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Porter le RIS au-dessus du seuil de pauvreté : une proposition de loi en débat

Le Collectif solidarité contre l’exclusion1, l’une des associations qui a participé à l’élaboration du rapport bisannuel 2007 sur la lutte contrela pauvreté, mène depuis un certain temps une campagne pour le relèvement du RIS (Revenu d’intégration sociale) au-dessus du seuil de pauvreté etl’alignement du montant octroyé aux cohabitants sur celui des isolés2. Dans la poursuite de cette campagne, le Collectif solidarité contre l’exclusionsoutient une proposition de loi déposée à la Chambre par Écolo et Groen!3 et débattue actuellement en commission Santé publique de la Chambre.

06-06-2008 Alter Échos n° 253

Le Collectif solidarité contre l’exclusion1, l’une des associations qui a participé à l’élaboration du rapport bisannuel 2007 sur la lutte contrela pauvreté, mène depuis un certain temps une campagne pour le relèvement du RIS (Revenu d’intégration sociale) au-dessus du seuil de pauvreté etl’alignement du montant octroyé aux cohabitants sur celui des isolés2. Dans la poursuite de cette campagne, le Collectif solidarité contre l’exclusionsoutient une proposition de loi déposée à la Chambre par Écolo et Groen!3 et débattue actuellement en commission Santé publique de la Chambre.

Le rapport Abolir la pauvreté – une contribution au débat et à l’action politiques remis en décembre 2005 par le Service de lutte contre lapauvreté, la précarité et l’exclusion sociale posait le constat suivant : « À la lumière du seuil de revenu utilisé au niveau européenpour déterminer le taux de risque de pauvreté, la faiblesse des montants des allocations sociales apparaît clairement, en particulier celles qui sont octroyées dans lecadre du droit à l’intégration sociale […] ». Le même rapport poursuivait et indiquait qu’« une augmentation rapide des allocations sociales estindispensable. Elle devrait, par ailleurs, être réalisée dans le cadre d’une réflexion plus globale sur le niveau de l’ensemble des allocations et du salaireminimum ».

Une proposition de loi allant dans le sens de cette recommandation a été déposée en juin 2007 par plusieurs parlementaires Écolo et Groen! Elle vise àporter le revenu d’intégration octroyé aux personnes isolées au niveau du seuil de pauvreté, à aligner le statut de la personne cohabitante sur celui de lapersonne isolée (en clair l’individualisation des droits) et, enfin, à augmenter le revenu octroyé aux personnes ayant une famille à leur charge dans la mêmeproportion que pour les isolés.

Une majorité en principe favorable

Selon l’étude européenne SILC 2007, le seuil de pauvreté est fixé à 860 euros par mois pour un isolé. Le revenu insaisissable, fixé àl’article 1409 du Code judiciaire, est quant à lui de 907 euros pour un isolé. Par comparaison, au CPAS, un bénéficiaire du revenu d’intégration socialeisolé perçoit 684 euros. Il n’est donc pas possible, selon le Collectif solidarité contre l’exclusion (CSCE), de vivre dignement avec ce montant. Encore moins pour uncohabitant qui ne perçoit que 456 euros par mois. De plus, le statut de cohabitant pénalise les usagers de CPAS choisissant d’avoir une vie de famille.

Le Service de lutte contre la pauvreté pointe également cette disposition. Dans son dernier rapport pauvreté, le service indique que cette non-individualisation du droitengendre des effets pervers et tend à rompre les solidarités familiales ou amicales. Ce qui peut pousser l’individu au travail au noir ou aux fausses domiciliations.

Le CSCE avait déjà interpellé des responsables politiques sur ces deux questions2 en juin 2007. La majorité d’entre eux s’accordaient alors sur lasuppression de la catégorie « cohabitant » et sur l’augmentation du RIS au-dessus du seuil de pauvreté.

Une proposition trop restrictive

Pour le député Yvan Mayeur (PS), la proposition de loi est trop restrictive : elle ne va pas assez loin et porte en son sein de nombreux éléments concourant àune plus grande tension encore entre les différents bénéficiaires d’aide sociale. « En clair, avec la proposition Écolo-Groen!, il vaut mieux êtreà la charge d’un CPAS que chômeur ! »
« Plus largement, complète le député socialiste, la proposition écologiste omet de mentionner les aides annexes aujourd’hui octroyées par les CPAS auxbénéficiaires du RIS. » Constatant à ce niveau d’importantes différences de traitement entre CPAS, Yvan Mayeur explique avoir entamé uneréflexion sur l’opportunité de fédéraliser certains de ces avantages. « Il est en effet inacceptable que, selon le lieu de domiciliation dubénéficiaire, selon la politique d’aide sociale menée par le CPAS, selon la trésorerie de ce dernier, le droit social diffère finalement entre citoyens ;inacceptable que les mêmes aides pourtant vitales ne leur soient pas, partout, garanties. »

Enfin, le groupe PS plaide pour que l’octroi de certains avantages ne se fasse plus sur la base de la catégorie sociale du demandeur mais bien en fonction de ses revenus. Une mesuredéjà mise en place en ce qui concerne l’accès au fonds mazout ou encore au niveau des soins de santé via le maximum à facturer (MAF) et le statut Omnio,soulignent les socialistes.

Appel à soutien

Le Collectif solidarité contre l’exclusion note quant à lui « avec intérêt » la déclaration d’Yvan Mayeur, à savoir que « laproposition de loi est trop restrictive, ne va pas assez loin ». « Sur la base de cette déclaration, comme de nombreux usagers de CPAS, chômeurs et allocataires sociaux, nousne comprendrions dès lors pas que le groupe PS – sous prétexte qu’elle ne va pas assez loin – vote contre une proposition qui comporte deux avancées majeures enmatière de lutte contre la pauvreté : porter le RIS au-dessus du seuil de pauvreté et aligner le montant octroyé aux cohabitants sur celui octroyé auxisolés. » Pour le CSCE, la proposition sur la table est essentielle pour lutter contre la pauvreté, même si elle devrait être complétée.

Le message du Collectif à l’adresse du PS se veut très clair : « Nous invitons plus particulièrement les députés PS à la Chambre à soutenircette proposition et, au minimum, à l’ouverture préalable d’un large débat à travers la tenue d’auditions des différents acteurs de la société civileconcernés (organisations syndicales, associations, présidents de CPAS) autour de cette proposition de loi. Puisqu’ils regrettent que la proposition ne vise pas les allocations dechômage, « la problématique du salaire minimum ni celle du revenu net des travailleurs », nous invitons particulièrement les députés PS à déposer en cesens des amendements ou des propositions complémentaires. Si ces propositions constituent des pas en avant en matière de lutte contre la pauvreté, nous ne manquerons pas de lessoutenir. Par contre, si le Groupe PS se contente de voter contre cette proposition de loi, sans préalablement ouvrir le débat ni formuler de propositions d’amendement, les usagers desCPAS et les allocataires sociaux ne pourront que tirer la conclusion que, par leur vote, les députés PS auront fait concrètement obstacl
e à une proposition quicontribuerait à les sortir d’une situation de pauvreté… »

La Cour des comptes a chiffré l’impact

De son côté, la parlementaire Écolo, Zoé Genot, une des auteurs de la proposition, précise : « Nous travaillons, parallèlement à cetteproposition RIS, à une proposition concernant les autres allocations sociales et le relèvement du salaire minimum. Nous sommes tout à fait ouverts à ce qu’on couvrel’ensemble des allocataires sociaux. Il s’agit ici de la technique du pied dans la porte, une première étape, durant laquelle les autres allocataires sociaux pourraientdemander un complément RIS avant de voir leurs propres allocations augmenter. De même que pour arriver au seuil minimum de pauvreté, nous pouvons envisager un phasage pluriannuelde relèvement de 20 % par an, par exemple. »

La proposition de loi est actuellement discutée en Commission Santé publique de la Chambre. Commission qui a demandé à la Cour des comptes de chiffrer l’impactbudgétaire d’une augmentation de toutes les allocations (allocations pour handicapés, Grapa, etc.) au-dessus du seuil de pauvreté. Après simulation, celle-ciévalue le surcoût de la mesure5 concernant uniquement le RIS à 176 800 000 euros. Si on augmente et individualise ce droit, la mesure est évaluée à227 300 000 euros, soit un peu plus de 50 millions d’euros de différence. Si l’on augmente l’ensemble des allocations d’assistance et d’assurances au-dessus du seuil de pauvreté, lamesure pourrait coûter 1 254 100 000 euros.

1. CSCE asbl :
– adresse : rue Philomène, 43 à 1030 Bruxelles
– tél. : 02 218 09 90
– courriel : info@asbl-csce.be
– site : www.asbl-csce.be
2. Propositions, mémorandum, vidéos, consultables sur http://www.asbl-csce.be/index.php?option=com_content&task=view&id=9&Itemid=11
3. Proposition de loi concernant le droit à l’intégration sociale en vue de porter le niveau du revenu d’intégration au-dessus du seuil de pauvreté etd’aligner le montant octroyé aux cohabitants sur celui octroyé aux isolés – auteurs : Zoé Genot, Wouter De Vriendt, Georges Gilkinet, Jean-Marc Nollet, MurielGerkens, Meryem Almaci, Tine Van der Straeten, Thérèse Snoy, Fouad Lahssaini, tous du groupe Ecolo-Groen! – texte en ligne : http://www.lachambre.be/FLWB/PDF/52/0051/52K0051001.pdf

4. Idem note 2.
5. Avis de la Cour des comptes (doc 52-0051/002) : www.lachambre.be/FLWB/PDF/52/0051/52K0051002.pdf

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