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En Europe, des budgets participatifs pour entendre des minoritaires

Les budgets participatifs essaiment en Europe. En quoi et comment permettent-ils aux minorités de participer à la chose publique ? Tentons un aperçu avec Giovanni Allegretti,chercheur au Centrer for social studies (CES) de l’université de Coimbra1 (Portugal).

03-11-2008 Alter Échos n° 262

Les budgets participatifs essaiment en Europe. En quoi et comment permettent-ils aux minorités de participer à la chose publique ? Tentons un aperçu avec Giovanni Allegretti,chercheur au Centrer for social studies (CES) de l’université de Coimbra1 (Portugal).

Quelques chiffres d’abord : il y aurait aujourd’hui à travers l’Europe (géographique) une centaine de budgets participatifs à l’œuvre dans descollectivités qui concentrent plus de 6,5 millions d’habitants. Les initiatives repérées se situent pour la plupart en Espagne, au Portugal, en Italie, en France, enGrande-Bretagne et en Allemagne ; quelques initiatives existent également en Pologne, Suède, Bosnie et Albanie.

Premier constat : la plupart des expériences portent sur de petites entités, à un niveau infra-municipal, afin de créer des liens sociaux. Dans ce cas,l’intégration des minorités est favorisée par la proximité mais la question se pose de savoir dans quelle mesure cette intégration favorise ou non le respectdes différences.

Ensuite, les budgets participatifs émergent essentiellement dans des régions métropolitaines. Giovanni Allegretti formule deux hypothèses pour tenter d’expliquercela : d’une part, la participation permettrait d’impliquer des gens qui n’ont pas le droit de vote ; d’autre part, les villes proches des grands centres urbains doivent fairepreuve de plus de créativité pour résoudre leurs problèmes.

Troisième caractéristique : ces dispositifs, en Europe, reposent surtout sur des logiques territoriales ou thématiques, rarement sur la base sociale d’acteursparticuliers, à l’exception des budgets participatifs des jeunes ou des enfants.

Pas d’inclusion qui ne soit pensée

Selon le chercheur, les budgets participatifs n’ont pas d’effets d’inclusion sociale par eux-mêmes s’ils n’en font pas un objectif spécifique. Lesphénomènes d’exclusion sociale et territoriale étant en général propres à chaque ville ou territoire concerné, les processus de budgetparticipatif doivent à chaque fois inventer leurs dispositifs d’inclusion, sur la base d’une identification préalable des niveaux d’exclusion et dedifférences.

Les enjeux de la multiculturalité ne concernent pas seulement des groupes issus de nations ou de groupes ethniques différents [voir Alter Échos n°260 :Anderlecht Alegre]. La seule constante observable de ce point de vue, tant en Europe qu’en Amérique du Sud, est l’exclusion quasi systématique des femmes seules avecenfants. Mais pas seulement : ainsi, à Pieve Emanuele, dans la province de Milan, de nombreuses familles originaires du sud de l’Italie sont encore exclusivementreprésentées dans l’espace public par l’homme. Le budget participatif y a été conçu comme un véritable instrument de « transformationculturelle » avec des activités ciblées dans les écoles, à destination des jeunes et des femmes, afin de favoriser leur participation.

L’usage d’un espace ou l’appartenance communautaire

La Toscane s’est dotée d’une législation relative à la participation qui en fait un droit de tout résident, même occasionnel (étudiant,travailleur…), de la province, à l’exception néanmoins des étrangers « illégaux ». Ici, sur le plan formel de la loi, c’est l’usaged’un territoire qui devient le critère discriminant pour accéder à la participation.

Dans un district romain, la participation est encouragée via l’institutionnalisation de la représentation des communautés étrangères par des «conseillers ajoutés » qui forment une sorte de conseil consultatif. A contrario, des communes qui ont fait ponctuellement d’énormes efforts d’information(brochures multilingues) ne sont pas parvenues à les inscrire dans la durée, mettant ainsi à mal la participation des publics visés ; elles se sont alorsréorientées vers la gestion d’espaces plus informels et de points d’information à destination des communautés étrangères.

Au Portugal, une législation de 1996 règle les questions de multiculturalité, l’approche ne fait plus l’objet de beaucoup de débats. Dans les pratiques,afin de faire participer les travailleurs étrangers, les dispositifs mettent en discussion des sujets qui les intéressent directement : agriculture, etc. En Espagne, la question de ladifférence fait l’objet d’un effort d’information, de traduction et d’évaluation continue. Ainsi, par exemple, des caravanes de la participation permettentd’aller à la rencontre des habitants et des communautés dans les quartiers pour recueillir leur parole. Ou bien, des ateliers de migrants (Séville) sontspécifiquement programmés lors des journées de délibération participative.

Pour un bilan de diversité culturelle

Au-delà des hypothèses qu’elles soulèvent et qui mériteraient un monitoring européen, ces expériences indiquent qu’un budgetn’est participatif que s’il articule des dispositifs de discrimination positive à l’égard de certains habitants socialement, culturellement ou politiquementéloignés des processus de décision. Giovanni Allegretti plaide dès lors pour l’introduction d’un « bilan de diversité culturelle » àl’entame de toute démarche de budget participatif – que l’on pourrait d’ailleurs appliquer à toute démarche participative – afin de pouvoir mieuxrépondre à la question : les mécanismes participatifs mis en place tuent-ils ou favorisent-ils les identités variées ?

Vade-Mecum de la démocratie participative à destination des pouvoirs locaux

À l’occasion de la semaine européenne de la démocratie, un Vade-Mecum de la démocratie participative à destination des pouvoirs locaux2 aété édité par l’administration wallonne. Au sommaire : enjeux, expériences et dix recommandations.

L’ouvrage, réalisé par la Fondation pour la solidarité, a l’énorme mérite de proposer des balises claires – à défautd’être consensuelles – à la notion de démocratie participative : selon ses auteurs, elle relève tant de l’initiative de citoyens que de la sollicitation par lesautorités publiques ; elle est soit décisionnelle « quand les citoyens prennent des décisions lors du processus », soit consultative lorsque leur influencen’est qu’indirecte ; elle est complémentaire et vient « féconder » la démocratie représentative dans une perspective rénovatrice ; ellerelè
ve d’une véritable culture à construire et non d’une opération ponctuelle de légitimation.

Cette typologie de la démocratie participative permet d’y inclure un vaste éventail de dispositifs, de la simple réunion d’information en passant par la,désormais classique, enquête publique et jusqu’au très structuré et innovant panel de citoyens. Comme pour ne pas effaroucher la classe des élus en leursignifiant qu’ils pratiquent déjà, à certaine dose, la participation citoyenne, tout en leur distillant quelques suggestions pour aller plus loin.

Une douzaine d’expériences sont présentées à travers des fiches standardisées reprenant leurs partenariats, le lieu et la période où elles sesont déroulées, leur champ de préoccupation, un bref historique, leurs objectifs, les méthodes mises en œuvre, les résultats et une appréciationévaluative de chacune.

Une structuration plus explicite de ces fiches autour des enjeux parfaitement bien circonscrits dans la première partie de la brochure faciliterait une comparaison des dispositifs selon lemoment où intervient la participation montante ou la consultation, la part de décision appartenant aux citoyens et celle réservée aux politiques, les groupes sociaux lesplus actifs ou les plus éloignés de la participation, etc. Des données chiffrées sur les coûts moyens et les impacts budgétaires fourniraient aussi uneinformation utile aux décideurs.

L’ouvrage se termine sur dix recommandations qui augurent comme une charte de la gouvernance (participative) locale : rendre visible le dispositif, assurer la transparence, tenir compte desavis exprimés, maintenir l’implication, assurer la diversité,…

1. Giovanni Allegretti, Center for social studies :
– adresse : Colégio Sans Jeronimo, Apartado 3097, 3001 – 401 Coimbra, Portugal
– tél. : 00 351 239 855 570
– courriel : giovanni.allegretti@ces.uc.pt
D’après l’exposé réalisé à l’occasion des journées de rencontre du réseau URB-AL à Anderlecht les 1er et 2 octobrederniers (voir Alter Échos n° 260).

2. Le document est téléchargeable sur : http://pouvoirslocaux.wallonie.be

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