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Législation anti-discrimination : dépénaliser ou pas

La Commission européenne a décidé de placer l’année 2007 sous le signe – quelque peu pléonastique – de « l’égalité des chancespour tous ». Elle a ainsi dégagé un budget de 13,6 millions d’euros en vue de soutenir sa « stratégie-cadre pour la non-discrimination et l’égalité deschances pour tous » et garantir l’application de la législation antidiscriminatoire européenne, c’est-à-dire la transposition de deux directives datant déjàde 2000. C’est dans ce contexte que le gouvernement fédéral vient de déposer, sur proposition de Christian Dupont, ministre de l’Égalité des chances (PS), troisprojets de loi visant à réformer la législation « anti-discrimination ». La première est consacrée à la discrimination raciale, la secondeà la discrimination fondée sur le genre, et la troisième, d’ordre général, à la discrimination fondée sur le handicap, les convictions religieuses oul’orientation sexuelle.

21-01-2007 Alter Échos n° 221

La Commission européenne a décidé de placer l’année 2007 sous le signe – quelque peu pléonastique – de « l’égalité des chancespour tous ». Elle a ainsi dégagé un budget de 13,6 millions d’euros en vue de soutenir sa « stratégie-cadre pour la non-discrimination et l’égalité deschances pour tous » et garantir l’application de la législation antidiscriminatoire européenne, c’est-à-dire la transposition de deux directives datant déjàde 2000. C’est dans ce contexte que le gouvernement fédéral vient de déposer, sur proposition de Christian Dupont, ministre de l’Égalité des chances (PS), troisprojets de loi visant à réformer la législation « anti-discrimination ». La première est consacrée à la discrimination raciale, la secondeà la discrimination fondée sur le genre, et la troisième, d’ordre général, à la discrimination fondée sur le handicap, les convictions religieuses oul’orientation sexuelle.

Symbole versus efficacité ?

Avant même d’être débattues au Parlement à partir du 24 janvier, ces trois projets ont déjà suscité d’abondantes discussions. C’est principalement ladépénalisation d’une série de comportements racistes en matière d’emploi et d’offre de biens et services (logement, notamment) qui a étédénoncée par certaines associations antiracistes, au premier rang desquelles, le Mrax1. Ce dernier rappelle une différence essentielle entre le droit civil et le droit pénal : au pénal, c’est avant tout le dommage causé àla société qui est jugé, tandis qu’au civil, c’est le dommage causé exclusivement à un particulier dont il est tenu compte.

Du côté du cabinet Dupont2 – ainsi que d’une dizaine de juristes issus de l’ULB, de l’UCL et des Facultés Saint-Louis et signataires d’une carte blanchefavorable au projet Dupont3 – c’est l’argument d’efficacité qui est mis en avant pour justifier la dépénalisation des « actes commis par un particulierdans les domaines de l’emploi et de la fourniture de biens et services ». D’après le collectif de juristes, l’incrimination pénale de ces actes, introduite en 1994, « n’anullement enrayé le phénomène de la discrimination raciale dans les domaines considérés : les chiffres disponibles en matière de logement en attestentà suffisance ». Et de rappeler que les condamnations demeurent soit inexistantes – en matière d’emploi – soit rares – dans le domaine des biens et des services,et que, même en cas de condamnation, la victime se voit indemnisée par des sommes modiques. Le projet de loi permettrait, lui, le prononcé de dommages et intérêtsbien plus élevés, fixés de manière forfaitaire par la loi – six mois de salaire brut dans le domaine de l’emploi et 1 300 euros à titre de dommage moral dansles autres domaines. Il permettrait également des sanctions lourdes de conséquences telles que le retrait de licence pour un tenancier de night-club reconnu coupable de discriminationà l’entrée. Sans compter, ajoute-t-on au cabinet Dupont, que des comportements tels que l’incitation à la discrimination raciale, la commission d’actes discriminatoires par unfonctionnaire ou encore la participation à un groupement qui prône la discrimination, restent, eux, pénalement sanctionnés.

Du côté du Mrax, on réplique que si les condamnations ont été si rares, c’est surtout faute d’un instrument permettant de prouver la discrimination. Etl’association de rappeler l’absence d’arrêté royal sur les tests de situation (ou testing). La pratique du testing qui consiste à présenter des candidaturesfictives de membres de groupes discriminés à un emploi, un logement, une boîte de nuit, etc. afin de prouver la réalité des pratiques discriminatoires del’employeur, du bailleur, du propriétaire de dancing, etc. Prévu par la loi anti-discrimination de février 2003, le testing fait déjà l’objetd’expériences méthodologiques au sein d’équipes universitaires, mais son principe même est rejeté par les représentants des patrons et despropriétaires, partiellement relayés par le MR et le VLD.

Le dossier risque en outre de prendre une nouvelle tournure avec la citation à comparaître déposée par Abdelani Sarrokh, un Gantois de 27 ans. En se fondant surl’article 108 de la Constitution qui prévoit que le Roi (le gouvernement) prend les arrêtés nécessaires à l’exécution des lois, Abdellani Sarrokh demandeà la justice de condamner l’État belge à une astreinte de 500 euros par jour de retard pris dans la publication des arrêtés royaux de la loi anti-discriminationpermettant précisément le testing. La citation à comparaître devrait être examinée par le tribunal de première instance de Bruxelles, ce 26janvier.

1. Mrax, rue de la Poste, 37, à 1210 Bruxelles – tél. : 02 209 62 50 – courriel : mrax@mrax.be.
2. Cabinet Dupont, rue de la Loi, 51 (6e et 7e étages), à 1040 Bruxelles –tél. : 02 790 57 11 – courriel : christian.dupont@p-o.be.
3. Le Soir, mardi 16 janvier 2007, p. 16.

Edgar Szoc

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