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Regard critique · Justice sociale

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"Les centres de services sociaux défendent leurs atouts pour s'affranchir des images dépassées"

08-10-2001 Alter Échos n° 106

Les négociations entre le ministre wallon Thierry Detienne et les centres de services sociaux continuent à avancer. Alors qu’il est encore trop tôt pour savoir ce qui enressortira pour ce secteur, son financement et la manière dont il appliquera l’intégralité des accords du non-marchand, nous avons effectué un zoom arrièreavec Charles Lejeune, directeur de la FCSS, la Fédération des centres de service social1.
ýlter Échos – Il y a des centres d’action sociale globale bruxellois qui dépendent de la Cocof à Bruxelles, il y a des centres de service social en Wallonie,et des centres bilingues organisés à Bruxelles par la Commission communautaire commune. La FCSS les rassemble tous (sauf pour ce qui est de la CCC). Qu’est-ce qu’il y alà comme dénominateur commun?
Charles Lejeune – Dans le paysage social, il s’agit de structures qui ont déjà une histoire particulièrement longue, puisque ces centres sont issus del’implication des réseaux confessionnels dans la vie sociale. Qu’ils soient catholiques, juifs, protestants, etc. Or, aujourd’hui, les représentants du clergéne sont pratiquement plus présents : juste dans quelques conseils d’administration ou assemblées générales. Les équipes, elles, sont laïciséesà 100% et la pluralisation y avance à grands pas. Elles sont marquées par un mouvement de professionnalisation. Or, autre dénominateur commun, les centres travaillent avecdes armées de bénévoles, une action qu’il faut voir de manière très positive, à l’heure où la citoyenneté est sur toutes leslèvres. Même si cela peut encore relever de l’action caritative, on a quand même affaire à des centres complètement ancrés dans desréalités sociales locales. Donc tout cela mis ensemble, les centres de service social restent un peu empreints d’une image catho poussiéreuse, mais elle ne correspondqu’à une partie infime de leur réalité. Mais bon, ça colle à la peau… En Belgique, les rapports à l’identité religieuse, lapersistance de ces clivages, c’est quelque chose de compliqué et de tenace…
AE – Et en termes de travail social, qu’est-ce qui vous rassemble?
CL – Notre spécificité, c’est évidemment de développer un travail social global et généraliste, en première ligne. Avec des moyens assezlimités, un centre doit pouvoir recevoir toute demande et l’accompagner ou y répondre lui-même.
AE – En cela, vous n’êtes pas très loin des CPAS?
CL – Non, bien sûr. Et cela illustre bien ce que l’associatif peut amener à côté des services publics. Nous avons comme atouts notre souplesse structurelle, lapetite taille de nos équipes, notre capacité d’innovation et d’interpellation. Ce qui nous donne un rôle de complément indispensable. Le propre del’homme, en particulier quand il rencontre des problèmes sociaux, c’est de se dérober aux règles. Nombre de gens se trouvent donc dans un interstice qui rend letravail des CPAS impossible. Nous, on fait le pari que l’aide sociale privée peut écarter cette limite.
AE – C’est cette image de l’associatif comme “cavalerie légère” de l’action publique à laquelle on fait souvent référence.
CL – Oui, ce qui ne veut pas dire que tous les centres le vivent comme ça tout le temps, qu’ils ne se sentent pas fragilisés dans leurs rapports p. ex. avec le CPAS. Mais cequi me frappe toujours – parce que je fais des supervisions des deux côtés –, c’est que, dans l’aide sociale publique et dans l’aide sociale privée,on a les mêmes fragilités identitaires, les mêmes malaises professionnels, les mêmes problèmes de motivation, etc.
AE – Par rapport à cela, l’action bénévole n’a pas d’influence sur les équipes des centres associatifs?
CL – Peut-être, mais il faut bien se rendre compte que pour les salariés et pour les bénévoles, ce sont les mêmes enjeux de professionnalisation : quidécide? Comment on accueille? etc. Et nos équipes sont petites : en Wallonie, pour 5 centres et 30 antennes, on a en tout 27 équivalents temps plein pris en charge par lessubsides de fonctionnement, auxquels viennent s’ajouter des emplois PRC et les bénévoles. Cette faiblesse du volume de l’emploi, cela éclaire l’importance deleur action. Or cette vocation généraliste, nous la voulons comme une garantie, à côté de l’État, que toute personne qui s’adresse àl’associatif soit aidée ou redirigée vers les services spécifiques.
AE – Où en est-on aujourd’hui en Wallonie?
CL – Depuis 20 ans, la masse salariale n’est que partiellement à charge des pouvoirs publics. En fait, 60% des coûts salariaux sont couverts par les subventions. C’estévidemment la première chose qui fait dépendre les centres de la charité privée. Donc en un mot, si on veut sortir de notre image caritative, etc., il faut avancersur le financement.
AE – Le ministre Detienne avait amené l’idée d’un financement à 100%, puis a fait marche arrière au début de l’année.
CL – C’est sur ces questions que nous continuons pour le moment les négociations. La manière de travailler avec le cabinet est très positive et nous laisse entrevoirun résultat satisfaisant. C’est d’ailleurs pourquoi je ne veux pas donner plus de détails.
AE – Pour en revenir à l’action généraliste des centres, elle vous permet d’entrevoir un positionnement central dans les scénarios politiques quienvisagent des décrets transversaux sur l’action sociale. Or, ces scénarios sont en chantier à la Cocof et en Wallonie.
CL – On est évidemment demandeurs d’imaginer des logiques de financement et d’organisation avec une coordination, notamment pour ce qui est du premier accueil, del’accompagnement et du dispatching. Ce qui rend cela très difficile, il faut le reconnaître, c’ýst qu’on est dans un système quasi féodal oùprédominent les logiques de défense des fiefs et de partage du pouvoir. Donc politiquement, c’est très dur d’imposer des cohérences àl’associatif. Mais bon, on connaît plein d’exemples de terrain, notamment parmi nos CSAG, qui montrent que c’est possible et que cela en vaut la peine.
1 FCSS, rue de l’Enseignement 91 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 223 37 74, fax : 02 223 37 75, e-mail : fcss@skynet.be

Thomas Lemaigre

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