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Regard critique · Justice sociale

Missing : le théâtre-action au défi de la mixité

« Le théâtre est un péché. Parce qu’il nous apprend à discerner le jeu du non-jeu et ça, c’est dangereux pour la cohésion de noscommunautés ! » La tirade tirée de Missing résume l’enjeu de cette pièce de théâtre-action sur la mixité1. Une trentained’habitants de Saint-Josse-ten-Noode ont participé à l’écriture de la pièce, finalement jouée par seulement deux d’entre eux. La mixitéserait-elle interdite aux habitants des quartiers multiculturels ?

25-09-2008 Alter Échos n° 259

« Le théâtre est un péché. Parce qu’il nous apprend à discerner le jeu du non-jeu et ça, c’est dangereux pour la cohésion de noscommunautés ! » La tirade tirée de Missing résume l’enjeu de cette pièce de théâtre-action sur la mixité1. Une trentained’habitants de Saint-Josse-ten-Noode ont participé à l’écriture de la pièce, finalement jouée par seulement deux d’entre eux. La mixitéserait-elle interdite aux habitants des quartiers multiculturels ?

Ce soir-là, c’est le Centre bruxellois d’action interculturelle (CBAI2) qui invitait son réseau de partenaires à assister au spectacle, dans le cadredes dialogues interculturels qu’il organise tout au long de l’année. Parce qu’une pièce vaut bien une conférence-débat ? « Dans le cadre de notreaction, nous sommes soucieux de favoriser les « discours par » les publics avec lesquels nous travaillons plutôt que les « discours sur » », explique Christine Kulakowski, directrice duCentre.

Discuter : oui. Jouer : plutôt non

Voulue par la commune de Saint-Josse (Bruxelles), financée par la Politique des grandes villes3, la pièce a été écrite à partir des discussionsqu’ont tenues séparément deux groupes d’habitants, l’un d’une quinzaine de femmes et l’autre d’une quinzaine d’hommes, quin’échangeaient qu’à travers l’animateur et par fax. Ces échanges ont constitué la source d’inspiration principale pour l’écriture dela pièce. « Chaque fois que j’avançais dans la rédaction du texte, je le soumettais aux participants, puis aux comédiens qui en contrôlaient le contenu», précise Gennaro Pitisci du Brocoli Théâtre4 qui, avec Medhi Beduin, a mis en scène le spectacle.

Lorsque le projet a commencé à aborder la préparation de la représentation, les rangs se sont progressivement clairsemés. Discuter en groupes unisexes, oui ;monter sur une scène en une troupe mixte, non. En cause, la peur du regard des autres habitants du quartier, la pression sociale de la communauté, de la famille,… Transformantcet écueil en opportunité, le texte joué intègre l’histoire de ces deux groupes et l’impossibilité finale de faire jouer des hommes et des femmes surune (même) scène.

L’émancipation, un parcours

« La pièce fait d’un échec une réussite puisque la parole des habitants est dite, est représentée », estime Christine Kulakowski. Une approchetout en nuance à laquelle invite également le sort du personnage central, Sonia, une jeune fille d’origine immigrée qui cherche à s’émanciper des codespatriarcaux traditionnels, tout en se refusant à renier sa communauté. Lorsqu’elle quitte celle-ci et son quartier pour partir à la recherche de sa mère disparue,elle s’approche d’un « gynécée de femmes modernes, émancipées ». Mais celles-ci vivent un autre enfer, celui de l’exil, et lui recommandent,en chœur, de retourner dans son quartier et « d’expliquer les choses » à son père, à son frère, à la vieille voisine afin «qu’ils la comprennent ».

Finalement, le projet et la pièce échappent à toute appréciation en termes d’échec ou de réussite. Tous deux témoignent. D’uneimpossibilité de jeu mixte pour des personnes issues de certaines communautés. Mais aussi de la possibilité d’évoluer : des premiers jalons ont étéposés à travers les discussions des groupes unisexes, et les propos et expériences de vie des participant(e)s trouvent un écho, une place dans l’espace publicgrâce à la pièce de théâtre.

« Nous devons avancer et changer nos mentalités pour que nos enfants ne soient pas dans la même galère que nos parents, estime Abdhelhamid Rahali Siha, l’un desdeux comédiens. Une vieille femme turque a interpellé Meryem dans la rue et lui a demandé si l’acteur à côté d’elle sur l’afficheétait bien son mari… » « C’est aussi une pièce sur les identités en transition ; or dans ce domaine, les évolutions prennent du temps »,conclut Christine Kulakowski.

1. Prochaine représentation de la pièce lors du Festival des Libertés, le 18 octobre à 18h30 au Flagey (Ixelles) – Réservation au 02 289 69 00 ou parcourriel bruxelles.laique@laicite.be

2. Centre bruxellois d’action interculturelle :
– adresse : av. de Stalingrad, 24 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 289 70 50
– courriel : info@cbai.be
– site : www.cbai.be
3. 180 000 euros sur 3 ans (entre 2005 et 2007) pour les frais de fonctionnement et l’accompagnement artistique.
4. Brocoli Théâtre asbl :
– adresse : rue du Canada, 6 à 1190 Bruxelles
– tél. : 02 539 36 87
– courriel : brocoli@skynet.be
– site : www.brocolitheatre.be

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