étrangère : on débat ferme…"

23-09-2002 Alter Échos n° 127

Lors d’une interview accordée à nos confrères de Knack, début septembre, le ministre de l’Intégration sociale, Johan Vande Lanotte (SP.A)1,s’est prononcé en faveur de l’embauche obligatoire de travailleurs d’origine étrangère. En contrepartie, ils devraient suivre des cours de néerlandais etmarquer leur attachement aux valeurs démocratiques et sociétales (égalité des sexes, tolérance religieuse, etc). Le vice-premier ministre estime en effetqu’il est temps de réagir à une certaine radicalisation des esprits dans le débat sur l’immigration. À ses yeux, la bombe à retardement qui pourraitprendre la forme de violences urbaines incontrôlables, sans parler des répercussions électorales, pourrait être désamorcée par une politique de l’emploiréellement ouverte aux citoyens issus de l’immigration.
Réactions des partenaires «arc-en-ciel»
Côté des partenaires de la coalition, la proposition du vice-premier est loin de faire l’unanimité. Au VLD, on se dit radicalement contre car il est «nécessairepour les entreprises de conserver toute liberté en matière d’embauche.» Au PS, la ministre de l’Emploi, Laurette Onkelinx, soutient Vande Lanotte dans savolonté de relancer le débat mais trouve l’initiative non réaliste, selon elle, la mesure a prouvé son inefficacité dans les pays où elle aété introduite : «La plupart des jeunes concernés ont la nationalité belge. Faire des quotas, c’est désigner une nationalité, une origine. Lesjeunes seront-ils considérés comme belges ou comme étrangers ? Les quotas poussent à la communautarisation, aux ghettos dans les entreprises»2.
Chez les verts, preneurs d’un vrai débat de fond : «Le débat parlementaire qui a abouti l’an passé aux recommandations du Parlement bruxellois en matièrede discriminations sur le marché de l’emploi a notamment mis en lumière les réticences des associations de défense des personnes d’origineétrangère à cautionner une politique de quotas et la difficulté à trouver un critère pour « désigner » les personnes d’origineétrangère», rappelle Écolo, qui estime qu’il serait indigne d’exiger de ces personnes une déclaration d’adhésion à «nosvaleurs» démocratiques et sociétales en échange d’un emploi. «S’agirait-il là, comme sur l’exigence linguistique, de donner des gagesà une frange réactionnaire de l’opinion flamande ?» Pour les Verts, «les voies de l’action positive doivent être explorées avecténacité et créativité. Un contrôle sur les procédures d’engagement, des incitants à engager des demandeurs d’emploi issus desécoles en discrimination positive ou encore le renversement de la charge de la preuve permettraient de lutter efficacement contre ce fléau».
Réaction des partenaires sociaux
Côté CSC, le discours est très proche de celui d’Écolo : «le ministre pose le problème à l’envers. Pourquoi commencer par des mesurescontraignantes ?, s’interroge Josly Piette, secrétaire général de la CSC. Les quotas risquent de heurter et d’avoir l’effet inverse de celui qui estrecherché. De telles mesures doivent venir au terme d’un programme d’accompagnement bien pensé et pas avant lui.» Il faut donc, pour le syndicat chrétien,renforcer un certain nombre de mesures positives. «Tout d’abord, il faut investir dans l’enseignement. (…) Ensuite, il faut renforcer l’accompagnement des nouveauxarrivants : leur assurer l’acquisition des apprentissages fondamentaux et les préparer à un métier. Tout cela doit être programmé, intégré dansles politiques actuelles, avec les moyens nécessaires à la clé. Si la discrimination à l’embauche persiste après cela, alors, mais alors seulement, il faudrasanctionner et mettre en place des mesures contraignantes.»
Autre son de cloche à la FGTB qui réserve un accueil nettement plus favorable à la proposition du ministre Vande Lanotte – pourvu qu’on n’oublie pasd’autres catégories de travailleurs discriminés comme les femmes ou les handicapés.
À la FEB, la fédération patronale, on rappelle que fin 1998, on avait déjà, conjointement avec l’UWE, le VEV et l’UEB, fait une déclarationpublique incitant à une approche volontariste à l’égard de l’intégration de travailleurs d’origine étrangère. «Manifestement, cetappel a été entendu par les employeurs : le nombre de migrants non européens au chômage a chuté de 17% au cours de la période 1998-2001.» En revanche,la FEB ne peut marquer son accord sur un quota d’embauche imposé par définition arbitraire.
> «Une entreprise n’est pas une organisation non marchande. L’employeur engagera toujours la personne qui convient le mieux pour le poste à pourvoir ;
> un quota d’embauche est une forme de discrimination positive qui sera ressentie plutôt comme une stigmatisation par les allochtones ;
> dans un contexte économique moins favorable, comme c’est le cas actuellement, il n’est pas impensable que l’embauche obligatoire d’allochtones puisseentraîner le licenciement d’autres personnes.
En outre, l’intégration des allochtones n’implique pas uniquement les pouvoirs publics et les employeurs, mais aussi les organisations syndicales. Elles doivent, pour leur part,sensibiliser les travailleurs à une bonne intégration des allochtones parmi leurs collègues. L’employeur a beau vouloir engager des allochtones, ses efforts seront vains siles autres travailleurs s’y opposent.» Enfin, la FEB soutient la proposition du ministre Vande Lanotte qui vise à stimuler l’intégration par des cours de langueobligatoires. La connaissance de la langue constituant, selon la fédération, l’un des principaux canaux d’intégration.
Au cabinet Vande Lanotte, on attend les patrons au tournant… et on réfute leurs arguments : «Ce n’est pas vrai qu’ils ont accompli des avancées. Nousl’avons vu en Flandre avec les startbanen (emplois Rosetta), s’indigne le ministre. Quoiqu’en disent les employeurs, les jeunes allochtones n’en ont pas profité. Lesdiscriminations à l’embauche sont toujours bien réelles ! Et je ne cache pas qu’en lançant ce débat, je cherche à bousculer les employeurs. Ils ont uneresponsabilité évidente.»3 Reste que d’aucuns espèrent que l’épisode qu’on a connu, il y a presque deux ans, avec l’entreprise de travailintérimaire Adecco, ne puisse plus se reproduire. La loi Mahoux4 contre les discriminations, qui doit être votée en octobre prochain au Sénat, devrait en principe mettre unterme définitif à ce genre de prati
que discriminatoire.
1 Cabinet Vande Lanotte, rue Royale, 180 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 210 19 11, fax : 02 217 33 28, e-mail : info@johanvandelanotte.be
2 In Le Soir du 11 septembre 2002.
3 Interview accordée à La Libre Belgique, 10 septembre 2002.
4 Philippe Mahoux, rue Julie Billiart, 2 (3e étage) à 5000 Namur, tél. : 081 22 27 40, fax : 081 22 27 22.
5 Info : Pacte territorial pour l’emploi en Région de Bruxelles-Capitale. M. Luc Schingtienne, tél. : 02 505 14 39, fax 02 505 77 05, e-mail : lschingtienne@orbem.be

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