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"Assemblée générale des CPAS bruxellois : tout serait-il question d'emploi ? Débat…"

28-01-2002 Alter Échos n° 112

Le 24 janvier, la section CPAS de l’Association de la Ville et de communes de la Région de Bruxelles-Capitale1 organisait à l’occasion de son assembléegénérale et de la présentation de son rapport d’activités 2001, un débat autour de la réforme de la loi du minimex. Autour de la table : AlexandreLesiw conseiller au cabinet du ministre Vande Lanotte, Laurence Bovy, chef de cabinet adjointe de la ministre Onkelinx, Rita Stroobants, représentant l’association des travailleurssociaux de CPAS bruxellois, Michel Colson, président de la section CPAS bruxelloise, Emmanuelle Devillé du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre leracisme, et Mateo Alaluf, sociologue de l’ULB.
Justifications
Il revenait au représentant du cabinet Vande Lanotte d’inaugurer le débat. Alexandre Lesiw a d’emblée pointé les différents pointsconsidérés positifs du projet de loi : création de services d’insertion, plus grande responsabilisation des CPAS partagée avec les demandeurs, droits mieuxrespectés quant à l’emploi (notion d’emploi adapté + garanties normales du contrat de travail), droit des demandeurs renforcé, droit àl’intégration sociale consacré pour des études de plein exercice, possibilité pour les étrangers inscrits au registre de la population de recevoir le minimex(les CPAS urbains seront aussi mieux remboursés), revalorisation de 4% du montant du minimex, suppression des catégories mariés/cohabitants de la loi, financement du personnelCPAS pour des missions d’insertion socioprofessionnelle.
Laurence Bovy a quant à elle expliqué les raisons de la cosignature du projet de loi par Laurette Onkelinx, venue en cours de route prêter main-forte à son collèguede l’Intégration sociale : « Mme Onkelinx a été impliquée dans le programme d’urgence pour une société plus solidaire en 1993, elle connaissaitdonc le dossier. Elle est par ailleurs également ministre de l’Égalité des chances, Or, le projet constitue, dans les faits plus d’égalité pour lesétudiants, le statut des demandeurs et entre communes. Enfin, elle s’est inscrite en tant que ministre de l’Emploi aux côtés de M. Vande Lanotte comme garante du droitdu travail, sa signature assurant ainsi que rien dans ce projet de loi ne proroge au droit du travail, que ce soit par rapport au respect du salaire minimum garanti, au contrat de travail, etc. »
Du côté de la section CPAS de l’association des villes et communes, consultée pour le projet, on se dit globalement satisfait même si par-ci, par-là subsistentencore quelques critiques : mesure insuffisante au niveau des étudiants, le financement devrait être plus élevé (à 90% de remboursement comme le propose Yvan Mayeurdans un projet de loi déposé au Parlement) ; le projet ne va pas assez loin dans l’individualisation des droits ; inscrire le droit au travail n’est pas suffisant non plus ;quel sera l’affectation des montants octroyés par le fédéral : « Ne pourra-t-on l’affecter qu’à du personnel ou aussi à des locaux, interrogeMichel Colson. À quel type de personnel l’affecter, uniquement ceux qui travaillent dans la cellule insertion socio-professionnelle ou aussi à l’administratif ? » et leprésident de la section CPAS de terminer en attirant l’attention sur le pouvoir très important laissé à l’exécutif pour la rédaction desarrêtés d’exécution : « nous y serons particulièrement vigilants! »
Contestation
Rita Stroobants, membre d’un groupe d’AS bruxellois de CPAS tient quant à elle un tout autre discours : « Nous aurions aimé être un peu plus associés auxdiscussions et ce dés le départ. Nous sommes contre la proposition de loi du ministre Vande Lanotte telle qu’adoptée le 21 décembre par le Conseil des ministres,celle-ci nie le droit au revenu. Nous avions demandé une augmentation de 10% , nous n’avons obtenu que 4%. Que va-t-il se passer si un minimexé refuse de travailler, va-t-iltoujours avoir droit au minimex ? Comment va-t-on créer du travail puisqu’il en manque ? C’est à la société à assumer cet état de fait enoctroyant un revenu minimum, pas aux demandeurs. Toute la place est faite à l’emploi mais rien sur le logement, la nourriture qui sont pourtant prioritaires avant l’obtentiond’un emploi. Il n’y a de plus pas eu d’évaluation décente de la loi de 74, on ne sait donc pas tirer de leçon du passé; sur quelle base peut-on alorsdéposer un nouveau projet de loi ? Dans l’exposé des motifs du projet, le ministre parle de passivité, il accrédite ainsi l’idée que lesminimexés sont paresseux, c’est inacceptable ! L’urgence actuellement dans les CPAS, ce n’est pas de faire de l’insertion professionnelle mais biend’alléger la tâche des AS surchargés, de pratiquer la formation continue de façon à ce que chaque minimexé puisse être traité de lamême manière, quel que soit le CPAS. »
Restant dans le même registre, Emmanuelle Devillé représentant le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme a complété lavolée de bois verts de Rita Stroobants en résumant pour l’assemblée présente le contenu de la note remise au gouvernement fin octobre 2001 par le Service de luttecontre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale du CECLR. Une note2 qui rend compte de la concertation qui s’est déroulée entre mi-septembre etfin octobre avec différentes associations partenaires du Rapport général sur la pauvreté. « Bien que nous n’ayons disposé que de trop peu de temps pour latâche qui nous a été confiée, nous avons toutefois pu relever un certain nombre de critiques : pas d’évaluation complète des lois de 74, 76 et 93 ni durôle de « placement » du CPAS et des nombreux programmes d’insertion et autres mesures d’activation : ALE, intérim d’insertion etc. ; aucune définition de ce quiest entendu par « intégration sociale », cette tâche incombe-t-elle au seul CPAS ? ; le renforcement de la conditionnalité à travers le lien entre revenu minimum etintégration sociale ; de nombreux aspects de la loi sont flous et donc laissent la porte ouverte à toutes les interprétations : qu’arrivera-t-il si le jeune ne signe pas lecontrat d’intégration, qu’est-ce que la notion d’emploi adapté ? La mise à l’emploi entraîne-t-elle de fait une intégration sociale commesemble le suggérer le projet ? A-t-on évalué dans quelle mesure les bénéficiaires font réellement valoir leurs droits et quels obstacles ils rencontrent cefaisant ? »
Mateo Alaluf, également farouche opposant du projet de loi, n’a pas voulu détailler les différents points du projet, mais plutôt relever une philosophiegénérale : « Les ministres ont beau dire que leur loi est bonne, il fau
t aussi qu’ils tiennent compte des résistances et soient un peu à l’écoute. Quedisent les bénéficiaires du minimex ? Nous, notre priorité, ce n’est pas toujours l’emploi. Poser le problème sous forme d’injonction àl’emploi, ce n’est pas poser le problème de manière adéquate. Mettez-vous un peu à leur place, s’ils disposaient de moyens financiers, on ne leur diraitpas comment orienter leur vie. Mais parce qu’ils sont minimexés, ils sont obligés de répondre aux injonctions, sinon ils perdent tout droit à un revenu.L’idée sous-jacente à tout ce projet de loi est que ceux qui travaillent = ceux qui sont intégrés. On peut faire le parallèle avec les immigrés : vousn’êtes pas égaux tant que vous n’êtes pas intégrés. Non seulement ils sont minimexés, mais ils apprennent par-dessus le marché qu’ilsne sont pas intégrés ! Cette loi ne peut être ressentie que comme une atteinte à leur intégrité et puis l’intégration doit-elle absolument passerpar le travail ou à tout ce qui y mène ? Attention, je ne dis pas que l’emploi ne peut pas être un facteur d’intégration, au contraire, je pense que c’enest un des facteurs fondamentaux, mais quand l’emploi devient injonction, il peut se retourner et devenir facteur d’exclusion sociale. On se retrouve alors comme dans les paysanglo-saxons, dans ce qu’on appelle le Workfare : la société vous accorde des droits, mais en contrepartie vous devez travailler. Chez nous, la contrepartie, c’est ladisponibilité obligatoire du minimexé sur le marché du travail, et celle-ci est valable durant tout le temps où la personne perçoit une allocation. Dans cesconditions, comment voulez-vous que les minimexés perçoivent positivement ce projet, il est stigmatisant ! »
Mettons les choses au point
Face à ce déchaînement de critiques tous azimuts, Alexandre Lesiw a tenu à remettre quelques pendules à l’heure : « Le droit à l’emploi concerne ungroupe bien délimité de minimexés : les 18-25 ans dont un tiers sont des étudiants de plein exercice. Le droit à l’emploi, c’est aussi un processus, pasnécessairement un emploi directement. Quant à l’obligation de l’emploi dans les trois mois, cela peut aussi passer par la qualification, une grande liberté seralaissée lors de la rédaction des arrêtés royaux pour lesquels seront d’ailleurs consultés la fédération des CPAS et les usagers. Quant àl’assimilation des CPAS à des « Orbem » au rabais, c’est tout simplement insultant pour les CPAS. Pourquoi ceux-ci ne pourraient-ils pas faire le même boulot que l’Orbem? Le CPAS a son rôle à jouer dans l’insertion professionnelle des bénéficiaires, et fait non négligeable : il prend en plus la dimension sociale del’accompagnement, ce que ne fait pas l’Orbem. Vous voyez vous un SDF se présenter à l’Orbem pour chercher un boulot ? En ce qui concerne la logique de la contrepartieà l’octroi du revenu minimum, elle est fausse. Il est vrai que certaines personnes dans la majorité auraient voulu que du travail bénévole soit presté encontrepartie de l’allocation reçue mais cela a été heureusement rejeté. Les personnes sont ici considérées comme des travailleurs à partentière. » Et Alaluf, rentrant une dernière fois en scène : « Je ne dis pas que l’emploi = la contrepartie mais la notion de contrepartie est bien présente dans leprojet à travers la contractualisation. Cette loi est une loi d’intégration pas une loi sur le revenu. Le projet permet, c’est vrai, d’ouvrir des portes en laissantcertains flous, le problème c’est que l’esprit même de ce projet rend l’air qui s’engouffre irrespirable. »
1 Association de la Ville et des communes de la Région de Bruxelles-Capitale asbl, section CPAS, rue d’Arlon, 53, bte 4 à 1040 Bruxelles, tél. : 02 233 20 04, fax : 02 28060 90, courriel : avch-vsgb@misc.irisnet.be
2 Cette note peut être consultée sur internet à l’adresse suivante : http://www.antiracisme.be/fr/cadre_fr.htm

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