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"Les incubatiecentra, un des nouveaux outils de l'arrêté "économie plurielle" flamand"

18-02-2002 Alter Échos n° 114

Le gouvernement flamand vient de modifier son arrêté du 8 septembre 2000 concernant les mesures de soutien et d’impulsion pour l’économie plurielle. Si leschangements sont surtout techniques, l’ambition du projet reste assez vaste : conjuguer la rentabilité économique des entreprises aux objectifs sociaux de mise àl’emploi des « kansengroepen », un mot qui à lui seul résume l’esprit de « la nouvelle économie sociale flamande ».
Le moment est venu de dresser un premier bilan.
1. Les points forts du décret
« Nous avons pris une option précise depuis le début, explique Els Reynaert, conseillère au cabinet Landuyt1, ministre flamand de l’Emploi et du Tourisme, qui est àl’origine de l’initiative. Nous voulons que l’économie normale soit plus modelée par des valeurs socioécologiques, plutôt que de développer deuxmodèles parallèles. Et surtout, nous n’acceptons pas l’idée qu’il existe un public à risque, qui doit être pris en charge par un secteur àpart. Pour cette raison, nous utilisons l’expression kansengroepen, un mot qui met en évidence le potentiel que chacun doit pouvoir exploiter et valoriser grâce à uneorganisation du travail adéquate. Concrètement, le mot désigne les personnes sous-représentées dans le marché du travail, mais ce n’est pas parcequ’on est femme qu’on peut être considérée comme une travailleuse en insertion ! Il s’agit plutôt d’ouvrir les portes des entreprises aux peuqualifiés. »
L’arrêté entend refléter cette position en instaurant un modèle de développement d’une économie sociale nouvelle autour de cinq piliers principaux:
> les entreprises et les départements d’insertion;
> les incubatiecentra (incubateurs d’entreprise);
> les adviesbureaus (agences-conseil);
> le Fonds de participation pour l’économie sociale (Trividend);
> les services de proximité (la plus grande nouveauté du nouvel arrêté).
Les entreprises d’insertion sont des initiatives nouvelles (pas plus vieilles que trois ans); tandis que les départements d’insertion sont accessibles à des entreprises plusanciennes. L’un comme l’autre doivent, pour pouvoir recevoir l’agrément et bénéficier ainsi des aides prévues, satisfaire à plusieurscritères, dont les principaux sont :
> signer la Charte de l’économie plurielle2 ;
> avoir des activités qui produisent une plus-value sociale : les produits ou les procédures de production ne polluent pas et le service ou le produit offerts ont une utilitésociale;
> montrer leur rentabilité via un plan financier ;
> prévoir un plan du personnel réaliste sur quatre ans ;
> engager le personnel d’insertion avec des contrats à durée indéterminée et le rétribuer selon les normes en vigueur dans le secteurd’activité.
L’invoegbedrijf (entreprise d’insertion) reçoit un subside dégressif sur quatre ans, qui couvre 80%, 60%, 40% et enfin 20% du salaire du travailleur en insertion. Si elle n’estpas rentable au-delà de ce terme, elle a la faculté d’ouvrir un département d’insertion.
« On a toujours l’idée que les entreprises profitent des aides de l’État ; en réalité, cet apport financier doit être considéré comme unecompensation pour l’entreprise qui engage une personne qui doit être accompagnée et formée », souligne avec force Chris Haeck de la société General SupportCenter3, la première entreprise flamande à avoir créé un département d’insertion. Active dans le domaine des multimédias et de l’informatique,GSC a différencié ses activités en mettant en place un service de réparation et de manutention d’appareils électroménagers, où travaillent sixpersonnes issues des kansengroepen.
Une expérience réussie qui ne doit pas faire oublier les échecs. « Il est vrai que certaines entreprises d’insertion, comme les Kringloopcentra4, exercent uneactivité peu rentable (le recyclage) et que des subsides plus structurels peuvent être envisagés. Mais l’objectif du décret reste clair : soutenir desactivités qui sont au départ rentables et qui peuvent permettre d’embaucher des personnes peu qualifiées. Le soutien du gouvernement doit permettre àl’entreprise de devenir viable au bout des quatre ans, et au personnel de dépasser le cap de productivité du départ », insiste Els Reynaert.
2. Les incubatiecentra comme têtes de pont
Les incubatiecentra peuvent être considérés comme cheville ouvrière de la politique de soutien à l’entrepreneuriat plus social mise en place par le ministreLanduyt. Ils sont, ou doivent devenir, la référence naturelle pour tout projet d’entreprise à haute intensité de main-d’œuvre qui offre des perspectivesdurables d’emploi aux personnes issues des publics cibles.
À ce jour, cinq centres5 ont été agréés, mais ils devraient bientôt être huit et, dans un futur proche, pouvoir couvrir toutes les sous-régionsflamandes. Il est difficile de dresser un bilan précis de leurs activités, étant donné qu’ils ne fonctionnent réellement que depuis six mois, « mais nousconstatons qu’ils créent une vraie dynamique ; les demandes d’agrément augmentent pour des d’entreprises et départements d’insertion », précise ElsReynaert.
Marc Standaert, de l’incubatiecentrum De Punt6, à Gand, affiche, quant à lui, un résultat dont il n’est pas peu fier. « En six mois, nous avons soutenu la création dudépartement d’insertion de GSC et de deux entreprises d’insertion, Het Verzet, qui offre un service de location et de manutention de vélos pour des entreprises, et CarCleaning Service Gand, qui propose le lavage de voitures aux garages et aux entreprises. Au-delà de l’incubatiecentrum, c’est le fruit d’un engagement fort des entrepreneursconcernés et d’une collaboration intense avec plusieurs partenaires. »
« Nous offrons aux candidats entrepreneurs un soutien physique, via la location de bureaux, et un suivi des démarches administratives, du plan financier, des ressources humaines. Pour lerecrutement du personnel, nous orientons les candidats vers Jobserver7, une structure gantoise spécialisée dans le placement de personnes peu qualifiées; et pour l’appuifinancier vers le Fonds de participation Trividend, spécifique pour l’économie sociale », explique Marc Standaert.
Situé sur l’ancien site de l’usine métallurgique Trefil-Arbed, restauré grâce à la Ville de Gand qui, dans le cadre de son programme de soutien àl’emploi « Gent, stad in werking » (Gand, ville en action)8, avait décidé de développer un pôle d’activités d’économie sociale, De Punt estrésolument tourné vers le quartier. Selon Marc Standaert, il faut lui garantir des retombées sociales ; « les possibilités d&#82
17;emplois créées par lesactivités qui voient le jour grâce à notre soutien doivent prioritairement leur être ouvertes ; dans les cartons, nous avons un projet de mise en place de coursd’informatique pour les parents des écoles du quartier qui viennent d’être équipées en matériel informatique. Mais notre priorité reste le soutienà toute nouvelle idée d’entreprise qui offre des possibilités aux peu qualifiés, et mieux encore s’il s’agit d’initiatives déjàexistantes dans le cadre de l’économie régulière. »
Comme souvent en matière d’entreprises sociales, la difficulté principale réside dans le profil de l’entrepreneur : « Il faut une personne qui ait un projetd’activité qui soit à la fois probant économiquement et propice à l’insertion des peu qualifiés, qui sache motiver une équipe, qui connaisse sonmétier et qui ait surtout des bonnes capacités de management. Cela reste très rare, même si pour le moment nous avons assez de candidats”, explique le responsable deDe Punt.
Combien de temps dure la mission d’accompagnement d’un incubatiecentrum ? « L’arrêté ne fixe aucun délai, car nous estimons qu’il s’agit d’unedécision qui doit être prise en commun avec les personnes qui travaillent sur le terrain », dit Els Reynaert, alors que pour Marc Standaert « c’est à l’entrepreneur dejuger quand le moment est arrivé de couper le cordon ombilical ».
Les services offerts par les incubatiecentra, sauf la location des bureaux, sont pour la plupart gratuits pour les candidats entrepreneurs, car les coûts salariaux et de fonctionnement sontpris en charge par le ministère flamand de l’Emploi, avec un montant maximum de 123.946 euros par an.
Mais ils doivent aussi disposer d’un capital de départ qui soit composé pour la moitié au minimum par des apports d’entreprises privées. « Cela nous garantitque le centre est bien ancré dans la réalité productive du territoire, car notre objectif principal est de faire en sorte que l’économie régulièreépouse les valeurs jusqu’à ce jour promues par l’économie sociale », conclut Els Reynaert.
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Adviesbureau : mode d’emploi
L’arrêté d’impulsion et de soutien à l’économie plurielle prévoit des mesures de soutien à toute entreprise ou tout départementd’insertion, ainsi qu’aux sociale werkplaatsen10, coopératives, sociétés à finalité sociale, kringloopcentra et agences immobilières sociales qui fontappel aux services des adviesbureaus (agences-conseil) agréés11.
L’intervention du consultant peut être de deux types :
> l’analyse des points forts/points faibles de l’entreprise : les adviesbureaus reçoivent 1.500 euros de la Région, mais seulement pour le travail réaliséauprès des entreprises d’insertion et des werkplaatsen qui peuvent demander annuellement ce type de suivi.
> un service de conseil sur mesure : toutes les organisations citées ci-dessus peuvent obtenir un soutien financier pour tout service offert par des adviesbureaus agréés pourrépondre à des demandes relatives à, par exemple, la gestion du personnel et l’organisation du travail adaptée aux kansengroepen, au marketing, àl’audit social, à la gestion financière… La Région ne couvre pas plus que 50% des coûts de l’expertise, avec un plafond fixé à 7.500 eurospar mission de l’adviesbureau.
> la réalisation d’une étude de faisabilité : en ce cas, la Région prend en charge jusqu’à 75% des coûts de la consultance (soit un maximum de7.500 euros), si l’étude aboutit à la constitution d’une entreprise, et jusqu’à 50% (soit un maximum de 2.500 euros) si l’étude montrel’infaisabilité du projet..12
Pour le dire sommairement, les adviesbureaus s’occupent des nouvelles initiatives en création, tandis que les incubatiecentra se destinent plutôt, mais pas exclusivement, à desentreprises déjà existantes.
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3. Un regard critique
Vosec9 est la plate-forme flamande de l’économie sociale qui fédère plusieurs acteurs, porteurs de visions parfois différentes, de la plus pragmatique à laplus idéologique. Jordi Lesaffer, son coordinateur, préfère s’exprimer à titre personnel, « car nous n’avons pas encore une position sur les incubatiecentra nisur le décret en général ».
« En réalité, l’arrêté – et la réalité de tous les jours nous le confirme – confine l’action de l’économie sociale àl’insertion des publics cibles. Mais pour nous, elle a beaucoup plus à dire, notamment en termes de qualité de l’emploi, de prise de décision démocratique,d’attention pour l’environnement, de durabilité… Si les incubatiecentra ne répondent pas forcément à tous les critères, force est de constaterqu’ils peuvent très bien remplir une mission d’ouverture vers l’économie régulière. Le travail d’échange qu’ils entretiennent avec lemonde commercial et industriel et le soutien qu’ils en reçoivent témoignent du potentiel de leur activité. »
Le mot de la fin revient à Marc Standaert, qui dans sa vie professionnelle a parcouru le chemin inverse à celui des incubatiecentra. Après de nombreuses annéespassées à la banque Fortis en tant que consultant, il a sauté la barrière. « Les incubatiecentra, et l’économie sociale en général, proposent uneréforme du système en vigueur, mais on peut aussi aller plus loin, faire avancer la critique sur l’économie, et penser déjà au postcapitalisme… « 
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Trividend, coup de pouce pour les entrepreneurs sociaux
Qui dit entreprendre, dit besoin de capitaux. L’arrêté « économie plurielle » prévoit la constitution d’un fonds de participation pour l’économiesociale, mieux connu sous le nom de Trividend13, du nom de la coopérative qui le gère.
La mesure vise à donner l’accès au capital-risque aux entreprises actives dans l’économie sociale ou qui veulent développer de nouvelles initiatives dans cecadre, via une participation du fonds ou un prêt subordonné.
Trividend est un exemple assez rare de partenariat public/privé, car il a vu le jour grâce aux efforts conjoints du gouvernement flamand, qui intervient pour un maximum de 669.312 euros,soit un tiers du total du capital de base et qui prend en charge les coûts salariaux et de fonctionnement liés à la gestion du fonds, d’initiatives d’économiesociale (Febecoop, Hefboom, Netwerk Vlaanderen, Kanaal 127, Vitamine W) et de partenaires du secteur privé.
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1 Cabinet du ministre Landuyt, Koolstraat 35 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 553 25 11, fax : 02 553 25 05.
2 La Charte de l’&eac
ute;conomie plurielle prévoit que l’entrepreneur souscrive à cinq principes :
> livrer un maximum d’efforts pour embaucher des personnes issues des publics cibles et leur offrir des chances égales dans l’entreprise ;
> créer des emplois durables et parvenir, via la participation des travailleurs, à un développement individuel et collectif ;
> satisfaire, d’une manière équilibrée, aux exigences des parties prenantes ;
> donner la priorité à des activités, des produits et des modes de production qui respectent l’environnement ;
> tendre à une pluralité de valeurs socioéconomiques.
3 GSC, Henri Pirennelaan 2 à 9050 Gentbrugge, tél. : 09 210 52 30, fax : 09 230 42 58, http://www.gsc.be
4 Kringloopcentra : il s’agit de structures qui récoltent, réparent et vendent des appareils électroménagers, tout en offrant un travail à des personnes peuqualifiées.
5 CVBA Kanaal 127, Damastweversstraat 3 à 8500 Kortrijk, tél. : 056 23 70 20, fax : 056 23 70 21 ; CVBAvso De Kempische Brug, Madrasstraat 38 A à 2030 Antwerpen, tél. : 03213 40 00, fax : 03 213 34 56 ; CVBA De Wolkammerij, Adolf Greinerstraat 12 à 2660 Hoboken, tél. : 03 740 50 00, fax : 03 740 50 01 ; CVBA De Punt, Kerkstraat 108, 9050 Gentbrugge,tél. : 0477 33 20 04, fax : 09 222 45 72, e-mail: standaert.marc@pandora.be ; CVBA De Werkhoek, Stationstraat 54 B à 8460 Oudenburg, tél. : 059 43 61 06, fax : 059 43 80 91.
6 Marc Standaert, voir coordonnées dans la note précédente.
7 Jobserver, Martien van Oyen, Bourdon Arcade, Emile Braunplein 32 à 9000 Gent, tél. : 09 225 66 15, fax : 09 225 78 89, e-mail : dispatcher@jobserver.net
8 « Gent, stad in werking », Marianne Tempels, p/a Stadhuis, Botermarkt 1 à 9000 Gent, tél. : 09 269 14 27, fax : 09 223 17 36, http://www.gent.be/stadinwerking
9 Vosec, Jordi Lesaffer, Vooruitgangstraat 333 à 1030 Bruxelles, tél. : 02 274 14 49, fax : 02 205 17 39, e-mail : vosec@pi.be
10 La traduction littérale des sociale werkplaastsen est « ateliers sociaux ». Il s’agit d’organisations qui embauchent des chômeurs de longue durée (cinq ans) et quisont largement subventionnées par la Région.
11 À ce jour, trois adviesbureaus ont été agréés par la Région flamande : Hefboom vzw, Vooruitgangstraat 333/5 à 1030 Brussel, tél. : 02 205 1720, fax : 02 205 17 39, e-mail : advies@hefboom.be ; Febecoop Adviesbureau Vlaanderen vzw, Hoogstraat 28 à 1000 Brussel, tél. : 02 500 53 48, fax : 02 500 53 97, e-mail :p.bosmans@febecoop.be ; SEC Adviesbureau Vitamine W vwz, Gemeentestraat 6 à 2060 Antwerpen, tél. : 03 270 34 09, fax : 03 270 34 01, e-mail : info.sec@vitamine-w.be
12 Lire, à ce propos, Info Flash n°31, édité par Vosec (uniquement disponible en néerlandais).
13 Trividend, Vooruitgangstraat 333/12, tél. : 02 274 14 51, fax : 02 205 17 39, e-mail : trividend@pi.be

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