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Regard critique · Justice sociale

Justice

L’essor de dispositifs de contrôle des policiers… et des citoyens

Pour objectiver les situations de violence ou d’abus entre policiers et citoyens, deux dispositifs sont souvent évoqués. Les «bodycams», qui recueillent l’assentiment de nombreux policiers. Et l’enregistrement des contrôles d’identité, plus controversés.

19-11-2020
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Les «Bodycams» sont-elles la panacée face aux violences policières (Lire: «L’impunité, plus qu’un sentiment», Alter Échos n°488, novembre 2020) et aux violences à l’encontre des policiers?

Ces dispositifs vidéo, intégrés à l’uniforme des forces de l’ordre, se multiplient en Belgique. Des tests sont menés dans la zone de police de Bruxelles-Ixelles, à Bruxelles-ouest, à Turnhout, au Coq, à Anvers, Maline, Lokeren, Liège.

Le succès grandissant de ces petites caméras s’explique certainement par le fait qu’elles suscitent une relative bienveillance des ONG et l’enthousiasme de nombreux policiers. Pour Eddy Quaino, permanent CGSP-Police, «à Liège, le peloton anti-banditisme intervient souvent dans des situations un peu chaudes. Les policiers ont reçu des plaintes après certaines de ces interventions. Pendant la phase-test des ‘bodycams’, le nombre de plaintes contre les policiers a baissé de manière spectaculaire. Il faut évidemment informer le citoyen qu’il est filmé. Cela apaise et permet de voir ce qui s’est réellement passé lors d’interventions». Aux yeux du syndicaliste, les vertus des «bodycams» sont nombreuses. Elles permettent par exemple d’analyser, a posteriori, «pourquoi le policier a fait usage de la contrainte et dans quelles conditions».

À la Ligue des droits humains, Pierre-Arnaud Perrouty, le directeur, est plus mesuré: «Nous n’avons pas de position tranchée à ce sujet. Cela ne résoudra pas le profilage ethnique par exemple. Mais c’est une source d’image qui peut désamorcer des tensions. Et c’est un élément de preuve très fort.» Pour le directeur de la Ligue des droits humains, les «bodycams» ne sont «pas la solution miracle». Et lorsqu’elles sont utilisées, «cela doit être encadré par un protocole très clair, notamment pour définir précisément à quel moment le policier doit déclencher son dispositif», ajoute Pierre-Arnaud Perrouty. Un enjeu d’importance, car pour Eddy Quaino, c’est bien clair, c’est «au policier de déterminer, en fonction de la réalité du terrain, quand il doit l’activer et quand il ne doit pas l’activer». Un point de vue qui ne recueille pas l’unanimité. Hicham Talhi, député régional écolo, pense par exemple que les bodycams «ne sont utiles que si les caméras sont allumées à chaque interaction avec un citoyen».

«Nous n’avons pas de position tranchée à ce sujet. Cela ne résoudra pas le profilage ethnique par exemple. Mais c’est une source d’image qui peut désamorcer des tensions. Et c’est un élément de preuve très fort.» Pierre-Arnaud Perrouty, Ligue des droits humains

Enregistrer les contrôles d’identité, chiffrer, objectiver

C’est ce même élu Ecolo qui a récemment proposé, avec Juan Benjumea-Moreno (Groen) que chaque contrôle d’identité sur le territoire bruxellois soit enregistré, ainsi que son motif. «Cela permettrait d’objectiver la réalité, d’avoir des données et de lutter contre le sentiment d’impunité.» La base de données qui découlerait d’un tel dispositif permettrait d’en savoir plus sur les zones géographiques et les quartiers au sein desquels les habitants sont le plus l’objet de contrôles, ainsi que sur la récurrence des contrôles sur certains individus. Les personnes contrôlées pourraient éventuellement contester le bien-fondé de ces interventions parfois très mal ressenties. «Sans cela, on restera dans le flou artistique», ajoute Hicham Talhi.

Côté police, Eddy Quaino, estime que les auteurs de cette proposition «ne se rendent pas compte de la charge administrative que cela pourrait engendrer». À la Ligue des droits humains, Pierre-Arnaud Perrouty pense au contraire qu’un tel outil, accompagné d’un récépissé, permettrait de «garder une trace des contrôles, de faire des statistiques. Mais surtout, cela permettrait d’objectiver la situation, l‘existences de contrôles abusifs. Quant au policier, il devra justifier les raisons qu’ils l’ont poussé à contrôler telle ou telle personne. Dans les pays où ces enregistrements sont pratiqués (Royaume-Uni, Pays de Galle par exemple), on a pu voir que la police passait beaucoup de temps à contrôler les mêmes personnes. Cela permet de changer les pratiques et ensuite de consacrer ce temps gagné à une meilleure utilisation.» Une idée qui fait son chemin. Le 3 juillet dernier, le patron de l’Inspection générale des services de police, Thierry Gillis, affirmait dans La Dernière heure (cité dans Le Soir) que les policiers «devraient justifier chaque contrôle d’identité». Un moyen de protéger les «citoyens et les policiers».

En savoir plus

Cet article est publié en complément de notre dossier intitulé «Police et citoyens: légitime défiance» (Alter Échos n° 488, novembre 2020).

Cédric Vallet

Cédric Vallet

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