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Regard critique · Justice sociale

Edito

C'est dur d'inventer un modèle démocratique

À sa modeste échelle, l’Agence Alter a été fortement ébranlée par les événements de la semaine dernière en France. Ébranlée parce que c’est une rédaction qui a été visée et que notre équipe est composée majoritairement de journalistes ayant comme projet de travailler pour un média indépendant, qui ne se fait pas dicter sa ligne éditoriale par la publicité ou par les politiques qui le subventionnent. Ébranlée parce que l’attentat contre Charlie Hebdo met à mal l’une des expressions occidentales de la liberté – celle de la presse – mais aussi un certain contrat social. Attaquer Charlie Hebdo c’est attaquer une presse libre.
L’attachement montré hier, à travers le monde, à l’idéal de liberté, de solidarité, à la démocratie, pour la plupart des pays solidaires dans leur dénonciation des attentats, est l’occasion inédite de se poser la question de l’effectivité de ces valeurs dans nos mécanismes de gouvernance.
De l’indignation des derniers jours, nos sociétés, nos dirigeants, vont devoir faire quelque chose.

12-01-2015
Hommage aux dessinateurs de Charlie par Domenico Rosa

À sa modeste échelle, l’Agence Alter a été fortement ébranlée par les événements de la semaine dernière en France. Ébranlée parce que c’est une rédaction qui a été visée et que notre équipe est composée majoritairement de journalistes ayant comme projet de travailler pour un média indépendant, qui ne se fait pas dicter sa ligne éditoriale par la publicité ou par les politiques qui le subventionnent. Ébranlée parce que l’attentat contre Charlie Hebdo met à mal l’une des expressions occidentales de la liberté – celle de la presse – mais aussi un certain contrat social. Attaquer Charlie Hebdo c’est attaquer une presse libre.

L’attachement montré hier, à travers le monde, à l’idéal de liberté, de solidarité, à la démocratie, pour la plupart des pays solidaires dans leur dénonciation des attentats, est l’occasion inédite de se poser la question de l’effectivité de ces valeurs dans nos mécanismes de gouvernance.

De l’indignation des derniers jours, nos sociétés, nos dirigeants, vont devoir faire quelque chose.

Et non pas juste un coup de boost bienvenu à leur popularité. Sans tomber dans la caricature, difficile de vouloir la liberté d’expression, l’égalité, la solidarité tout en prenant des décisions politiques et économiques qui détricotent sans cesse le contrat social.

On ne pourra plus s’offusquer que des journaux soient attaqués et, dans le même temps, baisser chaque année les aides à la presse indépendante. Il ne sera plus aussi facile de s’étonner que des individus pètent des câbles, au cœur de nos villes et soient happés par des extrémismes, si le seul horizon qui leur est proposé – et notamment par 20 % des Français- c’est l’humiliation, le mépris pour leurs traditions, leur manière de vivre, et l’exclusion du marché de l’emploi.

Comme le dit très justement Mathieu Delori, pour Mediapart ce jeudi 8 janvier, «ces cérémonies nous enseignent quelles vies il convient de pleurer mais aussi et surtout quelles vies demeureront exclues de cette économie moderne et humaniste de la compassion.»1 Notre propre modèle occidental libéral génère son lot de violences, moins explosives, moins visibles (quoique… ), mais qui laissent des traces indélébiles chez des individus qui n’ont plus de repères, qui entrainent la peur des autres, et qui rendent le travail des structures de terrain, services sociaux en première ligne, insolubles.

Aujourd’hui, ce sont aussi nos modèles de société qui explosent en vol. En France, et en Belgique, nombre de dispositifs visent à faire de «l’intégration», via le mariage mixte, via l’école, via les accommodements raisonnables, via les organisations d’éducation permanente, via encore des chartes diversité dans les entreprises… Il faut les soutenir. Mais avant tout s’attacher à l’effectivité des droits fondamentaux, et s’assurer de l’égalité des chances et de la réussite. Après les concepts d’assimilation, d’intégration, de mixité, nous devons inventer ce qui nous accompagnera comme modèle démocratique dans les années à venir.

Aude Garelly

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