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Migrations

Parcours d’intégration : sanctions à la clé… débat relancé !

01-03-2019
© SensiForma / CRIBW

Les primo-arrivants pourront dorénavant être sanctionnés s’ils ne suivent pas correctement le parcours d’intégration que leur impose la Région wallonne. Un sujet qui avait suscité le débat en 2015.

Depuis le 1er janvier 2019, les sanctions dans les parcours d’intégration sont appliquées en Wallonie. Cette question avait fait débat en 2015, dès la mise en place des parcours wallons. Ecolo, ainsi que le PS par la suite, s’y étaient drastiquement opposés. Pour rappel, ces parcours ont pour objectif l’émancipation et l’intégration des primo-arrivants. Au programme? Deux phases, désormais obligatoires. La première est le module d’accueil qui consiste à établir un bilan social avec le primo-arrivant. Ce sont les employés des centres régionaux d’intégration (Cri) qui s’occupent de ce bilan avec le primo-arrivant lors d’un entretien individuel pour tenter de clarifier sa situation actuelle. La deuxième phase débute par la signature de la convention. «On demande aux primo-arrivants de signer cette convention de sorte à ce qu’ils soient mis au courant dès le début qu’ils peuvent être sanctionnés s’ils ne participent pas au parcours», précise Robert Javaux, représentant du cabinet de l’actuelle ministre de l’Action sociale Alda Greoli. En signant cette convention, le primo-arrivant s’engage alors à suivre une formation de citoyenneté et à participer au suivi individualisé. Pour ce qui est de la formation à la langue française et l’orientation socio-professionnelle, il devra y participer, ou pas, en fonction des résultats obtenus lors de son bilan social.

Bien que ces parcours soient ouverts à tous sur base volontaire, ils sont cependant obligatoires pour certains. Les personnes étrangères qui séjournent légalement en Belgique depuis moins de trois ans et qui ont un titre de séjour de plus de trois mois devront y participer. Si elles manquent à l’appel, elles se verront sanctionnées par une amende de 50 euros. Mais ce montant pourrait augmenter petit à petit si le primo-arrivant concerné par l’obligation ne s’inscrit pas par la suite. Si ces sanctions existent sur papier depuis l’entrée en vigueur du parcours, leur mise en pratique est une des nouveautés de 2019. Elles sont désormais d’application car l’ensemble du dispositif est opérationnel.

Un ping-pong politique qui date

En 2015, le fait de sanctionner ou non les primo-arrivants, avait provoqué le débat au sein du gouvernement wallon. L’ex-ministre de l’Action sociale, Maxime Prévot (cdH), avait voulu adapter le texte de base en rendant le parcours obligatoire et en prévoyant des sanctions. Ce jeudi 21 février, Robert Javaux a tenu à préciser la décision de l’ex-ministre: «L’intention de Monsieur Prévot était de rester dans cette logique de droits et devoirs des primo-arrivants. La Région wallonne a une responsabilité quand elle les accueille. Ils doivent donc eux aussi s’engager à suivre le parcours. Aujourd’hui le but de la Ministre Alda Greoli, reste le même:  faire comprendre qu’il y a une obligation de suivre ce parcours et qu’il y a donc un risque de sanctions.»

À l’époque, Ecolo s’était clairement opposé au caractère obligatoire du parcours et à l’application de sanctions. Matthieu Daele, député Ecolo wallon, avait déclaré que si le budget utilisé pour les parcours était insuffisant et ne permettait pas d’accueillir tout le monde, il n’y avait aucun sens à sanctionner les primo-arrivants qui n’y participaient pas.

Mais depuis, la donne a quelque peu changé. En novembre 2018, le parlement wallon a voté un décret visant à améliorer et renforcer les dispositifs des parcours d’intégration. Annonce qui pourrait plaire à Mathieu Daele car l’ensemble du budget a été revu. La Wallonie octroie 8 millions d’euros supplémentaires pour les parcours. Ce qui fait monter la somme totale à près de 23 millions d’euros pour l’année 2019. Pourtant, malgré ce changement, le député Ecolo campe toujours sur ses positions: «Madame la ministre Alda Greoli m’affirme que ces 8 millions supplémentaires seront suffisants pour pouvoir accueillir les personnes qui sont dans l’obligation d’y participer ainsi que les personnes qui souhaitent suivre le parcours sur base volontaire. Je mets très clairement en doute le fait que ce nouveau budget soit suffisant pour accueillir tout le monde!»

Comme il l’avait déjà affirmé en 2015, Matthieu Daele pense que le budget reste trop faible et que l’instauration d’amendes n’est toujours pas appropriée. Cependant, si certains candidats se montrent vraiment récalcitrants, le député Ecolo n’est pas totalement fermé à un système de sanctions. «Si les places et le budget sont suffisants, alors là on peut envisager une stratégie de contraintes. Cependant, même si je ne vois pas quel autre type de sanctions pourrait être appliqué, je ne pense pas que le système de sanctions financières soit le bon en termes d’efficacité.»

D’autres nouveautés au programme

Grâce à cette augmentation de budget, Alda Greoli, elle, espère pouvoir faire profiter ce parcours à près de 1.500 personnes en plus. À ce jour, elles sont plus de 3.000 à y participer volontairement ou obligatoirement. Les 8 millions d’euros supplémentaires seront alors repartis entre les différents opérateurs (asbl, associations,…) qui pourront engager plus de formateurs pour les cours de français et à la citoyenneté.

Ce qui nous amène aux autres changements de 2019 puisque le nombre d’heures de ces formations a considérablement augmenté. Pour la formation à la citoyenneté on passe de 20 heures à 120. Augmentation d’heures également pour la formation au français puisqu’on passe de 120 heures à minimum 400. Autre nouveauté: afin de savoir si oui ou non il devra suivre ces cours de français, le primo-arrivant devra effectuer un test d’évaluation de son niveau. Ce test est réalisé dès le début du parcours, lors de la phase «module d’accueil», dans les centre régionaux d’intégration. Si le primo-arrivant obtient un niveau suffisant, il sera alors dispensé des cours.

La Wallonie a également prévu d’octroyer des aides aux organismes qui accompagnent les mineurs étrangers non-accompagnés. Enfin, un système de dispense a été mis en place. Par exemple, si le primo-arrivant trouve un emploi durant le parcours, il peut en être dispensé pour ne pas être handicapé par les horaires.

Une nouveau budget qui séduit les Cri de Wallonie

La nouvelle qui fait mouche du côté des centres régionaux d’intégration (Cri), qui coordonnent ces parcours, c’est surtout l’augmentation du budget. Selon Patrick Monjoie, directeur du CriBW, les sanctions sont, elles, inévitables dans ce type de parcours: «Même si le Cri se positionne du côté de l’accompagnement social et humain, on est face à un dispositif législatif. Donc chaque dispositif dispose d’un arsenal de sanctions, c’est presque incontournable.» Le directeur pense cependant que peu de primo-arrivants prendront le risque de devoir payer une amende. «Il faut savoir que les personnes dans l’obligation de suivre ces parcours sont plus souvent demandeurs et contents de savoir que ce type de programme est mis en place pour eux. Donc on ne veut pas se positionner sur la question de savoir si imposer des sanctions est bien ou pas. Ce qu’on voit surtout c’est que le dispositif est renforcé et que le budget est augmenté!» Pour le Cri, ces 8 millions supplémentaires sont une réelle aubaine. Ils permettront, notamment, de collaborer plus facilement avec les communes. De fait, la première fois que le primo-arrivant entend parler de ce parcours, c’est lors de son inscription à la commune. Une meilleure collaboration entre celle-ci et le Cri permettra aux primo-arrivants d’avoir un contact plus facile avec le centre régional d’intégration dont il dépend.

Si Madame Greoli est satisfaite par ce nouveau montant, Monsieur Daele, lui, reste très sceptique. «Madame Greoli et moi-même sommes clairement en désaccord sur ce sujet. Et donc, ce sont les constats sur le terrain qui doivent départager notre désaccord. J’ai donné rendez-vous à Madame la ministre dans le courant de l’année pour voir ce qui sera observé dans les centres régionaux d’intégration suite à l’augmentation de budget.»

 

Pauline Perniaux

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