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Pour une approche interculturelle des violences dans le couple

Une femme sur quatre est victime de violences conjugales, quelle que soit son origine, quel que soit son milieu social. Les Femmes prévoyantes socialistes (FPS)1 posent un regard décentré sur les crises, les conflits et les violences dans le couple et sur les sensibilitésinterculturelles. L’expérience québécoise dans ce domaine était présentée lors d’un colloque le 26 janvier dernier.

02-02-2007 Alter Échos n° 222

Une femme sur quatre est victime de violences conjugales, quelle que soit son origine, quel que soit son milieu social. Les Femmes prévoyantes socialistes (FPS)1 posent un regard décentré sur les crises, les conflits et les violences dans le couple et sur les sensibilitésinterculturelles. L’expérience québécoise dans ce domaine était présentée lors d’un colloque le 26 janvier dernier.

Au Québec, 48 % de la population affirment appartenir à une communauté ethnoculturelle. Ce défi de la multiculturalité, on le retrouve aussi dans les servicessociaux et dans les situations de violences conjugales. C’est un phénomène transnational mais, pour les migrants aux prises à ces actes de violences conjugales, denombreuses barrières freinent l’accès aux services d’aide et de soutien. Ces barrières sont liées au statut d’immigré, en tout cas au Canadaoù, comme le précise Irène Demczuk, coordinatrice et formatrice au service aux collectivités de l’Université de Québec à Montréal(UQAM)2, il faut attendre un certain temps pour obtenir l’accès à l’assurance maladie, à unlogement social, à une garderie, à l’aide juridique…

« L’immigration entraîne par ailleurs une déqualification professionnelle, une perte d’estime de soi », ajoute-t-elle. Comment aussi s’exprimer, appelerla police, faire appel à un service d’aide ou s’engager dans une thérapie lorsque l’on ne connaît pas les langues d’usage ? Cela constitue souventl’obstacle majeur. Méconnaissance également des ressources et de leur raison d’être : le concept de refuge peut paraître absurde, pourquoi retirer la femme etles enfants du foyer et pas le conjoint violent ? La méfiance des migrants par rapport aux organismes publics est un obstacle (on pense à l’expérience d’une policerépressive dans le pays d’origine), tout comme les préjugés, la xénophobie et le racisme de la société d’accueil et des personnes susceptibles deleur venir en aide. Des tabous restent liés à la vie sexuelle, on ne se confie pas ou peu à ce sujet. Enfin, la conception occidentale de la relation d’aide ne correspondpas nécessairement à celle de ces personnes en détresse.

D’autres freins additionnels sont plus spécifiques aux femmes, tels un isolement social plus grand (dû à une moindre intégration par le travail), renforcépar le contrôle de l’homme et le sentiment de honte, la peur des représailles du conjoint, la peur du rejet de la communauté d’appartenance, les conditions de vieprécaires (les enfants à charge, etc.), la crainte de ne pas être comprise, d’être jugée dans ses valeurs et ses croyances religieuses. Le typed’intervention peut en outre ne pas convenir. « La notion d’autonomie, de pouvoir personnel à retrouver ou encore la valorisation personnelle sont sans résonance danscertaines cultures », constate Irène Demczuk.

La pertinence de l’approche interculturelle

Initiée dans les années 70, l’approche interculturelle s’est d’abord soldée par un échec. « Elle était centrée sur lasensibilité culturelle de l’autre mais la conscience de la différence ne suffit pas », rappelle Irène Demczuk. On fait aujourd’hui la distinction entre laculture observable, dynamique (le mode de vie, la langue, les traditions, les rites…) et la culture intériorisée qui relève de la représentation individuelle de cesmodèles de comportement et des normes. Ces valeurs sont façonnées par le contexte migratoire et par l’expérience personnelle. « Depuis les années 80 etles travaux de Margalit Cohen-Emerique3, l’approche interculturelle va au-delà des manifestations visibles, c’est la rencontre et le dialogue entre deux porteurs decultures et cela passe par la découverte de sa propre identité », résume Demczuk.

Une meilleure compréhension, la reconnaissance de l’autre dans sa trajectoire migrante par l’écoute, la tolérance et l’ouverture sont des prémisses autravail interculturel. « On constate que de plus en plus de professionnels travaillent avec les migrants : policiers, psychologues, services sociaux… la bonne communication estessentielle pour fonder la relation de confiance nécessaire à l’aide », insiste l’universitaire canadienne. Plusieurs échecs peuvent en effet entraîner unrejet de cette clientèle ou un repli de celle-ci. Cela peut s’avérer fort coûteux car cela renforce son isolement et amplifie le phénomèned’exclusion.

Comment dès lors intégrer l’approche interculturelle dans la pratique professionnelle ? « C’est un rapprochement réciproque, la rencontre de deux expertisestout aussi importantes. Changer notre approche ne suffit pas, il faut aussi travailler en partenariat avec des associations spécialisées avec ces populations, rendre les services plusaccessibles en formant les gens ou en embauchant des personnes issues de l’immigration, en faire la promotion dans la langue de ces usagers en tenant compte de leur cadre culturel, allerlà où les gens se trouvent. »

Où commence la violence conjugale ?

Les gouvernements – fédéral, communautaires et régionaux – ont adopté en février 2006 une définition claire et uniforme des violences conjugales. Cettedéfinition détermine désormais le cadre de référence de l’ensemble des pouvoirs publics belges – tous niveaux confondus – en matière de violencesconjugales.
« Les violences dans les relations intimes sont un ensemble de comportements, d’actes, d’attitudes de l’un des partenaires ou ex-partenaires qui visent àcontrôler et dominer l’autre. Elles comprennent les agressions, les menaces ou les contraintes verbales, physiques, sexuelles, économiques, répétées ouamenées à se répéter portant atteinte à l’intégrité de l’autre et même à son intégration socioprofessionnelle. Cesviolences affectent non seulement la victime, mais également les autres membres de la famille, parmi lesquels les enfants. Elles constituent une forme de violence intrafamiliale.
Il apparaît que dans la grande majorité, les auteurs de ces violences sont des hommes et les victimes, des femmes. Les violences dans les relations intimes sont la manifestation, dans lasphère privée, des relations de pouvoir inégal entre les femmes et les hommes encore à l’œuvre dans notre société. »

1. Femmes prévoyantes socialistes, place Saint-Jean, 1-2 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 515 0401 – courriel : fps@mutsoc.be.

2. Université de Québec à Montréal.
3. Margalit Cohen-Emerique, Chocs de cultures : concepts et enjeux pratiques de l’interculturel, Éd. L’Harmattan, Paris, 1989, 398 p.

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