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Regard critique · Justice sociale

Le navire de l'intergénérationnel voyage en eau solidaire

Cette année est celle du « vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle ». De quoi mettre sur le devant de la scène desinitiatives locales.

04-02-2012 Alter Échos n° 331

Alors que notre époque porte la marque du temps accéléré et des rencontres virtuelles, dans quel espace-temps se situent les aînés? Que reste-t-il du lienet de la solidarité qui unissent les générations ?

Le 1er janvier 2012 marquait l’entrée dans l’année européenne du vieillissement actif et du lien intergénérationnel. L’UE y voit surtoutl’aspect économique. Quid des pensions, de l’âge de la retraite, du poids financier des aînés sur l’économie ? Des questions essentielles, mais…« Pourquoi ne pas mettre en exergue le progrès humain que représente le recul de l’espérance de vie et aborder cette année sous l’angle de la relation ?», rétorque « Courants d’âges »1, un réseau d’associations travaillant sur l’intergénérationnel.

Les « aînés », malgré leur âge, refusent d’être et de vivre comme des citoyens de seconde zone. Alors, pour rester en contact avec le monde, certainsinvestissent le lien. « L’objectif principal est de valoriser la place des aînés dans la société », explique Sylvie Lerot d’« Âges et transmissions»2. Même son de cloche chez les « Trois Pommiers »3, milieu de vie intergénérationnel à Etterbeek. « Ils restentconnectés à la vie simplement grâce à l’ordinaire du quotidien qu’ils partagent avec d’autres générations. » Qui eut pu effectivementprésager de cette rencontre, autour d’un échiquier, entre une dame de nonante ans, vive d’esprit, et un homme de 45 ans, atteint d’une maladie mentale ?

Un brassage de générations et de cultures

Les seniors, s’ils sont la pierre angulaire de ces associations, ne sont pas leur seul public. Le brassage des populations est au centre de la réflexion et de l’action. Aux TroisPommiers, les gens se mélangent et apportent, chacun, la pierre de leur singularité à l’édifice. Ainsi, l’âge, l’histoire, les conditions desanté et l’origine socioculturelle n’importent que par ce qu’ils apportent à la communauté, cette dernière faisant fi des étiquettes.

« Cette vie en communauté permet de lutter contre les ghettos », explique Catherine Verdickt des Trois Pommiers. Dans les trois maisons de l’institution, on retrouve despersonnes âgées encore plus ou moins autonomes, des femmes seules avec enfants dont l’histoire explique la présence, des hommes d’âge moyen atteints dedéficiences mentales, d’autres luttant contre l’assuétude. Les liens intergénérationnels et interculturels sont dès lors privilégiés.Sylvie Lerot estime que « c’est une ouverture sur l’autre ». Si le lien est suscité, il n’est pas forcé. « Les relations sont spontanées, naturelles etinformelles entre les différentes générations et le sont au bénéfice de tous », se réjouit Catherine Verdickt.

Ainsi, l’action « coup de pouce » permet à des élèves de l’enseignement primaire, dont la langue maternelle est souvent autre que le français, de rattraperleur retard. Ainsi, ces femmes d’origine marocaine font découvrir leurs lieux de vie aux aînés de l’asbl Âges et transmissions.

Mais c’est sans conteste le passage de témoin qui interpelle. « J’écris ma vie » permet à des seniors de transmettre leur histoire personnelle. Et, par là,de garantir le lien entre les générations. Vinciane Hanquet4, institutrice, souligne l’importance pour chacun d’« inscrire son histoire dans l’Histoire ».« Ces générations sont la mémoire de la société », poursuit-elle.

Aux Trois Pommiers, « le lien permet aux plus âgés de rester dans le mouvement de la vie et aux autres de bénéficier du réconfort que les aînésapportent par leur histoire, leur témoignage, leur expérience. Tous gages de stabilité », précise Catherine Verdickt. L’intergénérationnel,« c’est une manière de pallier les manques de part et d’autre », se réjouit Sylvie Lerot.

Gravé dans la roche

Âges et transmissions se doit de remplir ses missions d’éducation permanente. « Nous essayons de les pousser à la réflexion, au-delà du divertissement. Onva parfois à rebrousse-poil des demandes spontanées mais notre rôle est d’impulser des thématiques de citoyenneté », explique Sylvie Lerot. Voyant àplus long terme que la satisfaction d’un désir ponctuel, elle questionne : « Quelle trace ces apprentissages laissent-ils ? Comment en faire un outil ? » Elle avance unepartie de réponse : si certaines classes de primaire se sont déjà laissé tenter par l’aventure des projets transversaux, « le matérielmémoriel collecté pourrait servir aux écoles secondaires. » Là se situe le prochain défi à soulever. « C’est un chantier à exploiter», ponctue-t-elle.

La ministre wallonne de l’Action sociale, de la Santé et de l’Egalité des chances ne la contredira pas. Selon Eliane Tillieux, « l’intergénérationnel est la clefde voûte d’une société équilibrée, équitable et durable. »

1. Courants d’âges :
– adresse : rue du Vieux moulin, 66 à 1160 Auderghem
– tél. : 02 660 06 56
– courriel : info@courantsdages.be
– site : www.courantsdages.be
2. Ages & Transmissions :
– adresse : rue Konkel, 155 à 1150 Bruxelles
– tél. : 02 514 45 61
– courriel : agesettransmissions@belgacom.net
– site : http://agesettransmissions.be
3. Les Trois Pommiers :
– adresse : avenue des Casernes, 41 à 1040 Bruxelles
– tél. : 02 640 30 54
– courriel : lestroispommiers@scarlet.be
– site : www.lestroispommiers.be
4. Vinciane Hanquet, Ecole Fondamentale Martin V
– tél. : 010 45 97 98
– courriel : vinciane.hanquet@hotmail.com

Valentine Van Vyve

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