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Regard critique · Justice sociale

Santé

Mettre des mots sur les choses du sexe

Définir l’Evras, pour savoir de quoi on parle. Un enjeu d’importance

L’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (Evras) fait partie intégrante des missions de l’école depuis un an. Des associations s’inquiètent tout de même : en l’absence de définition de l’Evras, ne reste-t-on pas dans le flou total ?

Cela va bientôt faire un an que l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (Evras) est officiellement une des missions de l’école. De nombreuses associations, à commencer par les plannings familiaux, avaient alors salué cette avancée « significative ». Enfin, on parlerait de sexe et d’amour à l’école. De contraception, d’identité sexuelle ou de rapports hommes femmes.

Un an plus tard, ces mêmes associations déchantent un peu. Une douzaine d’organisations, sous la houlette de la Fédération Laïque de centres de planning familial1, ont écrit une lettre ouverte aux ministres de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elles dénoncent le « refus » de la ministre de l’Enseignement obligatoire, Marie-Dominique Simonet (CDH), de définir légalement ce qu’est l’Evras. C’est ce qu’explique Nicolas Menschaert, directeur de la Fédération laïque des centres de planning familial : « Il faut dire ce qu’est l’Evras et préciser des objectifs à atteindre. Sinon, on ne garantit pas l’égalité d’accès à cette éducation. Personne ne sait vraiment de quoi il va être question lors des animations sur l’Evras. Certaines écoles pourront esquiver des questions relatives aux orientations sexuelles, au statut de la femme, à l’avortement voire à la contraception. Sur quels critères seront inspectées les écoles ? » Mais attention, Nicolas Menschaert l’affirme clairement, il n’est pas question d’uniformiser la manière d’enseigner l’Evras, mais simplement de « sortir du flou » et de savoir vers quels objectifs il faudrait tendre2.

Jusqu’à présent, la ministre de l’Enseignement a offert aux revendications des plannings une fin de non-recevoir. Le 7 mai dernier, elle déclarait au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles qu’il ne fallait « pas aller plus loin et élaborer d’autres textes légaux ». Certes, la ministre admet qu’elle avait, dans un premier temps, « prévu de diffuser une circulaire ». Mais elle s’est ravisée, préférant opter pour une « brochure » qui sera diffusée dans toutes les écoles, qui « devrait permettre aux acteurs concernés de s’accorder sur les points de repère communs ». Rien de contraignant à l’horizon.

Toucher à l’autonomie des écoles…

Nicolas Menschaert avait bien remarqué que nombre d’écoles ne montraient pas un enthousiasme délirant à l’idée d’inscrire l’Evras dans le fameux décret missions. « On va encore imposer quelque chose à l’école », se plaignaient-elles.

Il n’a pu que le constater : la ministre est passée outre ces réticences après consultations diverses et variées. « Peut-être a-t-elle dépassé les réticences dans le cadre d’une négociation », pense-t-il tout haut. Une sorte d’accord tacite, « j’inscris l’Evras, mais sans définition, comme ça vous avez les mains libres ». Impossible à vérifier. Surtout en l’absence d’interlocuteurs très réactifs chez Marie-Dominique Simonet…

Une chose est sûre, la coalition d’associations se tourne désormais vers les autres ministres de la Communauté française et de la Région wallonne. « L’Evras touche au projet de société, aux questions de citoyenneté, de santé publique », explique Nicolas Menschaert.

Au cabinet du ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Rudy Demotte (PS), on dit « partager les préoccupations de ces associations ». Véronique Jamoulle, spécialiste des questions d’enseignement nous apprend que l’équipe de Fadila Lanaan a été chargée de travailler sur une « définition partageable de ce qu’est l’Evras ». Mais que l’enjeu est celui du « cadre juridique » dans lequel cette définition devra être intégrée. Si elle estime qu’il faudrait un « décret ad hoc », elle constate aussi que tout cela, finalement, « est du ressort de la ministre de l’Enseignement, à qui l’on reproche déjà de trop imposer de choses à l’école ». Car c’est notamment à la sacro-sainte « autonomie des écoles » que ce débat se heurte… pour l’instant

1. Fédération laïque des centres de planning familial :
– adresse : rue de la Tulipe, 35 à 1050
– tél. : 02 502 82 03
– courriel : flcpf@planningfamilial.net

2. Pour une définition de l’Evras, les associations recommandent de se référer au texte de l’Organisation mondiale de la santé, « Standards for sexuality Education in Europe ».

Cédric Vallet

Cédric Vallet

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