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Regard critique · Justice sociale

Candidats de tous les pays, rassemblez-vous sur une liste transnationale et autour d’un programme commun. C’est l’appel de Diem 25 pour révolutionner l’Europe ou au moins pour la réinventer. Un appel qui a aussi trouvé un écho dans notre pays. Le pari n’est pas encore gagné.

Update 6 avril 2019 : la liste European Spring a échoué en Belgique, n’ayant pas réussi à récolter le nombre de signatures requis pour pouvoir se présenter aux élections européennes.

C’est le petit dernier des partis de gauche: Be European Spring est né en février et, comme son nom le laisse entendre, il veut se présenter aux élections européennes. Ses parents, Diem 25, font partie de la mouvance d’initiatives citoyennes, et sa fratrie, c’est Printemps européen/European Spring, une liste électorale transnationale présente dans d’autres pays européens. Pour la Belgique francophone, c’est le philosophe Laurent de Sutter qui sera tête de liste. En deuxième place, une Française, Marine Betrancourt, puis Davide Castro, Portugais et responsable «com» de Diem 25 Belgique. Diem, pour Democracy in Europe Movement, et 25, parce que l’objectif est d’obtenir d’ici à 2025 une constitution européenne progressiste, qui mettra fin aux traités existants. «Mais la première étape, précise Davide Castro, c’est d’élaborer un programme européen transnational pour changer l’Europe et surtout la vie quotidienne des Européens.» Diem 25 se présente comme un rassemblement de démocrates convaincus que l’Europe est en train de se désintégrer sous la montée de la xénophobie et d’un «nationalisme toxique» et qu’il lui faut d’urgence un «new deal».

Diem, pour Democracy in Europe Movement, et 25, parce que l’objectif est d’obtenir d’ici à 2025 une constitution européenne progressiste, qui mettra fin aux traités existants.

Problème: le principe d’une liste transnationale aux élections européennes n’a pas été accepté par le Parlement européen. L’idée, défendue notamment par le président Emmanuel Macron, était de leur réserver les sièges laissés libres par les Britanniques, mais les partis conservateurs ont torpillé le projet. Diem 25 va donc «simuler» ce scrutin transnational en présentant malgré tout le même programme partout en Europe. Et les candidats de Be European Spring se présenteront à condition d’obtenir les dix mille signatures exigées par la loi. Le principe d’une liste transnationale, c’est de mélanger les candidats. Des Belges se présentent en Norvège, des Polonais en Belgique, des Grecs en Allemagne. Avec une figure connue pour illustrer ces échanges, celle de Yanis Varoufakis, l’ancien ministre grec des Finances d’Alexis Tsipras, qui sera tête de liste en Allemagne.

Les partis belges restent en famille

Au départ, Diem 25 se présentait plutôt comme un mouvement destiné à soutenir des partis politiques dont les idées progressistes, écologistes, féministes rejoignaient les leurs. Progressivement, il est devenu plus audacieux en lançant un appel aux partis de gauche nationaux pour qu’ils se fédèrent en un parti «pan-européen». Benoît Hamon, l’ancien candidat PS à la présidentielle française, et son mouvement Génération.s ont rejoint Varoufakis, tout comme le parti écologiste danois «The Alternative». En Belgique, Diem 25 a tenté de convaincre Écolo, Groen, le PTB, PS et SP.A de rejoindre Be European Spring pour défendre un programme progressiste transnational. En vain, évidemment. «Tous les partis ont préféré continuer à travailler au niveau national et au sein de leurs ‘familles’ européennes, regrette Davide Castro. Le PTB pour sa part a eu peur de se ‘dissoudre’ dans ce programme européen.» Les contacts se poursuivent par contre avec le mouvement associatif belge car Diem 25, c’est aussi et avant tout un conglomérat de collectifs nationaux et, au sein de ces collectifs, des centaines de «groupements spontanés» qui peuvent être constitués déjà par cinq personnes. Ce sont ces groupes de base qui constituent l’ossature de Diem 25 avec plus ou moins de succès selon les pays. Davide Castro dit rencontrer énormément d’intérêt, «à Liège, à Anvers, à Bruxelles», chez des associations (comme la Plate-forme citoyenne d’hébergement, le Comité des sans-papiers) séduites par les idées progressistes de Diem 25 et de Be European Spring, mais aussi une certaine prudence à l’idée de se rallier ouvertement à ce parti. «Les associations font vraiment du bon travail ici en Belgique, mais beaucoup ne veulent pas être liées à un parti et à un mouvement comme le nôtre même si elles partagent notre vision.»

«Tous les partis ont préféré continuer à travailler au niveau national et au sein de leurs ‘familles’ européennes, regrette Davide Castro. Le PTB pour sa part a eu peur de se ‘dissoudre’ dans ce programme européen.» Davide Castro, Diem 25.

La vision qu’a Diem 25 de l’Europe et de son fonctionnement est en tout cas très critique. Comme bien d’autres partis de gauche, le mouvement dénonce ses lobbies, sa soumission aux conglomérats financiers et industriels, son absence de solidarité à l’égard des migrants, son incapacité à définir une politique climatique… Face à cette Europe «inefficace et non démocratique», les Européens sont déchirés entre deux «non-choix», explique Davide Castro: le nationalisme avec le repli dans le «cocon national» ou la résignation à un modèle qui ne fonctionne plus. «On nous dit qu’il n’y a pas d’autre possibilité que la démocratie représentative néo-libérale. Mais, depuis 30 ans, socialistes et partis de centre droit font la même politique économique qui vise à plaire aux marchés, mais qui font le malheur des peuples européens.»

Chez Diem 25, on fait beaucoup référence à la notion de «peuple». Il faut rendre «le pouvoir aux peuples d’Europe», lit-on dans leur manifeste. «Il faut un discours qui capte l’imagination des peuples européens», explique Davide Castro. Cette représentation directe des citoyens est présentée comme la clé indispensable pour déverrouiller une Europe «non démocratique» mais à laquelle ils croient malgré tout. Et c’est cette conviction qui sépare Diem 25 d’autres mouvements, d’autres partis européens qui, eux, veulent, au nom des valeurs de gauche, quitter l’Europe parce qu’elle serait «inamendable». C’est la certitude notamment d’Eric Toussaint, fondateur du CADTM (Comité pour l’abolition des dettes du tiers-monde), qui dit avoir été contacté par Diem 25, mais qui ne croit pas au plan «B» pour l’Europe imaginé par Varoufakis, Hamon et les autres figures de proue du mouvement. Il n’est pas le seul. La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon et le parti espagnol Podemos ont finalement refusé de rejoindre le parti transnational. «C’est la gauche ‘no way’, explique le porte-parole belge de Diem 25. Pour eux, il faut quitter l’Europe. Et après, on fait quoi?» Le jeune Portugais, qui se définit lui et sa famille comme des «migrants économiques» au sein de l’Europe, refuse de se résigner. «Nous faisons la même analyse qu’eux sur l’Europe et sur son fonctionnement, mais les solutions sont différentes. Nous avons l’espoir de changer les choses grâce à une constitution européenne.» Et, comme le souligne le manifeste de Diem 25, il n’est pas plus «utopique de vouloir démocratiser l’Europe qu’il ne l’était au tout début de la construire».

Martine Vandemeulebroucke

Martine Vandemeulebroucke

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