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Regard critique · Justice sociale

Santé

Brugmann, au chevet des patients étrangers cancéreux

Le CHU Brugmann a mis sur pied un projet d’accompagnement multiculturel pour les patients étrangers atteints d’un cancer.

06-02-2011 Alter Échos n° 309

Pour répondre aux difficultés de communication et de prise en charge des patients étrangers, l’unité d’hémato-oncologie du CHU Brugmann1 amis sur pied un projet d’accompagnement multiculturel des patients atteints d’un cancer.

L’hôpital Brugmann, comme la plupart des hôpitaux publics, est un carrefour de patients d’origines diverses et parfois très isolés du point de vuesocio-économique. Dès lors, les difficultés de communication entre patients étrangers et soignants ne sont pas rares. Elles sont dues aux barrières linguistiques etaux différences de perception de la santé et de l’hôpital. Cette question n’est pas neuve, mais elle se pose avec plus d’acuité face à certainesmaladies.

« En oncologie, le rapport à la maladie, à la dégradation physique et à la mort est éminemment culturel, explique Johanna Maccioni, psychologue etengagée à mi-temps pour le projet. C’est aussi le cas dans toutes les unités où l’on traite les maladies chroniques et où il y a un rapport à lavie et à la mort : la maternité, les soins palliatifs, les soins intensifs, les urgences… » Ces différences de perception génèrent des conflits, destensions ou des malentendus. Par ce projet, l’unité d’hémato-oncologie du docteur André Efira a eu la volonté d’améliorer la prise en charge deses patients étrangers.

Première étape, franchie en 2009 : l’évaluation des difficultés et besoins des soignants de l’unité par le biais d’un questionnaire.80 % d’entre eux ont alors noté des difficultés de prise en charge des patients étrangers dues à des problèmes de communication et de relation avec lesfamilles des patients. 42 % estimaient qu’ils n’avaient pas de moyens pour y répondre et 50 % avaient le sentiment que les patients d’origineétrangère étaient moins bien pris en charge que les autres.

Quatre axes de travail ont alors été développés : la formation des soignants, via des supervisions et l’organisation de conférences ;l’adaptation du lieu d’accueil afin d’en faire un lieu convivial (rencontres, expositions d’artistes d’origine étrangère, magazines en plusieurslangues…) ; l’amélioration de l’information des patients par le biais d’une brochure traduite en turc et en arabe (et prochainement en polonais, entre autres) ;et la mise sur pied d’une cellule pluridisciplinaire d’accompagnement pour ces patients. Composée du patient, d’un représentant de sa famille, un médecin, unpsychologue, une assistante sociale, la médiatrice interculturelle et un interprète, elle a pour but d’améliorer la communication entre les patients (et leur famille) etles soignants, mais aussi entre les soignants entre eux.

Autant de difficultés, plus de moyens pour y faire face

« La communication avec les patients ne doit pas seulement passer par leur famille, précise Johanna Maccioni. D’autant plus que parfois les parents ne traduisent pas tout. Avanton appelait aussi les femmes de ménage qui parlaient turc ou arabe par exemple, mais souvent elles se mettaient à pleurer avec le patient… La communication en oncologie a une lourdecharge émotionnelle. C’est pourquoi nous travaillons avec la médiatrice interculturelle de l’hôpital et avec des interprètes sociaux qui sont formés etsupervisés. »

Le fait de collaborer avec la médiatrice interculturelle n’était pas une nouveauté. Mais c’est bien la manière de collaborer qui a changé. Force estde constater que la médiatrice est beaucoup plus mobilisée qu’auparavant et que dans d’autres unités. « Notre médiatrice interculturelle a un trèschouette profil, s’enthousiasme Johanna Maccioni. Elle est anthropologue, elle n’a pas un rôle d’interprète, mais véritablement de point de contact,d’information, de personne-relais. »

Une évaluation du projet un an après son lancement a permis de noter des évolutions positives auprès des soignants. Si la même proportion du personnel estimetoujours rencontrer des difficultés dans la prise en charge des patients étrangers, 100 % d’entre eux disent avoir les moyens pour y faire face et seuls 23 % continuentde penser que les patients allochtones sont moins bien soignés que les autres. Cette évaluation n’a néanmoins pas intégré le point de vue des patients.

Ce sera sans doute l’une des prochaines étapes du projet, nous confirme Johanna Maccioni. Autres perspectives envisagées : la dissémination de ces pratiques versd’autres unités de l’hôpital, la réalisation d’un guide sur la prise en charge des personnes allochtones atteintes de cancer et un travail en amontd’éducation à la santé dans les communautés concernées.

Né en 2009, ce projet est financé pendant trois ans dans le cadre du plan national du cancer. Il a aussi reçu le prix Geert Noël (Fondation Roi Baudouin) endécembre dernier.

1. Unité d’hémato-oncologie, CHU Brugmann :
– adresse : place van Gehuchten 4 à 1020 Bruxelles
– tél. : 02 477 21 11
– site : www.chu-brugmann.be/fr/med/hematonco/

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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