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Regard critique · Justice sociale

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"Des assises ? "L’égalité comme combat et comme débat""

12-02-2001 Alter Échos n° 91

Donat Carlier, membre du comité de La Revue Nouvelle1 – revue qui prépare un article sur les prochaines Assises de l’égalité -, propose quelques éléments d’analyse de la portée de l’initiative tant sur le fond que sur le plan tactique, ainsi que sur les réactions qu’elle suscite.

Alter Échos – Quel est l’intérêt de la démarche ?

Donat Carlier – Ces Assises me paraissent d’abord pertinentes par leur thème. La sensibilité aux inégalités reste le moteur de nos démocraties, même si se perd la conscience claire des mécanismes collectifs qui permettent de les faire régresser. Ceci dit, le constat d’accentuation des inégalités posé par la Charte est à interroger. Selon François Dubet, les registres et donc les mesures de l’inégalité se sont multipliés, les réduisant ou les augmentant selon les cas. L’actualisation de la notion de l’égalité me semble dès lors centrale, surtout pour permettre sa conjugaison avec le désir d’autonomie et avec la revendication des différences. Ce qui implique de penser la dynamique sociale capable de déboucher sur « plus d’égalité » en termes de « libertés collectives » et non pas uniquement de relégitimation de l’intervention étatique. Bref, l’égalité me semble intéressante autant parce qu’elle « continue à distinguer gauche et droite » que parce qu’elle est susceptible de faire débat parmi les « progressistes ».

AE – Comment jauger les chances d’aboutir ?

DC – Les Assises réunissent au départ plus de conditions pour aboutir que de précédents appels à l’Olivier ou au Cerisier. Parce que ceux-ci ont tous été lancés dans des contextes politiques tendus (approche des élections, contacts PSC-PRL et PS-PRL…) avec des arrières-pensées partisanes immédiates et une lutte pour le leadership de l’opération. Ici, plutôt que parler alliance directement ou contenu de programme commun, un débat a été ouvert,susceptible de construire une culture commune. Et puis les diverses susceptibilités font l’objet d’une attention de tous les instants : les équilibres sont maintenus dans les invitations, les débats, les décisions… La décentralisation constitue également un atout. Même si plus on se rapproche du local, plus certaines « haines corses »contrecarrent le décloisonnement souhaité (comme dans le Hainaut où les dernières élections sociales ne sont pas digérées). Mais ces compromis à tous les étages risquent malgré tout de rigidifier le processus, d’en éliminer les éléments les plus originaux et de le rabattre sur des accords minimaux au fur et à mesure de la confrontation aux enjeux les plus concrets… ou de le transformer en bac à sable pour socio-culs.

AE – Et les implications politiques ?

DC – La volonté de présenter la démarche comme « dépolitisée » se limite à ceci : les politiques se sont provisoirement mis dans l’ombre. Condition de réussite de la démarche, ce retrait temporaire arrange tout le monde : les acteurs sociaux et associatifs. Mais aussi les partis. Le PS ménage un peu son partenaire libéral, rendu méfiant par son éviction de plusieurs majorités communales bruxelloises, tout en étant le principal interlocuteur de ce rassemblement à gauche(essentiellement débattu entre PS et MOC). A plus long terme ces deux fers que le PS garde au feu se conjuguent dans la même stratégie : utiliser la coalition actuelle pour débloquer des débats éthiques (et satisfaire sa composante laïque) voire faire avancer le principe majoritaire, pour se présenter par la suite comme la référence du pôle de gauche, accueillant même les démocrates-chrétiens en cas de déliquescence rapide du PSC. Ce retrait politique permet aussi à François Martou, qui a placé Henri Goldman sur orbite et espère voir ses relais se multiplier, d’agir, sans trop de crispations, comme chef de l’opposition sur des thèmes égalitaires, créneau que le PSC est incapable d’exploiter à moins d’oublier son aile droite. Sa représentation uniquement démocrate-chrétienne satisfait ce parti pour la même raison, tout en le rendant désirable par le PRL. Ecolo quant à lui semble être aussi une pièce rapportée qui aura peut-être du mal à faire valoir son point de vue face aux connivences des mouvements ouvriers historiques. Mais comme il est en recherche de légitimité de gauche, surtout depuis sa participation ardue, et qu’il ne veut plus gagner des élections en perdant les négociations…

Le processus se clôture avant les législatives de 2003. Comment atterrira-t-il dans le calendrier politique ? Alliance préélectorale ou pas ? Ce sera le test de  vérité. Cette alliance serait d’autant plus nécessaire que le centre de gravité politique flamand nettement plus à droite risque de plus influencer les réalités wallonnes et bruxelloises que l’inverse, les élections régionales n’intervenant qu’en 2004. En attendant une voie aura été ouverte…

1 Bd Général Jacques 126 à 1050 Bruxelles, tél. et fax : 02 640 31 07, e-mail : joelle.kwaschin@euronet.be

Thomas Lemaigre

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