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Belgique en sous-sol : immigration, traite et crime organisé

Le dernier livre coécrit par le journaliste d’investigation Frédéric Loore et l’ex-inspecteur social Jean-Yves Tistaert dresse un état des lieux assezalarmant de la présence du crime organisé dans la capitale de l’Europe. Cette longue enquête, qui fait le lien entre immigration, traite et crime organisé, montre queles étrangers sont généralement les premières victimes de ces réseaux mafieux (immigration illégale, traite et trafic d’êtres humains, fraudesociale et fiscale, esclavagisme, corruption de fonctionnaires, faux documents).

06-11-2007 Alter Échos n° 239

Le dernier livre coécrit par le journaliste d’investigation Frédéric Loore et l’ex-inspecteur social Jean-Yves Tistaert dresse un état des lieux assezalarmant de la présence du crime organisé dans la capitale de l’Europe. Cette longue enquête, qui fait le lien entre immigration, traite et crime organisé, montre queles étrangers sont généralement les premières victimes de ces réseaux mafieux (immigration illégale, traite et trafic d’êtres humains, fraudesociale et fiscale, esclavagisme, corruption de fonctionnaires, faux documents).

Traitant du crime organisé plus que de la problématique de l’immigration, les deux auteurs soulignent quelques exemples de vides juridiques à combler d’urgence,comme : l’absence de législation permettant de poursuivre solidairement l’exploiteur et le donneur d’ordre dans le cadre de la sous-traitance en cascade ; l’absence de coordinationinterrégionale en matière de délivrance d’un permis de travail ; la pénurie des magistrats rendant de facto caducs les tribunaux à trois juges ; ou encorel’absence de suivi en matière de récupération des amendes pénales. Des améliorations dans ces domaines permettraient de réduire le chiffre d’affairesparallèle de la « Belgique en sous-sol », évalué à un total variant entre deux et quatre milliards d’euros.

De la confection à la criminalité en col blanc

La première partie s’attarde surtout sur les techniques sophistiquées de fraude sociale. Ainsi, on apprend par exemple celles que connaît le quartier du Triangle àAnderlecht, un des centres névralgiques de la confection. « À l’origine, une série de grandes marques et autres confectionneurs réputés y étaientimplantés et représentés au travers de la communauté juive. Au fil du temps, celle-ci a abandonné son leadership au bénéfice de sa concurrenteindo-pakistanaise, qui n’a cessé d’y prospérer, jusqu’à tenir le haut du pavé. Actifs dans l’import-export de vêtements, ainsi que dans lescommerces de textile et de cuir (gros et détail), les Indo-Pakistanais ont développé un vaste réseau commercial qui déborde les frontières du Royaume. EnBelgique, partant du Triangle et de la galerie Agora, voisine de la Grand-Place de Bruxelles, il s’étend jusqu’à la côte où de nombreux magasins bordent lelittoral, atteignent le Royaume-Uni (Londres, Leicester, Manchester), la France (le quartier parisien du Sentier, haut lieu de la confection) et l’Allemagne. Mais, en Belgique, depuis 2005,leur position dominante paraît menacée par l’arrivée de Chinois, venus tout droit du Sentier », de Paris donc. Les auteurs citent le chiffre de 450 ateliers deconfection, « présents en majorité sur le territoire anderlechtois, mais également dans les communes de Molenbeek, Bruxelles-Ville, Laeken, Saint-Gilles, Jette et enfin lazone Schaerbeek-Saint-Josse, avec sa fameuse rue du Brabant, point de chute bien connu du commerce parallèle ».

Analysant toutes les formes de l’illégalité, de la prolifération des fraudes dans les night et phone shops (quelque mille établissements en régionbruxelloise) aux pratiques esclavagistes des snakeheads chinois, l’ouvrage se penche également sur le business du « tri de vêtements de seconde main », quiconsiste à acheter à bon compte « les vêtements collectés par des associations caritatives pour les exporter ensuite vers les pays du tiers-monde à un prix devente supérieur au prix d’achat de 500 à … 2 000 %. En Belgique, cette activité est aux mains de ressortissants syriens (ou Belges d’origine syrienne), dont laparticularité est de n’exploiter pratiquement que du personnel en situation illégale, de sexe masculin, issu du monde islamique. »

Frédéric Loore et Jean-Yves Tistaert expliquent ensuite ce qu’est la « filière brésilienne » à Saint-Gilles et à Forest, deux « communesd’implantation historique de la communauté portugaise ». Des faussaires procurent aux Brésiliens de faux documents portugais puis, d’une sous-traitance àl’autre, ces nouveaux travailleurs esclaves « échouent ensuite sur de grands chantiers de travaux publics comme la tour Madou et du Midi, au siège de l’ONSS etmême au palais de Justice d’Anvers ».

Dans la deuxième partie de l’ouvrage, c’est la criminalité en col blanc qui est examinée avec un résumé de trois grands scandales récents(trafic de visas à l’ambassade belge de Sofia ; affaire Van Kaap, où s’est révélé le business d’un ex-cabinettard dans la délivrance des cartesdiplomatiques; et collaboration d’un ex-élu du Front national avec les réseaux mafieux russes).
Enfin, le livre s’attarde très brièvement, sans vraiment échapper aux clichés, sur « les hommes de l’ombre », ces agents secrets qui entretiennentdes affaires louches pour le compte de services secrets étrangers.

Après avoir dressé cet état des lieux de la fraude en Belgique, Frédéric Loore et Jean-Yves Tistaert concluent en lançant un appel à « enfinir avec le syndrome de l’autruche », car « la grande criminalité représente une menace supérieure pour l’équilibre organique de lasociété. En l’occurrence, elle constitue un facteur de déliquescence pouvant conduire à terme à un déclin social. »

1. Frédéric Loore et Jean-Yves Tistaert, Belgique en sous-sol – Immigration, traite et crime organisé, Éditions Racine, 2007.

Mehmet Koksal

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