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Le compte Nickel, le nouveau service bancaire de base?

Venu de France, développé par une start-up fintech en 2014 et racheté ensuite par BNP Paribas Fortis en 2017, le compte Nickel débarque chez nous. Distribué en Belgique dans une trentaine de librairies par les réseaux Perstablo et Prodipresse, ce compte, qui est détenu par 2,5 millions de Français, aura-t-il le même succès dans notre pays?

10-10-2022
© Vince

Un article publié dans les Échos du crédit et de l’endettement n°75, juillet-août-septembre 2022.

C’est dans une analyse récente de juillet 2022 qu’Anne Fily, coordinatrice de recherches senior chez Financité, s’est penchée sur le compte Nickel. Depuis fin juin, il est possible d’ouvrir un tel compte dans quelques librairies en Belgique. Mais quelles sont les origines de ce compte bancaire créé à la base en dehors de tout établissement bancaire?

Les fondateurs de Nickel sont d’une part un ingénieur en électronique et de l’autre un banquier repenti. Leur objectif: créer un compte alternatif au compte bancaire destiné aux exclus bancaires français (publics pauvres, personnes surendettées, personnes exclues pour fraude). Distribué par près de 6.000 buralistes en France auprès de 2,5 millions de clients, ce compte pourrait en définitive constituer une alternative au service bancaire de base (SBB) que les banques belges doivent proposer à leurs clients.

En effet, comme le relève Anne Fily dans son document, «malgré l’obligation faite depuis 2003 à toutes les banques qui ouvrent des comptes à vue aux particuliers d’offrir des services bancaires de base aux personnes non bancarisées, la réalité est bien différente. De plus en plus de banques, non intéressées par ces personnes jugées financièrement peu attractives, découragent les demandeurs de SBB, alors qu’ils remplissent toutes les conditions requises».

Quel public?

Alors que le service devenait rentable, les initiateurs de ce produit antisystème ont finalement vendu leur bébé à BNP Paribas Fortis pour la somme de 200 millions d’euros, justifiant leur transaction comme étant une façon de disséminer ce produit beaucoup plus largement en maintenant son «ADN disruptif et leur critique des tarifs abusifs». Pourquoi BNP Paribas Fortis a-t-il racheté cette fintech en 2017? Comme le relève Anne Fily dans son analyse, un communiqué de presse précisait qu’«avec cette acquisition, BNP Paribas complète l’offre digitale dédiée aux nouveaux usages bancaires et dispose, à côté de Hello Bank! […], d’un ensemble complet de solutions adaptées aux besoins des différentes clientèles». Autre réflexion quant à la stratégie de ce groupe: le rachat de BPost banque et la volonté d’utiliser les bureaux de poste pour y offrir des produits bancaires low cost et low profile. Enfin, la réorganisation du secteur bancaire visant notamment à réduire le nombre d’agences bancaires peut également appuyer l’offre de ce produit.

Pour mieux comprendre la cible que BNP Paribas Fortis souhaite atteindre, «le profit des clients français de Nickel montre que 80% d’entre eux ont un revenu inférieur à 1.500 euros/mois, 34% sont sans emploi ou perçoivent des revenus irréguliers et 50% vivent en dessous du seuil de pauvreté. L’âge moyen de la clientèle est de 37 ans, le compte est utilisé comme compte principal dans 65% des cas et en moyenne 240 opérations par an sont effectuées». Anne Fily relève qu’au vu du profil de la clientèle pour ce produit, il y a un risque de stigmatisation qui n’est pas à négliger et qui a mené Nickel à entreprendre des négociations avec des prestataires (électricité, téléphonie…) qui ne souhaitaient pas contracter avec des personnes réputées comme étant exclues des enseignes bancaires classiques.

Côté pratico-pratique

En Belgique, pour pouvoir ouvrir un compte Nickel, il faut se rendre dans une des librairies qui le proposent déjà (30 points de vente fin juin 2022, 200 depuis septembre et à terme 1.500). On y acquiert un package contenant une carte Mastercard débit non nominative, avec un numéro à encoder sur une borne localisée dans la librairie. Sont nécessaires: une adresse mail, un téléphone portable et une pièce d’identité (CI, passeport ou titre de séjour provisoire).

Sur la borne du libraire, le client est amené à répondre à quelques questions (nom, adresse, niveau et origine des revenus, patrimoine, locataire/propriétaire…) via une tablette. On scanne ensuite sa carte d’identité. On se photographie avec l’appareil à disposition. Le numéro à encoder est ensuite introduit, ainsi qu’un code envoyé par SMS. La validation du compte est ensuite effectuée par le libraire qui vérifie l’identité et confirme le compte. Un numéro IBAN est transmis au client, qui peut dès lors effectuer un dépôt de cash, de manière à pouvoir utiliser le compte.

Via la Mastercard débit, des retraits peuvent être effectués dans les distributeurs de billets en Belgique et à l’étranger. On peut faire des domiciliations sur ce compte et effectuer des virements et y domicilier ses revenus. En termes de dépôt, un maximum de 950 euros par mois est permis et les retraits en espèces sont de maximum 800 euros par semaine, auprès du libraire. Des envois d’argent vers l’étranger sont possibles.

Des bémols?

Déjà, ce compte ne pourra pas convenir aux personnes éloignées de la technologie numérique (ordinateur ou smartphone). En effet tout se passe en ligne, avec une interface qui permet de bloquer et de débloquer la carte en cas de perte ou de vol, de désactiver la fonction de paiement sans contact, les paiements par internet ou à l’étranger, de gérer les plafonds. Les virements ne peuvent s’effectuer que par voie électronique, tout comme la gestion des domiciliations. Toutefois, un service de SMS a été développé pour les personnes moins à l’aise avec le numérique, via des SMS personnalisés permettant de recevoir des informations sur son compte (solde, plafonds…).

Son prix raisonnable peut être attractif: le compte Nickel Standard (carte non nominative) est à 20 euros par an, mais il faut déjà rajouter 3,33 euros pour avoir une carte nominative. La carte Premium (avec assurance achats, vols papiers, voyages) est à 50 euros et la Nickel Metal (carte haut de gamme) est à 100 euros. Finalement BNP Paribas a créé des options visant à intéresser une clientèle plus aisée. Des frais pour les retraits, les dépôts d’espèces ou l’alimentation par carte bancaire alourdissent également la facture.

Quant au risque de stigmatisation, BNP Paribas Fortis envisage de développer 16 «Client Houses» regroupant les clients fortunés, proposant tout un éventail de services et d’expertises, avec, à l’opposé, le compte Nickel, un compte à vue avec des fonctions limitées, offert aux plus pauvres. CQFD.

Au menu du dernier numéro des Échos du crédit et de l’endettement: un dossier sur «Les huissiers de justice: au service du chiffre?», mais aussi une interview du ministre Alain Maron sur la situation du surendettement à Bruxelles, ou encore une enquête sur les dettes des détenus français.

En savoir plus

Pour en savoir plus: Anne Fily, «Compte Nickel, ma librairie devient ma banque», analyse Financité, juillet 2022, 11 pages.

Nathalie Cobbaut

Nathalie Cobbaut

Rédactrice en chef Échos du crédit et de l'endettement

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