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Migrations

Afghans en Europe : faut-il suspendre les expulsions ?

En Europe, une même question : peut-on vraiment renvoyer vers l’Afghanistan ?

©kransyi

Les Afghans protestent en Belgique, mais aussi en Suède, en Norvège et en Grèce. Au-delà du statut de réfugié, le véritable enjeu réside autour du retour. Peut-on vraiment renvoyer vers l’Afghanistan ?

En Belgique, des Afghans poursuivent leur marche. Ils réclament un moratoire sur les expulsions vers l’Afghanistan. En Suède et en Norvège, des actions du même type voient le jour. Là-bas aussi, ils demandent qu’on ne les expulse pas et dénoncent la situation extrêmement volatile dans leur pays d’origine. En Grèce, d’autres Afghans luttent pour leur survie, là où le simple fait d’être un demandeur d’asile peut conduire en détention pour 18 mois.

Comme toujours lorsqu’on parle d’asile en Europe, la situation est extrêmement disparate. En 2012, en Belgique, un demandeur d’asile afghan avait 59 % de chances d’être reconnu comme réfugié contre 6 % en Grèce et 60 % en Suède pour une moyenne européenne de 46,79 %.

Ces chiffres font dire à Vanessa Saenen, porte-parole du HCR, qu’en Belgique « la situation n’est pas si mauvaise, le taux de reconnaissance est plus élevé que la moyenne européenne. » « Attention à ne pas comparer des pommes et des poires, rétorque Jessica Blommaert, du Ciré. On ne peut pas aller beaucoup plus loin avec ce genre de chiffres. Car cela ne dit rien sur la qualité des procédures ou sur le nombre relatif de demandeurs d’asile afghans. » On sent bien qu’au Ciré, l’argument européen est manipulé avec méfiance. Il pourrait servir ceux qui ne veulent pas faire plus d’efforts pour les Afghans…

La situation dans le pays reste dangereuse

En Belgique, la qualité de la procédure est critiquée. L’application des nouvelles guidelines du HCR, publiées en août 2013, est dans le viseur. Ces guidelines dressent une liste assez large de « profils à risque » en cas de retour au pays. Le Commissariat général aux réfugiés et apatrides (CGRA) aurait promis de prendre en compte ces guidelines pour une politique plus généreuse. Mais au Ciré, on a plutôt l’impression que « depuis août, les taux de reconnaissance baissent ».

Autre problème, que note cette fois-ci le Comité belge d’aide aux réfugiés, la fameuse « alternative de fuite interne » (lorsqu’il est possible de trouver protection dans son propre pays, le CGRA peut rejeter une demande d’asile). « Dès qu’une personne a un peu de réseau personnel à Kaboul, alors le CGRA considère que Kaboul est une ville sûre. » Les personnes se retrouvent dans une situation précaire.

Bref, pour les associations, le taux de reconnaissance des Afghans au statut de réfugié devrait être sensiblement plus élevé. Quant à ceux qui n’obtiendraient pas le sésame, ils devraient avoir un statut de séjour temporaire, le temps que la situation en Afghanistan s’éclaircisse. Car le risque est grand, avec le départ prévu des troupes de l’OTAN, que la situation sécuritaire sur place se dégrade.

Pour les autorités belges, la situation dans certaines contrées afghanes, et notamment à Kaboul, permet d’expulser. C’est d’ailleurs la même position dans tous les pays européens. Les associations pensent l’inverse.

Le HCR, lui, est plus ambivalent. « L’Afghanistan n’est pas un pays sûr, nous déclare Vanessa Saenen, mais ça ne veut pas dire que personne ne peut y retourner. » Dans le même temps, la porte-parole du HCR rappelle que la situation dans le pays « reste dangereuse, même à Kaboul », c’est pourquoi « nous pensons qu’il ne faut pas expulser de force. » En 2013,’43 personnes ont été expulsées vers l’Afghanistan. Quant au retour volontaire de déboutés de l’asile, il n’offre pas la garantie d’une vie tranquille. L’an passé, volontairement de retour en Afghanistan, un jeune homme avait été tué après avoir été débouté de l’asile en Belgique.

Cédric Vallet

Cédric Vallet

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