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Plan Zen : le ministre wallon des Affaires intérieures a reçu plusieurs avis

Le 26 septembre 2002, le gouvernement wallon approuvait en deuxième lecture « l’avant-projet de décret relatif à la prévention de proximité dans les villeset communes de Wallonie – plan Zen ». Le ministre des Affaires intérieures du gouvernement wallon, Charles Michel (MR), sollicitait début octobre l’avis de laCommunauté française dans le cadre de la concertation entre entités fédérées. Début décembre, cette dernière, ainsi que le Conseilcommunautaire de l’aide à la jeunesse (CCAJ) remettaient leurs avis. Le Conseil d’État avait, entre-temps, remis le sien.

01-08-2005 Alter Échos n° 134

Le 26 septembre 2002, le gouvernement wallon approuvait en deuxième lecture « l’avant-projet de décret relatif à la prévention de proximité dans les villeset communes de Wallonie – plan Zen ». Le ministre des Affaires intérieures du gouvernement wallon, Charles Michel (MR), sollicitait début octobre l’avis de laCommunauté française dans le cadre de la concertation entre entités fédérées. Début décembre, cette dernière, ainsi que le Conseilcommunautaire de l’aide à la jeunesse (CCAJ) remettaient leurs avis. Le Conseil d’État avait, entre-temps, remis le sien.

Pour rappel, le plan Zen veut développer la prévention de proximité1. Pour ce faire, la Région wallonne va conclure avec les communes qui le souhaitent unpartenariat sous la forme d’un « Plan de prévention de proximité » (PPP). Ce dernier se fonde sur la mise sur pied d’une politique de prévention du décrochagesocial au sens large à travers une politique de quartier qui se veut transversale. « Le PPP assurera la coordination, la cohérence et l’articulation de l’ensemble des projetsqu’il développe » (voir aussi AÉduc n°40, p. 530). Lors des premières discussions autour de cet avant-projet, les acteurs de terrain, particulièrement lestravailleurs sociaux des Plans sociaux intégrés (PSI), s’étaient montrés très critiques (voir AÉduc n°36, p. 429). Les craintes étaient surtoutissues de la (con)fusion de ces derniers avec les « Contrats de sécurité et de société » et du manque de coordination entre le futur PPP et les autres servicesd’aide.

L’avis du gouvernement de la Communauté française

L’avis rendu par l’exécutif de la CFWB demande de mettre « l’accent sur le rôle de l’éducation formelle et non formelle en matière de prévention globale desphénomènes de violence ». Christine Mahieu, directrice-adjointe du cabinet de la ministre de l’Aide à la jeunesse2 (Écolo), explique que « du pointde vue de la Communauté française, la prévention doit toujours être pensée en termes d’émancipation, comme un point de vue positif pour la personne. Cen’est pas une prévention qui pointe le manque ou encore les populations dites à risques ». Ensuite, l’avis du gouvernement insiste sur la nécessité d’évitertoute concurrence entre les politiques spécifiques des différents niveaux de pouvoir. Il demande de préciser les missions fixées dans l’avant-projet afin d’évitertout empiétement sur les compétences communautaires. C’est particulièrement le cas pour la réduction des risques liés à la toxicomanie repris dans l’article2.2° de l’avant-projet. Afin d’éviter les dédoublements, la CF recommande d’inclure, dans les commissions de prévention de proximité, des représentants dessecteurs qu’elle reconnaît et/ou subventionne. Enfin, elle propose un échange d’informations sur les actions menées par les projets afin d’éviter les dédoublements.En échange, la CF propose de transmettre la liste des acteurs qu’elle subventionne sur cette matière.

En ce qui concerne les compétences en matière de prévention de la délinquance, la Communauté rappelle le décret du 4 mars 1991 relatif à l’Aideà la jeunesse qui a également créé des structures de coordination au niveau de l’arrondissement (les Conseils d’arrondissement de l’aide à la jeunesse). Ellepropose donc que les plans de prévention élaborés par chaque commune soient communiqués au CAAJ de leur ressort. Enfin, la Communauté française souhaite queles travailleurs sociaux des services issus des PPP soient soumis au même code de déontologie et non pas à une charte élaborée par commune, tel que l’avant-projet leprévoit.

Aux yeux de Christine Mahieu, c’est l’élément le plus important pour la Communauté. « Lorsque les travailleurs sociaux appartenant aux services du Plan deprévention de proximité travaillent avec des jeunes, qu’ils adoptent une charte qui reprend les orientations du Code de déontologie de l’aide à la jeunesse. La commissionde déontologie mise sur pied par la Communauté comprendrait alors deux représentants de la Région wallonne lorsque des situations relatives aux services issus du plan Zenseraient concernées. » Pour Christine Mahieu, « s’il y avait beaucoup de réticence de la part du secteur de l’Aide à la jeunesse vis-à-vis de ce type deprojets dans les années 90, aujourd’hui, nous préconisons plutôt une contagion culturelle. Ces services sont là : faisons en sorte qu’ils travaillent dans le mêmesens que nous, faisons en sorte que ce ne soit pas les jeunes qui trinquent ».

L’avis du Conseil consultatif de l’aide à la jeunesse

Le CCAJ a également remis un avis, sur son initiative, au gouvernement wallon. Le ton y est beaucoup plus tranchant. Il exprime les craintes du Conseil quant au « retour de laprimauté du volet sécuritaire dans les plans sociaux ». Le CCAJ y réitère son regret de voir se multiplier les dispositifs émanant du fédéral oudes Régions « dans des matières où la Communauté française dispose également de services ». Ce qui conduit à « des doublons, desconfusions, voire à l’abandon de certains projets au nom d’un réajustement des compétences ». Favorable à la création de véritables PSI, le Conseil« redoute la formulation du plan Zen actuel ». Le Conseil émet plusieurs conditions à la fusion des PSI avec les « contrats de sécurité et desociété ».

> Le plan Zen doit concerner tous les citoyens et non certaines catégories de la population comme les jeunes, les immigrés, les toxicomanes, les victimes.

> Un tel plan ne peut être crédible que si le décret organise « l’articulation des PSI avec d’autres politiques directement concernées, comme les politiquessociales et d’aide aux personnes, la politique de l’emploi et de l’insertion socioprofessionnelle, la politique du logement, la politique de la santé, celle de l’aide à la jeunesse, lesdispositifs d’accueil de l’enfant (CLE) et de soins aux personnes (CISD) ainsi que les politiques culturelles ».

> Les objectifs des PSI ne peuvent se limiter aux aspects sécuritaires, ils doivent promouvoir le bien-être et l’épanouissement de chacun, dans une philosophie qui s’inspirede l’approche développée dans les AMO. Le travail collectif et communautaire avec les familles doit être reconnu et pris en compte. De même pour le travail dedéveloppement culturel mis en place par les organisations de jeunesse, les centres et maisons de jeunes, les centres culturels et l’éducation permanente.

> Concernant les règles déontologiques, le Conseil recommande aussi « l’établissement d’une charte précisant les droits et obligations de chacun desintervenants et obligeant au respect de tous les intervenants des déontologies propres à chacun ». Il propose que cette charte se base sur un modèle unique pour l’ensemblede la Région wallonne. Les communes auraient « la possibilité d’y spécifier les particularités inhérentes aux types de partenariats mis en place ». LaRégion avaliserait la proposition de charte en s’assurant que les principes généraux y sont respectés et que l’ensemble des acteurs de terrain ait bien étéconsulté pour y adhérer.

> Pour le CCAJ, il n’est pas question que la fusion des PSI et des « contrats de sécurité et de société » ne se réduise à « un simpletransfert budgétaire et encore moins d’en profiter pour réaliser des économies d’échelle ». Le Plan de prévention doit générer davantage decohésion sur le terrain.

> Enfin, le Conseil veut que tous les acteurs du plan local soient associés à l’évaluation. Il propose la mise sur pied d’un dispositif méthodologique global qu’unComité d’accompagnement pour l’ensemble des PSI utiliserait pour actualiser les axes prioritaires à impulser lors des PSI suivants.

En conclusion, l’avis du CCAJ (rendu sur sa propre initiative) indique que « si ces conditions étaient remplies, il pourrait suggérer l’étude d’accords decoopération entre CF et Région wallonne afin d’optimaliser ces complémentarités et collaborations ».

L’avis du Conseil d’État

Le Conseil d’État a rendu son avis à la fin novembre. Dans ses observations générales, il pointe le fait que les communes ne peuvent subventionner des activitésque si celles-ci peuvent se rattacher à une matière dont la Loi spéciale du 8 août 1980 relative au financement des communes leur confie la compétence. Seules desactions pouvant être rattachées à des compétences de la Région wallonne peuvent être visées. Le Conseil d’État note que l’article 2.2°(réduction des risques liés à la toxicomanie) peut être rattaché à plusieurs autorités. En conclusion, le Conseil d’État recommande deprévoir dans l’avant-projet que les actions reprises dans le plan soient subsidiées dans la mesure où elles relèvent de la compétence de la Région.

Ensuite, le Conseil d’État regrette l’absence de précision quant aux compétences que le législateur laisse à l’initiative du gouvernement. Il demande quel’avant-projet précise la manière dont seront déterminées les communes éligibles. En l’état, le texte laisse au gouvernement « un pouvoirentièrement discrétionnaire pour fixer la liste des communes éligibles ». De même, le Conseil pointe le fait qu’il n’y ait aucune fourchette pour fixer le montant dessubventions allouées aux communes.

Du côté du cabinet du ministre Michel, on rappelle que le PPP ne constitue qu’une partie du plan Zen. D’autres initiatives visent à doter de nouveaux équipements pourles communes, notamment au niveau de la sécurité routière et la sécurisation des abords des écoles, le matériel de propreté publique, lapossibilité d’engager des PTP… Le cabinet indique que les concertations sont en cours avec la CF et les partenaires du gouvernement de la Région. L’avant-projet devrait passer entroisième lecture dans les prochaines semaines. L’objectif est qu’il soit d’application en 2003. On souligne que « de nombreuses rencontres ont été organisées avecles acteurs des PSI et des contrats de sécurité. Un projet de charte est en cours d’élaboration avec des représentants des acteurs de terrain. Celui-ci sera discutéavec le ministre. On s’achemine vers une formule où des aménagements pourront être proposés en fonction des réalités locales ». Par rapport à lafusion avec les contrats de sécurité, le cabinet explique que « depuis deux ans, la Région s’occupe du volet préventif alors que le volet sécurité aété coulé dans la réforme des polices. Dans ce cadre, il était logique de réunir les PSI et les contrats de sécurité et desociété ».

Sur le terrain des PSI

Etienne Scorier est responsable du PSI et fonctionnaire de prévention à la Ville d’Ottignies Louvain-la-Neuve3. Il dirige la cellule de développement communautairequi a intégré un contrat de prévention fédéral conjointement au PSI. Il est l’un des initiateurs du mouvement de réflexion qui était né, en2002, parmi les travailleurs en PSI à la suite de l’annonce de la mise en œuvre du plan Zen mais il s’exprime ici à titre personnel.

« Le problème vient du fait que le PPP s’inscrit dans l’article 11 du CAWA, à côté d’autres éléments comme l’amélioration del’éclairage public, la prise en charge des victimes dans les zones de police… On se retrouve au sein d’un même texte avec des matières qui n’ont rien à voir avec letravail de prévention sociale. Ceci contribue à entretenir des confusions sur les niveaux d’intervention et les rôles de chacun. C’est un peu comme si une loi sur le cadrejudiciaire intégrait des éléments relatifs à l’équipement pénitenciaire. Toutefois, il me semble indispensable de mettre en place des moyens autres quepoliciers pour lutter contre le sentiment d’insécurité. On doit trouver des alternatives à Sarkozy. »

Il poursuit en insistant sur l’importance de la question de savoir « comment faire un travail de qualité en matière de prévention. Que l’on soit rattaché àun PSI ou à un PPP, il existe une dépendance à un pouvoir local. Cet élément ne doit pas être négligé. C’est en effet trèsdifférent de dépendre directement des attentes d’un pouvoir politique local et de sa population ou d’une structure associative. Comment travaille-t-on avec ces contraintes ? Commentréaffirmer un travail qui agit sur les causes et non sur les effets, et qui a donc besoin de se déployer dans le temps ? À ce sujet, il reste encore beaucoup de choses àmettre en place. Au niveau local, le pouvoir communal pourra donner l’orientation qu’il souhaite à son PPP. D’une commune à l’autre, cela pourra être très différent.Mais la manière dont va se traduire le PPP dépend aussi des acteurs de terrain en présence et de la manière dont ils vont poser leurs limites par rapport aux tendancessécuritaires contenues dans les textes. »

Face aux prises de position des acteurs du secteur de la jeunesse, Etienne Scorier réplique : « mon positionnement est différent. Il est préférable que lestravailleurs sociaux de tous les services questionnent le fonctionnement de ces dispositifs plutôt que de se tenir à l’écart en disant qu’il n’y a rien de bon là-dedans.Des intervenants sociaux travaillent dans ces dispositifs. Avec le demi-milliard (FB) régional et le milliard du fédéral consacré à ces politiques deprévention, tout le monde se trouve en contact avec des services financés dans ce cadre. Alors c’est vrai que je suis aussi pour un rapatriement de ces moyens à laCommunauté. Mais il ne faut pas rêver. Quelle majorité politique va retenir cette option ? Pour ma part, il me semble qu’il faut proposer une autre réponse que laréponse sécuritaire aux niveaux fédéral et régional. Les contacts entre le fonctionnaire de prévention et le chef de corps peuvent se réaliser dans lecadre du conseil de prévention et de sécurité par exemple. Cela permet de ne pas se retrouver entre quatre yeux avec le volet policier mais d’inclure les autres services sociauxet les habitants. On développe alors un cadre plus transparent où l’on aborde les problèmes sous l’angle de la politique générale et non en stigmatisant desindividus ou des groupes d’individus. Cette approche générale doit nous permettre de développer des réponses aux problèmatiques rencontrées qui soienttransversales, adaptées et émancipatrices. »

Plan Zen, ISP, insertion sociale : le CESRW en appelle à plus de cohérence

En juillet, le Conseil économique et social de la Région wallonne a reçu une demande d’avis du ministre Michel sur le Plan Zen. Pratiquement le même jour, il recevaitaussi les demandes

> de la ministre Arena sur le Dispositif intégré d’insertion socioprofessionnelle,

> et du ministre Detienne sur l’insertion sociale (et les relais sociaux).

Les partenaires sociaux ont pris le parti de ne pas consacrer un avis au Plan Zen comme tel. Ils ont donc surtout planché sur les autres textes. Mais ils se sont en plus fendus d’unpréambule commun à ces deux avis qui prend position sur la cohérence entre les… trois textes du gouvernement. Le tout a été clôturé finnovembre.

Cohérence = pas de « chevauchements »

La cohérence qu’appellent les partenaires sociaux définit les trois textes comme organisant les trois étapes d’un processus d’insertion entendu au sens le plusgénéral, et plaçant « le bénéficiaire au centre des préoccupations ». Les actions d’insertion sociale du ministre Detienne devraient enconséquence être plus fortement articulées au dispositif envisagé par la ministre Arena. En clair, elles devraient pratiquement y préparer. Lesspécificités des deux projets n’étant pas assez approfondies, on risque des « chevauchements », alors que c’est à de véritables « passerelles» qu’en appelle le CESRW4.

Pour ce qui est du Plan Zen, le CESRW craint d’autres chevauchements. Avec les relais sociaux sur la question de la prévention globale à caractère social (entendu commeopposé à sécuritaire), et sur le risque de créer deux instances de coordination qui travaillent en parallèle. Et de renvoyer à la clarification, par lestrois textes, de la place accordée aux CPAS, qui ont déjà par ailleurs des missions en termes d’insertion professionnelle, de coordination, et de prévention sociale.

Insertion socioprofessionnelle : pas clair

Concernant le texte de la ministre Arena, les partenaires sociaux se félicitent des avancées par rapport à la logique de parcours d’insertion qui a étédéveloppée depuis 1997. Mais ils critique de façon virulente que contrairement à ce que réclamait l’évaluation du parcours d’insertion, l’avant-projet nedistingue pas les mesures qui s’adressent à l’ensemble des demandeurs d’emploi et celles qui relèvent au sens strict du champ de l’insertion des chômeursdéfavorisés.

Insertion sociale : une logique trop peu affirmative

Pour ce qui est du texte du ministre Detienne, le CESRW regrette que la spécificité même de l’insertion sociale ne soit pas assez définie. Il craint de voirémerger un dispositif résiduaire, destiné aux publics qui ne trouvent pas leur place dans l’insertion socioprofessionnelle, et rassemblant des actions qui ne trouvent pas dereconnaissance dans le futur dispositif intégré d’insertion socioprofessionnelle. Il en appelle donc à une clarification des objetifs de l’insertion sociale et à une autredénomination.

1. Cabinet du ministre des Affaires intérieures, rue des Brigades d’Irlande 2 à 5100 Jambes, tél. : 081 32 81 11.
2. Cabinet, rue Belliard 9-11 à 1040 Bruxelles, tél. : 02 213 35 71.
3. Cellule de développement communautaire d’Ottignies-LLN, tél. : 010 42 08 48, e-mail : cellule@skynet.be
4. CESRW, rue du Vertbois 13c à 4000 Liège, Site web : http://www.cesrw.be. Les avis portent les numéros 688, 689et 690.

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