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Des sous et un décret pour l'expression artistique et la créativité

Ce vendredi 6 mars, le gouvernement de la Communauté française a approuvé un projet de décret qui donne enfin un véritable cadre légal stable au secteurdes Centres d’expression et de créativité (CEC).

13-03-2009 Alter Échos n° 269

Ce vendredi 6 mars, le gouvernement de la Communauté française a approuvé, en dernière lecture, un projet de décret qui donne enfin un véritable cadrelégal stable au secteur des centres d’expression et de créativité (CEC). Objectif : valoriser ce secteur et permettre son développement. Par-delà, rien demoins que promouvoir l’expression et la créativité des citoyens… et le plaisir lié à celles-ci.

Le secteur des 160 centres d’expression et de créativité présents en Communauté française est régi par une simple circulaire depuis 1976. En plus detrente ans, l’eau a bien entendu largement coulé sous les ponts… Les CEC ont pris de l’ampleur et diversifié leurs activités et sont également souvent passésd’une gestion par des amateurs bénévoles à du professionnalisme ou du semi-professionnalisme. Notamment grâce à l’attribution d’emplois régionaux dans lesannées ’80 et ’90.

Aujourd’hui, les CEC organisent des ateliers dans toute la Communauté française, dans une multitude de domaines : arts plastiques, son, photo, images animées,théâtre, etc. Ils sont devenus des acteurs culturels « de première ligne » de référence. Le secteur revendique ainsi 15 000 participantsà ses activités, issus toutes les couches sociales et de tous les âges.

« L’objectif du nouveau décret, concernant les CEC, n’est pas de les pousser à « faire des artistes » mais de favoriser le plaisir dans la rencontre et l’expression. Les CECsont, en effet, de véritables outils de lien social dans les zones où ils sont actifs, souligne Marylène Toussaint, qui suit ce dossier au sein du cabinet Laanan, la ministre dela Culture (PS)1. En reconnaissant ce secteur et en lui attribuant des moyens nouveaux, nous voulons montrer que l’expression de tous les publics à travers des pratiques artistiquesest véritablement quelque chose d’important dans la société. »

Une marque claire

On reconnaît en tout cas la « patte » du cabinet Laanan et de certains de ses membres dans la manière dont est structuré le texte du décret et dontles choses sont organisées ; les similitudes sont en effet frappantes avec d’autres décrets : celui sur les centres de jeunes de 2000 et celui sur les organisations de jeunesse,actuellement en discussion au Parlement. Concernant les CEC, on retrouve ainsi, en guise de charpente du texte, les mêmes éléments que dans les autres décretscités : une logique de plans d’action (ou d’intentions) pluriannuels, de catégories avec des volumes d’activités qui déterminent des niveaux de subvention, ainsi quedes dispositifs particuliers pour répondre à des réalités spécifiques. Pourquoi réinventer la roue, surtout quand elle semble roulercorrectement…?

Concrètement, les CEC reconnus seront tous classés dans l’un des quatre niveaux prévus. Les exigences entre les niveaux diffèrent essentiellement sur descritères quantitatifs : nombre d’heures d’ateliers organisées par an et nombre de participants. Pour les niveaux les plus élevés, les CEC devront mener des projetsà plus long terme (des ensembles d’actions et démarches inscrites dans le temps), développer « l’expression citoyenne », ou encore disposer d’outils decommunication vers les publics extérieurs. Les subventions accordées pour le fonctionnement varient de 5 000 à 30 000 euros par an suivant la catégorie.

Concernant le financement de l’emploi, il est prévu d’accrocher le secteur des CEC au « décret emploi » qui concerne déjà tous les autres secteurssocioculturels de la Communauté. Le décret concernant les CEC prévoit l’activation progressive d’un financement similaire à celui du décret emploi. À terme,le champ d’application du décret emploi lui-même devrait englober le secteur des CEC. À ce moment-là, l’ensemble des travailleurs des CEC sera intégréà la commission paritaire (CP) 329.02 et les salaires seront alors déterminés par les mêmes conventions collectives que celles de leurs collègues des autressecteurs. Pour le moment, il subsiste encore de fortes disparités entre les CEC et les autres secteurs mais aussi à l’intérieur même du secteur des CEC, par le fait quecertains CEC sont « indépendants » et non soumis à la CP 329.02 (deux tiers des animateurs) alors que les autres sont « adossés »à des structures existantes et par « contagion » sont soumis aux obligations liées à cette CP 329.02.

Un secteur pas cocu et content

« Le secteur des CEC est extrêmement diversifié, explique Jean-Louis Closset, président de la fédération pluraliste des CEC, la FPCEC2 etcoordinateur du CEC de La Reid. Certains CEC sont en fait des « départements » d’asbl comme des centres culturels, des associations d’éducation permanente oumême des centres de jeunes alors que d’autres sont tout à fait indépendants et forment des entités propres. Il était important pour nous que cette diversitésoit reconnue dans le décret et qu’on ne détruise pas des dynamiques qui fonctionnent. »

Et la fédération de souligner que le texte qui va être soumis au parlement est le fruit d’une longue maturation. « Dès 2003, notre fédération aorganisé des « journées équinoxe », des moments de réflexion sur le secteur, thématiques et décentralisées. En 2007-2008, nous avons aussiorganisé notre enquête « comment vivent les CEC » et effectué un cadastre de l’emploi dans le secteur. De 2005 à 2008 essentiellement, nous avons aussi eu diversesréunions avec l’administration, déjà dans la perspective d’un décret à venir. En fait, quand nous avons commencé de vraies négociations avec lecabinet de Madame Laanan, en septembre 2008, le terrain était donc largement défriché : la base était là. Dans la négociation même, le climatétait bon et nous avons donc pu aboutir à un résultat satisfaisant pour tous dans des délais assez brefs. Cela dit, ce texte n’est pour nous qu’une première pierre,une première étape indispensable vers un développement ultérieur du secteur. »

Au niveau des budgets globaux pour les CEC, le gouvernement met sur la table 500 000 euros de supplément en 2009, pour dépasser les 2,2 millions d’euros. « Depuis2004, le budget du secteur a ainsi été quasi doublé », souligne Marylène Toussaint. Christian Cession, coordinateur de la FPCEC salue l’effort, mais lerelativise : « l’effort de la Communauté est important et indiscutable, mais notre budget d’un peu plus de 2 millions d’euros pour 160 CEC est à comparer à celui desprès de 10 millions pour les 192 centres d
e jeunes ou encore les 14 millions pour les 92 centres culturels… Les ordres de grandeurs restent quand même trèsdifférents ! »

Après la dernière lecture en gouvernement, survenue le 8 mars dernier, le travail parlementaire sur le décret va très prochainement commencer. Personne ne sembles’attendre à ce qu’un problème de dernière minute empêche le vote du texte tel que concerté entre le cabinet et le secteur.

Les pratiques artistiques en amateur aussi concernées

Le projet de décret dont il est question ne concerne en fait pas que la reconnaissance des CEC et leurs fédérations, mais également celles des fédérations depratiques artistiques en amateur.

« En communauté française, il existe plus de 600 troupes locales qui pratiquent de l’expression artistique ; ce sont des fanfares, des chorales, des troupesthéâtrales ou de danse, des groupes de photographes ou de vidéastes, explique Marylène Toussaint. Il s’agit là d’une richesse également à soutenir,d’autant que c’est souvent de là qu’émergent des pratiques novatrices ». Le décret prévoit que les fédérations reconnues doivent assurer unsoutien aux associations locales, en ciblant un mode d’expression artistique, ainsi que promouvoir les rencontres et échanges entre les praticiens d’un mode d’expression artistique et lescollaborations avec d’autres associations ou institutions culturelles (CEC, centres culturels, centres de jeunes, etc.).

1. Cabinet de Fadila Laanan :
– adresse : place Surlet de Chokier 15-17 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 213 17 00
– courriel : info.laanan@cfwb.be
– site: www.fadilalaanan.net/
2. FPCEC (Fédération pluraliste des centres d’expression et de créativité) :
– adresse : rue Saint-Nicolas, 2 à 5000 Namur
– tél. : 081 24 25 88
– courriel : service@fpcec.be
– site : www.fpcec.be

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