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Santé

Le dopage, nouvelle cible de la réduction des risques

Tabou dans notre société, le dopage est pourtant bien réel. Les acteurs bruxellois de la réduction des risques commencent à se familiariser avec le public sportif.

Tabou dans notre société, le dopage est pourtant bien réel tant dans le monde professionnel, semi-pro, que chez les sportifs amateurs. Les acteurs bruxellois de la réduction des risques commencent à se familiariser avec ce public.

Distribuer des seringues jetables dans les salles de sport. C’est ce que les autorités sanitaires britanniques préconisent depuis peu, afin de limiter les risques de transmission de maladies comme le VIH ou les hépatites. Cette recommandation se base sur le constat de l’Institut national de la santé et de l’excellence clinique (NICE) selon lequel 70 000 Britanniques s’injectent régulièrement des stéroïdes, soit autant que le nombre estimé d’utilisateurs d’héroïne et de crac. Le concept de réduction des risques s’inviterait-il dans le monde du sport ?

 « La lutte contre le dopage est d’une inefficacité totale. Les autorités juridiques et policières s’y intéressent de moins en moins », s’indigne Luc Misson, avocat spécialisé dans le droit du sport. Conséquence : la falsification de la compétition et l’enrichissement de groupes mafieux. Et la santé des sportifs dans tout ça ?

 Pour l’avocat, les risques sont, avec les années, devenus négligeables. « La prévention consiste à dire que ces pratiques sont très dangereuses, or les morts du dopage sont devenues très rares. Des études récentes montrent que la mortalité chez les cyclistes des 33 derniers tours de France est la même que chez monsieur et madame tout le monde », avance-t-il. Mais il reconnaît pourtant que certains milieux sportifs, comme le culturisme par exemple, ont effectivement des pratiques de dopages dangereuses.

 Les risques sont en fait très différents selon les produits consommés (anabolisants, hormones de croissance, EPO, stimulants, cannabinoïdes), les modes de consommation (l’injection par exemple) et l’environnement de la consommation (avec un médecin dans le milieu professionnel ou en solo dans le milieu amateur). Ces risques peuvent être mesurés au moment de la pratique sportive mais aussi des années plus tard. Il existe surtout un énorme manque de données en la matière, nous explique Sébastien Alexandre, directeur de la Fedito bruxelloise. « Selon les milieux, les cultures sportives et les pratiques de dopage sont très différentes. Nous avons encore beaucoup de choses à apprendre pour avoir une idée plus précise des risques liés à ces pratiques et des stratégies de réduction des risques qui seraient adéquates dans chacun de ces milieux. »

Le tabou de l’abstinence

Les sportifs sont en passe de devenir un nouveau public cible des acteurs de la réduction des risques, plus coutumiers des milieux festifs, de la rue ou encore du monde carcéral. C’est en tout cas ce que prévoit le plan de réduction des risques à Bruxelles, qui devrait être lancé dans le courant du premier trimestre 2014. Ce plan, réalisé à la demande de la Cocof, est porté par la Fedito bruxelloise en collaboration avec la Coordination locale drogues Bruxelles (CLDB) et Modus Vivendi. Une étude exploratoire a récemment été menée et la Fedito recommande maintenant la mise sur pied d’une vaste recherche sur ces questions. Une recherche qui pourrait examiner plusieurs milieux sportifs spécifiques et qui combinerait récolte de données épidémiologiques et anthropologie des usages du dopage.

 Mais tout l’enjeu, pour les acteurs de la réduction des risques, sera aussi de conscientiser le terrain sportif et les instances politiques à cette notion. « Aujourd’hui, on parle de prévention et d’abstinence absolue. Ce paradigme doit peut-être être remis en question », commente le directeur de la Fedito. Si l’usage des drogues en général demeure un tabou de société, dans le monde sportif, cela est sans doute exacerbé par les aspects éthiques liés à la compétition. « Mon idéal serait que la compétition soit loyale, mais ce n’est pas possible, confirme Luc Misson. Dans ce contexte, si un contrôle médical peut éviter des dérives, c’est évidemment bon à prendre. »

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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