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Regard critique · Justice sociale

Fin de l'arbitraire dans les attributions de logements communaux

Le 19 décembre 2008, le parlement bruxellois votait une ordonnance en vue de garantir des règles minimales quant à l’attribution des logements communaux non sociauxainsi que plus de transparence dans les procédures. Le point sur sa mise en application dans quatre communes concernées : Bruxelles-ville, Saint-Gilles, Molenbeek etAnderlecht.

29-05-2009 Alter Échos n° 274

Le 19 décembre 2008, le parlement bruxellois votait une ordonnance en vue de garantir des règles minimales quant à l’attribution des logements communaux non sociauxainsi que plus de transparence dans les procédures. Le point sur sa mise en application dans quatre communes concernées : Bruxelles-ville, Saint-Gilles, Molenbeek etAnderlecht.

L’ordonnance en question1 est encore peu connue et c’est assez normal, puisque, votée en décembre 2008, les opérateurs concernés ont en fait jusquel’été pour la mettre en application de manière effective2. De quoi s’agit-il ? Cela concerne les logements mis en location par des opérateursimmobiliers publics, à l’exclusion des logements sociaux (gérés par les Sisp), des logements du Fonds du logement ou encore des logements confiés par lespropriétaires privés à des agences immobilières sociales (AIS). Concrètement, sont surtout concernés les logements mis en location par des régiesfoncières de communes ou CPAS. Dorénavant, ces logements ne pourront plus être attribués par les opérateurs comme bon leur semble : des règles devrontêtre d’application.

Ainsi, avant le 1er juillet de chaque année, les opérateurs concernés doivent communiquer au gouvernement bruxellois un inventaire de leur patrimoine locatif. Mais,surtout, chaque opérateur doit se doter d’un règlement d’attribution déterminant les critères et la procédure d’octroi des logements qui sont d’applicationainsi que les modalités de recours. Ce règlement doit être accessible au public et communiqué au gouvernement bruxellois. L’opérateur immobilier public doitégalement tenir un registre mentionnant le nom du locataire, l’adresse du logement et la date de l’attribution ainsi que le demandeur d’un logement communal. Ce registre doitégalement être consultable, cette fois-ci, par les candidats, les conseillers communaux, les conseillers des CPAS et – c’est un fait remarquable – les parlementaires etle gouvernement bruxellois. Une garantie de transparence, de publicité et de contrôle.

Ce registre sert à établir un ordre chronologique des demandes de logements publics que la commune est tenue de respecter. Finie l’époque des dérogations ou desattributions décidées par le bourgmestre ? Oui et non. Oui, parce que l’ordre chronologique est désormais la règle pour toutes les communes pour les demandes duregistre en adéquation avec la localisation et le nombre de chambres stipulés dans la demande (l’ordre chronologique départage les ménages dont la demande a obtenule même nombre de points). Non, parce que les dérogations existent mais celles-ci doivent être soumises à des conditions objectives et mesurables.

Si un candidat s’estime lésé, il peut désormais faire recours non plus seulement au Conseil d’État mais également auprès de la commune. Toutedérogation doit être formellement motivée et mentionnée en marge du registre.

Bruxelles-ville précurseur

Bruxelles-ville compte un patrimoine immobilier non négligeable qui lui permet, et c’est l’option défendue par l’échevin des propriétéscommunales, Mohamed Ouriaghli, de jouer un rôle sur le marché immobilier de la commune. Pour preuve : sur les 66 000 logements répertoriés sur le territoire de lacommune, 13 000 logements sont des logements publics. Sur ces logements publics, 8 000 sont des logements sociaux et 4 500 des logements publics gérés par la ville deBruxelles et par le CPAS. Sur ces 4 500 logements publics, 2 800 sont gérés par la Régie foncière et 1 700 par le CPAS. Ce sont ces 4 500 logementspublics « non sociaux » qui sont concernés par l’ordonnance.

L’accord de la majorité communale de 2006 prévoyait, outre la construction de 1 000 nouveaux logements publics, la révision de l’attribution des logements dela ville de Bruxelles. Celle-ci a eu lieu en novembre 2007, soit bien avant le vote de l’ordonnance régionale. Le candidat à un logement public non social doit, depuis lors,introduire sa candidature auprès de l’agence locative de la ville3. Il choisit l’un des trois parcs immobiliers : « contrat de quartier », « loyer encadré » ou parc »moyen » ; sachant que les logements sous contrat de quartier sont réservés à des personnes dont les revenus ne dépassent pas de 20 % ceux qui permettent l’accès aulogement social4 et que les logements à « loyer encadré » sont réservés à des revenus « moyens inférieurs ». Ensuite, le candidat est tenu deconsulter régulièrement les offres de location soit sur le site web de la Ville de Bruxelles, soit via les affiches « à louer » sur le bien, soit encore à l’agenceelle-même. S’il repère un logement, il est tenu de le visiter avant de marquer son intérêt pour celui-ci. Le bien reste disponible pendant 14 jours et seraattribué au ménage locataire selon son ancienneté dans le registre. Principe du premier arrivé, premier servi sur base de la date et de l’heure del’introduction de la demande dans le registre. Avec des dérogations possibles comme en cas de relogement à la suite d’un sinistre. Priorité absolue est accordée auxménages locataires qui, depuis au moins trois ans, occupent dans le parc moyen, à loyer encadré ou issu d’un contrat de quartier, un logement inadapté en fonction desa composition de ménage. Ces dérogations font l’objet d’un rapport annuel auprès du conseil communal.

On le voit, dans son principe et son application, l’attribution des logements publics à la ville de Bruxelles reflète l’esprit de l’ordonnance régionale.

Saint-Gilles, la commune la plus concernée

En dépit de sa petite superficie, Saint-Gilles compte l’une des plus grosses régies foncières, avec un patrimoine de 800 logements publics dits moyens. Ce qui la place entête si l’on considère la densité de ce type de logements. Dans un règlement voté par le conseil communal suite à l’ordonnance régionale et qui entreraen vigueur le 26 juillet 2009, ces logements sont désormais destinés exclusivement aux candidats âgés de plus de 18 ans, n’étant paspropriétaires6 en Belgique d’un bien immobilier affecté au logement et disposant de revenus annuels imposables inférieurs à 40 000 euros pour unisolé et de 70 000 euros pour un ménage. Il est clair que ces logements n’ont pas vocation à remplir un rôle social mais qu’ils sont plutôtdestinés aux ménages dont les revenus sans être très confortables restent supérieurs aux montants des revenus sociaux et même à la moyennerégionale des revenus.

Cathy Marcus, échevine du Logement, de la régie fon
cière, des contrats de quartier et de l’urbanisme, défend la mesure en expliquant que la commune dispose delogements sociaux à cet effet5 et que ces logements moyens sont censés assurer la mixité sociale au sein de la commune en satisfaisant les ménages dont lesrevenus sont trop élevés pour accéder au logement social mais peut-être pas suffisamment pour se loger confortablement dans le privé.

Trois critères pondèrent la règle de l’attribution chronologique. En cas de maladie dont les caractéristiques entravent la recherche d’un logement, lecandidat reçoit un point. Idem pour les personnes qui exercent une activité professionnelle à Saint-Gilles et qui, par conséquent, désirent s’yinstaller. « C’est le cas d’un chauffeur de la Stib qui travaille de nuit dans la commune ou d’une infirmière qui fait des gardes à Bordet ou àSaint-Pierre », précise Cathy Marcus. En cas de handicap, le candidat recevra deux points ainsi que les personnes qui éprouvent des difficultés familiales liéesà des décisions de justice impliquant des enfants ou des violences conjugales. Se verront attribuer trois points, les personnes de plus de 65 ans devant quitter leur logement.

Cathy Marcus défend ces dérogations en expliquant que la commune n’est pas un bailleur ordinaire car elle est tenue par la loi communale à répondre à desurgences telles qu’un incendie ou une cheminée qui s’effondre. Saint-Gilles prévoit donc un maximum de 25 % des attributions pouvant bénéficier d’unedérogation.

Pour les logements qui ont été construits dans le cadre des contrats de quartier7, une règle spécifique est prévue afin de respecterl’ordonnance de revitalisation des quartiers, comme c’est le cas à Bruxelles-ville (ces logements sont donc réservés à des personnes dont les revenus nedépassent pas de 20 % les plafonds du logement social).

Molenbeek s’appuie sur l’associatif

Cas particulier mais pas unique, Molenbeek est une commune qui ne dispose pas d’une régie foncière. Elle possède 229 logements communaux non sociaux gérés par leservice des propriétés communales dont 25 % sont des logements de 5 chambres et plus8. Le CPAS de Molenbeek gère quant à lui 26 logements sociaux. On estimedonc à un peu plus de 250 unités le nombre de logements communaux, sociaux et non sociaux, pour une population de 83 000 habitants.

Le 20 mars dernier, le conseil communal adoptait un nouveau règlement d’attribution des logements communaux non sociaux excluant les mandataires politiques du processus dedécision. Un comité apolitique sera composé de fonctionnaires communaux et d’associations ayant pignon sur rue. Le collège des bourgmestre et échevinsn’interviendra plus que comme organe de contrôle. Cette initiative fait suite à la « dépolitisation » de l’attribution des logements de transitoù le rôle des associations a permis, selon Michel Renard, coordinateur de la cellule Logement, de faire bénéficier à la commune de leurs réseauxd’usagers. Si elle permet de réduire l’incidence du politique sur l’attribution qui a dans le passé été sujette à des critiques declientélisme, il reste à voir si les associations pressenties trouveront leur compte dans leur participation à la politique communale. Avec le risque potentiel qu’elles soientjuges et parties.

Anderlecht aura sa régie

Autre cas d’une commune qui ne dispose pas, actuellement, d’une Régie foncière : Anderlecht. Fatiha El Ikdimi, l’échevine du Logement, de l’Agenceimmobilière sociale (AIS), de la Régie foncière, des Propriétés communales, des Infrastructures communales, de la Prévention et du Volet social des contratsde quartier, explique que la commune prépare, d’ici la fin de l’année, la mise en place d’une régie. Depuis février, Anderlecht s’est dotéd’un règlement communal concernant l’attribution des logements communaux. « Un règlement qui va plus loin que les exigences de l’ordonnancerégionale, affirme l’échevine. Nous avons choisi de mettre en place une régie spécifique à la commune qui exclut donc les logements privés. Nous devonsrattraper plus de 15 ans de non-gestion politique du patrimoine immobilier communal et les travaux de rénovation de notre parc sont considérables. Nous entendons travailler encollaboration avec l’AIS Logement pour tous qui a le mérite de déjà exister et que la commune entend soutenir. »

Dans ce règlement communal d’attribution des logements communaux, notons deux particularités. Tout d’abord, la mise en place d’une commission d’attributioncomprenant plusieurs services communaux : propriétés communales, rénovation urbaine, unité sociale logement et action sociale, sous la présidence del’échevine du Logement. « Nous n’avons pas considéré que ce serait plus efficace d’y intégrer les associations de terrain »,explique Fatiha El Ikdimi.

Notons ensuite que parmi les points de priorité accordés aux candidatures reprise dans le registre, Anderlecht mentionne le cas de la perte d’un logement à la suite deviolences conjugales sur attestation d’un CPAS ou jugement, mais aussi la présence dans le ménage d’une personne sans abri ou le fait pour le ménaged’être « constitué de minimum un enfant à charge et d’une seule personne n’ayant pas cette qualité », autrement dit un ménage monoparental.

Comme on le voit, si l’ordonnance régionale est clairement mise en application selon des modalités différentes entre communes (l’accent social étant, par exemple, plusou moins affirmé), il n’en reste pas moins que le règne de l’arbitraire et de l’opacité quant à l’attribution de ces logements semble de prime abord révolu.

1. Ordonnance du 19 décembre 2008 modifiant l’ordonnance du 17 juillet 2003 portant le Code bruxellois du logement et visant à préserver le parc de logements des pouvoirspublics en Région bruxelloise et à établir des règles minimales en matière d’attribution de ces logements.
2. L’ordonnance est d’application six mois après la parution le 28 janvier 2009 au Moniteur belge.
3. L’agence locative de la ville, bd E. Jacqmain, 19 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 279 40 90.
4. Selon les règles prévues par l’ordonnance organique du 7 octobre 1993 de la revitalisation des quartiers, modifiée par les ordonnances des 20 juillet 2000 et 27 juillet2002.
5. Saint-Gilles compte un parc locatif social d’environ 1 000 logements gérés par le Foyer saint-gillois
.
6. Il s’agit d’une pleine propriété, ce qui veut dire que les usufruitiers peuvent se porter candidats.
7. Pour la liste des contrats de quartier en cours ou achevés, consulter : www.quartiers.irisnet.be/contenu/content.asp?ref=180
8. Source : Note de politique générale du logement, juin 2008. Chiffres en date du 31 décembre 2007, auxquels il faut probablement ajouter dix logements .

nathalieD

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