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Eddy Courthéoux : « La collaboration plutôt que la régionalisation »

Pour ce premier entretien autour de la question de la régionalisation de l’Emploi, Alter Échos donne la parole à Eddy Courthéoux. Sa position de directeurgénéral de l’Orbem1 constitue en effet un poste d’observation doublement privilégié : en tant que haut fonctionnaire chargé de mettre en œuvre uneéventuelle réforme, bien sûr, mais aussi en tant que Bruxellois. Dans une région où la majorité des emplois sont occupés par des non-résidents,la question de la régionalisation, et des entraves à la mobilité qui pourraient en découler, se pose en effet avec une acuité particulière.

20-04-2007 Alter Échos n° 227

Pour ce premier entretien autour de la question de la régionalisation de l’Emploi, Alter Échos donne la parole à Eddy Courthéoux. Sa position de directeurgénéral de l’Orbem1 constitue en effet un poste d’observation doublement privilégié : en tant que haut fonctionnaire chargé de mettre en œuvre uneéventuelle réforme, bien sûr, mais aussi en tant que Bruxellois. Dans une région où la majorité des emplois sont occupés par des non-résidents,la question de la régionalisation, et des entraves à la mobilité qui pourraient en découler, se pose en effet avec une acuité particulière.

Alter Échos : Il est difficile de nier le constat établi par les Flamands, au premier rang desquels les socialistes, que les difficultés d’emploi dans les troisRégions sont fort diverses. Alors qu’à Bruxelles et en Wallonie, c’est le chômage des jeunes qui est le plus problématique, la Flandre s’inquiète, elle, du faibletaux d’emploi de ses plus de cinquante ans. N’est-il pas cohérent de prévoir des politiques plus adaptées à ces différences régionales ?

Eddy Courthéoux : Mais pour arriver à cet objectif, que je partage, faut-il régionaliser l’emploi ? Pas nécessairement, car il sera très difficile de lefaire sans toucher du même coup à la Sécu – surtout si on met en place des réductions différenciées de cotisations sociales. Il existe d’autressolutions que la régionalisation pure et simple pour arriver à une adéquation des politiques aux problèmes qui se posent. J’en verrais trois.

Premièrement, la voie européenne : en ce qui concerne les politiques sociales dans le cadre du FSE et du Feder, l’Europe décide des masses financières affectéesà chaque pays, et des objectifs, mais ce sont les États qui restent compétents pour définir les mesures et les outils mis en place pour atteindre ces objectifs. Onpourrait s’en inspirer dans le cadre belge.

La deuxième voie est indiquée par la « Carte blanche » commune que j’ai publiée récemment avec mes collègues Jean-Pierre Méan pour le Forem et Fons Leroypour le VDAB. Il s’agit de resserrer les liens entre les organismes régionaux. La phase d’indépendance qui a peut-être marqué nos premières années estterminée : les trois organismes peuvent désormais collaborer de manière adulte et décomplexée, entre eux et avec le service public fédéral Emploi. Ils’agit de coopération sur le terrain et décidée par lui, au jour le jour, plutôt que d’accords de coopération conclus entre politiques. À titre d’exemple,c’est un « scoop », nous venons de créer Synerjob, une asbl qui devrait nous permettre de rassembler nos forces et de faire des économies d’échelle, en matièred’études, de développements d’outils, etc. Bref, on peut mettre en place des dispositifs de coopération sur des questions précises.

Enfin, troisième voie, je ne dis pas que certaines compétences très spécifiques – dont je ne souhaite pas donner la liste maintenant – ne gagneraient pasà être régionalisées. Mais elles sont très secondaires et leur régionalisation ne porterait pas atteinte à la Sécu.

AE : Mais les collaborations que vous évoquez seront-elles suffisantes face à l’ampleur et la spécificité régionale des problèmes ?

EC : Rien ne se réglera d’un coup mais imaginons une régionalisation qui prendrait la forme de réductions de cotisations sociales sélectives etdifférenciées selon les Régions (par exemple, pour les plus de 50 ans en Flandre et les moins de 25 ans à Bruxelles). Cette « solution » pose elle-mêmede nombreux problèmes. Par exemple, qu’est-ce qui sera déterminant pour décider de l’appartenance d’un travailleur à un groupe cible dont on souhaite réduire lescotisations? Pas le lieu de résidence (ce serait contraire au Traité de Rome), mais bien le lieu de travail. Prenons l’exemple bruxellois dont plus de la moitié des travailleursne sont pas des résidents, on se rend vite compte des difficultés.

Plutôt que ces mesures radicales qui créeraient des problèmes de mobilité (d’ailleurs redoutés par les patrons eux-mêmes), il faudrait mettre autour de latable les trois offices régionaux, inventorier tout ce qui existe et déterminer où il est possible de mieux articuler les politiques. Le climat y est beaucoup plus favorabledésormais.

AE : Un des arguments, de Johan Vande Lanotte notamment, porte sur la nécessité de rapprocher l’accompagnement (actuellement dispensé par les organismes régionaux)et la sanction (actuellement exercée) par l’Onem.

EC : En cela, il ne fait que rejoindre le discours tenu par l’OCDE depuis dix ans. Avant la régionalisation, les placeurs de l’Onem avaient en effet une capacité de sanctionen plus de leur mission de placement. En fait, ça ne changeait pas grand-chose, ça allait seulement un peu plus vite qu’aujourd’hui.

1. On précisera en outre qu’Eddy Courthéoux est président de la section schaerbeekoise du Parti socialiste.

Edgar Szoc

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