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Regard critique · Justice sociale

Vu de Flandre

Un risque de précarité élevé pour les jeunes

Selon l’ancien ministre Frank Vandenbroucke, pour la première fois dans l’Histoire, le risque de précarité va menacer davantage les jeunes que les seniors.

16-11-2012 Alter Échos n° 349

Selon l’ancien ministre Frank Vandenbroucke, pour la première fois dans l’Histoire, le risque de précarité va menacer davantage les jeunes que les seniors. Et cette évolution est plus marquée en Belgique que chez nos voisins.

Frank Vandenbroucke a été ministre (SP.a) fédéral (des Affaires sociales et des Pensions, entre autres) et flamand (de l’Enseignement et de l’Emploi) pendant près de vingt ans, mais se consacre désormais uniquement à sa carrière académique : Louvain, Anvers et Amsterdam. Pour le compte du Centrum Sociaal Beleid de l’Université d’Anvers (UA). Il vient de faire l’état des lieux de « l’Etat social actif » dans une publication intitulée « The Active Welfare State Revisited ». Il y fait notamment le constat suivant : le risque de pauvreté (pourcentage de ménages disposant de moins de 60 % du revenu médian national) des plus de 65 ans a baissé de 23,2 à 20,2 % entre 2005 et 2010 tandis que celui des moins de 18 ans passait de 15,3 à 18,7 % au cours de la même période. L’ancien ministre voit plusieurs causes à cette évolution, qui est générale mais particulièrement marquée dans notre pays.

Tout d’abord la génération qui arrive maintenant à l’âge de la retraite est très différente des précédentes. C’est la génération des baby-boomers de l’après-guerre, la première qui a vu les femmes investir le marché du travail en masse. Ces femmes qui ont fait toute une carrière se retrouvent donc avec une pension à laquelle leurs aînées n’avaient pas droit. Du côté des jeunes par contre, les nouvelles structures familiales ne jouent pas en leur faveur : il y a de plus en plus de mères célibataires et de familles monoparentales. « Les moyennes sont toujours dangereuses mais on ne peut pas nier cette évolution : il y a un glissement dans les risques et si notre société n’en tient pas compte, cela pourrait faire le lit d’un futur conflit des générations », avertit l’auteur de l’étude.

Familles sans emploi

Mais le premier facteur de risque pour les jeunes, c’est de faire partie d’une famille où personne n’a d’emploi. Or, constate Frank Vandenbroucke, si notre taux de chômage se situe dans la moyenne européenne, notre marché de l’emploi est plus fortement polarisé que celui des autres Etats membres de l’Union : autrement dit, il y a à la fois plus de ménages où personne ne travaille et plus de ménages où tout le monde a un emploi. Comment cela se fait-il ? Difficile à savoir, d’autant qu’en termes d’indemnités de remplacement, la Belgique dépense plutôt davantage que les autres pays européens. Mais « des familles qui dépendent entièrement d’allocations, des enfants qui n’ont jamais vu leurs parents prendre part au marché du travail et donc ne sont eux-mêmes jamais incités par rien à le faire, cela semble bien la recette parfaite pour fabriquer de la pauvreté », estime-t-il. Les ménages sans travail forment pour l’ancien ministre la catégorie sociale par excellence sur laquelle tous les efforts de la politique sociale devraient se concentrer. Pour lui, l’exemple pourrait venir du Royaume-Uni, qui a connu la même situation et « où Gordon Brown et Tony Blair ont beaucoup investi dans l’activation des mères célibataires et ont obtenu des résultats ».

Selon lui, tous les leviers de commande de ce type de politique se trouvent désormais au niveau des Régions et des Communautés : activation des chômeurs, enseignement, formation, accueil à l’enfance pour permettre aux jeunes mères de retrouver un emploi, etc. Ce qui fait dire à ce Flamand convaincu que ce n’est vraiment pas la priorité du moment de procéder à une nouvelle réforme de l’Etat : « Décider d’une réforme de l’Etat alors que la précédente n’a pas encore été complètement mise en œuvre, c’est de la mauvaise politique ».

Les chiffres de son étude sont du reste encore bien plus alarmants pour la partie francophone du pays (les chiffres des trois régions ont été examinés comme s’il s’agissait d’entités indépendantes, à côté des chiffres pour la Belgique) : si la Flandre se situe en bonne place dans le peloton européen, les indicateurs de pauvreté placent la Wallonie en bas du classement au niveau des pays d’Europe de l’Est, même lorsque les revenus de référence utilisés sont ceux de la Région.

D’après De Morgen et De Standaard

Pierre Gilissen

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