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Santé

Dany Dubois, de la maladie au bio

À la ferme du Moulin, à Grosage, Dany Dubois a misé sur l’agriculture biologique et l’autonomie alimentaire de son bétail. Une approche enfantée dans la douleur, l’agriculteur ayant contracté une forme de cancer dont on sait qu’elle est causée par l’emploi de pesticides.

à 30 ans, dany dubois contracte un lymphome, cancer dont on sait qu’il est causé par les pesticides. Dix ans plus tard, le paysan franchit le pas du bio. © Marinette Mormont/Agence Alter

À la ferme du Moulin, dans le Hainaut, Dany Dubois a misé sur l’agriculture biologique et l’autonomie alimentaire. Une approche enfantée dans la douleur, l’agriculteur ayant contracté une forme de cancer dont on sait qu’elle est causée par l’emploi de pesticides.

Grosage, commune de Chièvres, à quelques kilomètres de la ville d’Ath. Le soleil filtre encore à travers le voile de plus en plus trouble qui présage l’orage. Le troupeau de jersiaises (Jersey) broute paisiblement dans la chaleur qui pèse sur le champ. De petite taille, la robe fauve et de beaux grands yeux cerclés de noir, la rustique jersiaise est une bonne laitière, qui ne réclame qu’un entretien limité. Un atout de taille pour Dany Dubois, vétérinaire et agriculteur, qui vise l’autonomie alimentaire de sa petite exploitation «bio».

Dany Dubois, fils d’agriculteur, et son épouse Nathalie, fille de grossistes en lait, semblaient prédestinés à la vente de viande et de produits laitiers. Aujourd’hui à la tête d’une petite ferme de 80 hectares, ils produisent viande et lait, transforment ce dernier en beurre, yaourts, glaces et autres douceurs, vendent directement aux consommateurs steaks de salers, côtelettes de porc, volaille, œufs et laitages. Mais le chemin parcouru depuis la reprise de la ferme familiale est plus cabossé qu’on pourrait le croire.

« Les engrais, les pesticides, c’étaient des produits miraculeux. »

Après des études universitaires, Dany Dubois se lance à temps plein dans le métier de vétérinaire, décidé à conserver le patrimoine de la ferme familiale comme un à-côté. Tenaillé par la question de la rentabilité de l’exploitation, il pense déjà à la diversification (la transformation et la vente directe) et à l’autonomie alimentaire (les aliments consommés par le bétail sont produits à la ferme). En 1998, l’infortune s’abat sur le paysan-vétérinaire âgé de 30 ans. Il contracte un lymphome, un cancer peu connu du système lymphatique. «Quand j’ai dit à mon médecin que je travaillais dans le milieu agricole, il m’a révélé qu’on rencontrait fréquemment ce type de cancer chez les agriculteurs.» Le lymphome, ce mal qui vient justement d’être reconnu en France comme une maladie professionnelle due aux pesticides chez les agriculteurs. «Depuis mes 7-8 ans, à la ferme, on pulvérisait à tout va. Les engrais, les pesticides, c’étaient des produits miraculeux.»

De petite taille, la robe fauve et de beaux grands yeux cerclés de noir, la rustique jersiaise est une bonne laitière, qui ne réclame qu’un entretien limité. © Marinette Mormont/Agence Alter
De petite taille, la robe fauve et de beaux grands yeux cerclés de
noir, la rustique jersiaise est une bonne laitière, qui ne réclame qu’un entretien limité.
© Marinette Mormont/Agence Alter

Cinq ans pour cogiter

Le vétérinaire, ballotté de traitement en traitement pendant cinq ans, est contraint d’arrêter son activité principale. Cinq ans mis à profit pour cogiter. Démêler les fils enchevêtrés du système globalisé de l’agriculture, de ce «rouleau compresseur» qu’est l’agrobusiness. Envisager l’avenir de la ferme, sa rentabilité, sa durabilité. Et 2007, c’est la grande étape: la ferme du Moulin, devenue activité principale de son propriétaire, passe le pas du bio.

Exit les engrais chimiques et les pesticides, qui cèdent leur place au fumier et à la rotation des pâturages. «L’agriculture peut se passer de ces intrants. Il nous suffit d’avoir de l’air, du soleil, de l’eau. Mais cela dérange le business.» Exit aussi le maïs et le soja pour alimenter le bétail qui passe la majorité de l’année en prairies et se nourrit, les quelques mois d’hiver, du foin, du préfané et des céréales produites dans la ferme. «En termes de rendement, on n’est pas si loin de l’agriculture conventionnelle, conclut Dany ajoutant avec un brin de malice: avec quelques soucis en plus…» Mais pour le fermier, la principale difficulté dans le bio, ce sont les débouchés: d’où le choix de la transformation et de la vente directe au sein de la petite échoppe qui ouvre la ferme sur l’extérieur.

Le regard oscillant entre douceur et embarras, Dany Dubois s’excuse de me mettre à la porte de sa ferme hennuyère. C’est que produire, transformer et commercialiser, «c’est du boulot». Trois boulots, en fait. Qui reposent sur les épaules du couple et sans doute bientôt de leur aîné. Ce dernier s’engage cette année dans des études d’agronomie qu’il fera suivre d’une formation en boucherie. L’avenir? «On a dû forcer une transition, sans savoir ce qu’on aurait comme retour. Mais ce sera plus facile de céder une ferme comme la nôtre qu’une ferme industrielle, s’enorgueillit le paysan. C’est plus attrayant. Même si, c’est sûr, c’est un métier contraignant…»

La ferme du Moulin, à Grosage et son petit magasin de produits frais, ouvert tous les samedis. © Marinette Mormont/Agence Alter
La ferme du Moulin, à Grosage et son petit magasin de produits frais, ouvert tous les samedis.
© Marinette Mormont/Agence Alter
Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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