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Regard critique · Justice sociale

« Ça passe par ma commune » : quand la société civile interpelle les communes

Pour la troisième édition de la campagne initiée en 1994 par les Magasins du Monde-Oxfam1 et le CNCD -11.11.112 entre autres, pas moins d’unedizaine d’associations3 ont pris le parti d’interpeller les futurs élus communaux sur les enjeux liés au développement durable et équitable. Depuisla solidarité internationale jusqu’au commerce éthique et équitable en passant par les lobbyings environnementaux, tous les acteurs ont mis leurs forces –majoritairement volontaires – au service d’une meilleure prise en compte de ces intérêts universels à l’échelon local. Premier bilan d’une initiativeassociative visant la sensibilisation des élus communaux.

18-10-2006 Alter Échos n° 217

Pour la troisième édition de la campagne initiée en 1994 par les Magasins du Monde-Oxfam1 et le CNCD -11.11.112 entre autres, pas moins d’unedizaine d’associations3 ont pris le parti d’interpeller les futurs élus communaux sur les enjeux liés au développement durable et équitable. Depuisla solidarité internationale jusqu’au commerce éthique et équitable en passant par les lobbyings environnementaux, tous les acteurs ont mis leurs forces –majoritairement volontaires – au service d’une meilleure prise en compte de ces intérêts universels à l’échelon local. Premier bilan d’une initiativeassociative visant la sensibilisation des élus communaux.

« Des assises de la coopération au niveau provincial ? Pourquoi pas ! », avance Pol Charles, vieux militant des Magasins du Monde et administrateur au CNCD-11.11.11. Pour leseptuagénaire, la solidarité commence au plus petit échelon, soit la commune. « Je me souviens de mobilisations nationales organisées entre autres avec PierreGaland4 à l’époque. Nous accueillions alors 500 à 600 personnes autour des enjeux repris dans les chartes soumises aux communes. Mais les enjeux étaienttrop vastes pour accorder tout le monde ».
Trop ambitieuse la société civile ? « Pas assez coordonnée sans doute, d’où l’intérêt de mettre les forces vives ensemble qui plus està la veille des agendas politiques », poursuit-il.

Depuis la signature par 74 communes de la Charte de 1994, les initiatives se sont multipliées pour donner lieu aujourd’hui à un dossier coordonné et éditépar les Magasins du Monde. Réparti sur sept feuillets, il a servi avec les candidats et sert actuellement de base pour l’interpellation des élus. « A Namur, nous avonsopté pour des rencontres privilégiées avec chacun des quatre partis démocratiques francophones. Nous avons reçu une bonne écoute et pouvons compter sur uneexpérience de vie solidaire et associative riche. A titre illustratif, sur les 38 communes de la Province, 24 sont engagées dans des projets de développement ou desolidarité internationale. Un résultat concret, deux postes ont été ouverts à la Ville de Namur spécifiquement pour la coopération audéveloppement. Actuellement, la concertation se fait avec des mouvements comme Attac, les locales du CNCD-11.11.11 ou encore des associations d’aide aux personnes réfugiéesou sans-papiers ».

Comment rassembler dans la diversité ?

Comment en effet concilier les intérêts de groupes aussi variés afin d’infléchir sur l’agenda des bourgmestres et consorts ? Car au-delà duclientélisme avoué ou tacite et de la tendance – parfois fâcheuse – à la création d’alliances voire « jumelages » aussi folkloriquesqu’éphémères, l’objectif premier de la campagne reste d’obtenir des avancées concrètes en matière de participation citoyenne. Pour MichelBastin5, coordinateur local à Etterbeek du CNCD-11.11.11, ces réalisations concrètes peuvent prendre la forme de la mise à disposition d’une maison de lacitoyenneté ou de la solidarité, de l’implication communale dans des actions comme le mois de la solidarité internationale ou de la mise à dispositiond’infrastructures (ex : salles informatiques) pour des associations locales dont le budget a tendance à stagner dans le rouge. « Avec les Magasins du Monde et d’autres, nousavons, lors de la dernière législature, mis en place une commission consultative. Désormais une table ronde est organisée tous les deux mois, table ronde où sontparfois invités l’un ou l’autre élu en fonction des questions même si cela reste interne et relativement confidentiel ».

Alors que certains groupes locaux s’organisent, comme à Etterbeek, en plateforme « mixte » où les intérêts divers sont portés parl’ensemble des acteurs, d’autres préfèrent maintenir leur pré carré sans pour autant dénigrer la concertation… jusqu’à un certainpoint !
Yves Denis, coordinateur régional CNCD-11.11.11 pour le Hainaut occidental et le Centre, a opté avec l’ensemble du réseau pour une structure duale : d’une part, lesassociations se regroupent une fois par mois en plénière ; d’autre part, entre ces plénières, des sous-groupes de volontaires regroupés par associationparticipant à « Ça passe par ma commune » formulent individuellement des questions aux partis démocratiques. « J’avoue que dans les quatre communes dontj’ai la charge, soit Mons, Charleroi, Soignies et La Louvière, j’utilise principalement le quatrième cahier du dossier des Magasins du Monde qui a trait à lacoopération Nord-Sud. Il me semble normal que les groupes se constituent spontanément en fonction des objectifs de chacun. Lors de nos récentes interpellations, des ONG commeSolidarité mondiale ou Entraide et Fraternité étaient présentes à nos côtés de même que des représentants des sans-papiers ».
A y voir de plus près, les revendications tendent vers un même objectif : celui d’être écouté par le politique. Ecoute qui se traduit par des demandessimilaires comme une aide logistique, administrative, budgétaire pour les uns ou le recours systématique des communes aux produits issus du commerce équitable dans l’octroide marchés publics.

De « Ma commune, ce n’est pas le bout du monde » à « Ça passe par ma commune »

Dans ses premières moutures, la campagne se focalisait davantage sur le clivage Nord-Sud à travers une coopération qui pouvait, comme le souligne Pol Charles, «prêter à confusion dans ses réelles motivations intrinsèques. Un échevin qui faisait un voyage exotique avait soudain l’idée de s’associerà une commune du Sud, ce qui ne partait pas d’une démarche concertée ». En 2000, les termes de coopération décentralisée priment sur lesjumelages et la prise en compte croissante du passage de consommateur à consomm’acteur responsable – pour reprendre l’appellation du carnet de route de la campagne 2000– est mise en avant. Non seulement le « jargon » change, mais les stratégies se font de plus en plus concertées.
Pour l’édition 2006, les acteurs du commerce équitable, de la solidarité internationale, de l’économie sociale, des lobbyings verts ou encore les agences decrédit alternatif se mobilisent autour des sept axes suivants :
Cahier 1 : choisir une consommation équitable et éthique.
Cahier 2 : choisir une consommation bio ou écologique.
Cahier 3 : soutenir une économie sociale et solidaire.
Cahier 4 : développer une coopération Nord-Sud.
Cahier 5 : respecter un environnement local.
Cahier 6 : s’engager pour la planète.
Cahier 7 : favoriser une démocratie locale et participative.
Ces cahiers sont repris dans une farde disponible sur demande dans le réseau des Magasins du Monde Oxfam ou sur www.madeindignity.be. Pour les élections 2006, les Magasins ont réalisé une édition spécifique de « L’Autre Quotidien » pour 25communes afin de retranscrire les interpellations et les actions mises en place par les divers groupes locaux.

Comment pérenniser une campagne ponctuelle ?

Après la traduction en actions des réflexions portées de concert par les groupes en présence, une autre difficulté consiste à dépasser le «one shoot » de ces mobilisations. Pol Charles émet trois objections sur ce point. Tout d’abord, le « chacun pour sa chapelle » prévaut dans les locales mises enplace souvent une année avant le passage aux urnes.

Pour Benoît Vandermeerschen, secrétaire général du CNCD-11.11.11., « l’essentiel d’une telle campagne est de fédérer justement dessecteurs de nature différente et de donner un véritable poids aux volontaires des diverses associations qui peuvent ainsi participer au processus démocratique d’unecommune. Ce sont les volontaires qui portent la campagne et non les institutions dont ils sont néanmoins membres ». Quant aux conflits idéologiques, pour le secrétairegénéral, « ils naissent spontanément de par les caractères forts des personnes travaillant au changement de mentalité. Ce qui prend évidemment du temps».

Ensuite, la qualité des rencontres est pointée du doigt par Pol Charles. « Il arrive souvent que la critique se fasse non sur la qualité de la gestion de la chosepublique, mais bien sur la qualité de la gestion ou de la stratégie de l’association voisine ! ». Qui plus est, Yves Denis, tout comme Pol Charles, relève lesdisparités existantes dans la démographie des communes ou le dynamisme de son tissu associatif. « Il est nécessaire de regrouper plusieurs locales afin de ne pas perdre desénergies précieuses là où ne cohabitent que trop peu d’associations. Il ne faut pas oublier que ce sont souvent malheureusement les mêmes personnes quitiennent la boutique Oxfam et s’occupent d’opérations de récoltes de fonds comme celle du CNCD-11.11.11. ».

Enfin, paradoxalement la fragilité des liens créés graduellement avec les élus communaux est à la base de l’échec de nombreuses initiatives pourtantlouables. Un changement de coalition peut s’avérer catastrophique dans l’hypothèse où des promesses avaient été faites préalablement. Autre casd’espèce : un échevin « acquis à la cause » peut retourner sa veste en fonction des affinités qui se nouent et se dénouent.

Quel avenir pour la campagne ?

Des évaluations dans les communes mobilisées sont prévues, mais, comme le regrette Michel Bastin d’Etterbeek, elles ne sont pas systématiques et les bilans sontparfois trop survolés. Le coordinateur local regrette, par ailleurs, les chantiers qui restent à l’état de projets non traduits en actes. Pour Pol Charles, il n’estpas utopique d’oser rêver un échevin à la solidarité ou à la participation citoyenne dans chaque commune. Des propositions comme la tenue d’assisesspécifiques ou la création de maisons de la citoyenneté sont loin d’être irréalistes. A la commune d’oser les porter…

1. Magasins du Monde Oxfam, rue Provinciale 285 à 1301 Wavre – tél. : 010 43 79 50 – fax : 010 4379 69 – courriel : denis.lambert@mdmoxfam.be.
2. CNCD-11.11.11., quai du Commerce 9, 1000 Bruxelles – tél. : 02 250 12 30 – fax : 02 250 12 63 – courriel :benoit.vandermeerschen@cncd.be
3. Les associations présentes cette année sont Oxfam-Magasins du monde, Max Havelaar, Le Réseau éco-consommation, Credal, Nature & Progrès, Inter-environnementWallonie, avec l’appui du CNCD-11.11.11, de la Campagne Vêtements Propres, du Réseau financement alternatif et de Solidarité des alternatives wallonnes. D’autresassociations sont susceptibles de rejoindre l’initiative au plan local.

4. Actuellement sénateur PS et président de l’Association Belgique-Palestine.
5. Pour plus d’informations sur les actions menées à Etterbeek – courriel: etterbeek.getmo@mail.be

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