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"Sans fleurs ni couronnes" : peu d'initiatives en Belgique pour enterrer dignement les SDF

Le 17 octobre 2004, Journée de lutte contre la pauvreté, une marche est organisée à Bruxelles pour le droit au logement. Quelques SDF de Liège, Charleroi,Bruxelles et La Louvière tirent un cercueil lié sur un Caddie avec ce slogan : « Enfin un domicile fixe ». Sur le cercueil, la liste de 54 personnes « de la rue» décédées durant ces dernières années.

15-12-2004 Alter Échos n° 176

Le 17 octobre 2004, Journée de lutte contre la pauvreté, une marche est organisée à Bruxelles pour le droit au logement. Quelques SDF de Liège, Charleroi,Bruxelles et La Louvière tirent un cercueil lié sur un Caddie avec ce slogan : « Enfin un domicile fixe ». Sur le cercueil, la liste de 54 personnes « de la rue» décédées durant ces dernières années.

Si à la veille de chaque hiver les médias ne manquent pas de rappeler les conditions de vie des SDF, ceux-ci ne meurent pas seulement lorsqu’il fait froid. Les travailleurssociaux des rues le répètent souvent, il n’y pas de saison privilégiée pour mourir quand on est sans-abri. La plupart ont entre dix-neuf ans et septante-cinq ans,mais la durée moyenne de vie d’un SDF ne dépasse pas les quarante-cinq ans. Elles et ils meurent de pneumonie, d’assassinat, du sida, d’alcoolisme, de noyade, desuicide, de froid, de canicule ou tout simplement d’épuisement. Personne n’en parle. Il n’y a ni fleurs ni couronnes à leur enterrement. La rue fait la viebrève et des morts sans souvenirs.

En Belgique, si ce n’est quelques petites initiatives éparses (cf. plus bas), rien n’est mis en place pour enterrer dignement les sans-abri. Au Canada, à Montréalet en France, on commence par contre depuis peu à s’organiser. L’association « Aux Captifs, La Libération » à Paris a ainsi été lapremière à prendre la question en considération et à organiser des cérémonies et des enterrements pour les sans-abri qu’elle suit durant de longuesannées.

L’expérience française

Au départ, en 2000, un simple faire-part avait été diffusé et une messe organisée par l’association. Puis une vingtaine d’associations se sontregroupées pour constituer le collectif « Les morts de la rue »1. Parmi elles, ATD Quart-Monde et les Restaurants du cœur pour ne citer que les plus connues. Ladémarche empirique des débuts se systématise.

Lorsqu’un décès est signalé, le collectif recherche d’abord la famille. Dans un tiers des cas, il la retrouve et presque toujours elle prend en charge lesobsèques, comme une sorte de réparation. Dans les autres cas, le collectif recherche leurs amis, des gens qui les ont connus qui puissent raconter qui ils étaient.

Les morts sont ensuite enterrés « par voie administrative » au cimetière de Thiais, dans la banlieue sud-est de Paris, dans des caveaux, avec leur nom. Des convois desept cercueils pour un enterrement gratuit dans l’un des 1.800 caveaux installés dans le béton. Des caveaux qui seront ensuite vidés, tous les cinq ans, les corpsincinérés et les cendres dispersées au cimetière du Père-Lachaise.

Il faut savoir que la demande d’un convoi funéraire traditionnel gratuit, que tout un chacun peut déposer auprès du service funéraire de la ville de Paris,implique des démarches administratives, que des sans-abri peuvent difficilement remplir sans le concours d’une association. Depuis peu également, une cérémonieœcuménique a été mise sur pied. Avant la lecture des textes sacrés par chacune des confessions, deux sans-abri lisent la longue liste de ceux qui sont morts. Unfaire-part mortuaire reprenant la liste des morts de l’année est également envoyé à tous les élus parlementaires.

En Belgique, des velléités pointent

En Belgique, à la connaissance du Front commun des SDF2, seules deux initiatives existent. La première est une petite association appelée « Bonjour »à Charleroi qui fonctionne depuis trois ans et est composée de sans-abri et d’ex-sans-abri. Son objectif ? Rendre visite aux copains hospitalisés, acheter des douceurs, descigarettes, prendre en charge le chien le temps de l’hospitalisation et on s’organise tant bien que mal pour l’enterrement, mais les moyens de l’association sont faibles. Uneautre initiative existe également à Anvers : ‘T vlot (La Chaloupe), petite asbl qui travaille avec les usagers de drogue et les sans-abri. En plus d’une salle d’accueil, unetrentaine de bénévoles s’organisent pour accompagner ces personnes dans les hôpitaux. Il faut faciliter leur inscription et ensuite leur rendre visite. En cas dedécès, le centre offre la possibilité d’organiser une petite cérémonie : purement laïque, chrétienne, musulmane, juive…

Le Front commun des SDF vient quant à lui de créer un groupe de travail pour réfléchir à la question de l’enterrement des SDF. « Nous n’ensommes encore qu’à l’évaluation de ce qui se fait ailleurs, explique Jean Peeters du Front. L’idéal, c’est qu’avec d’autres associations, nousrecevions un mandat de la Cocom au niveau bruxellois pour que nous puissions accompagner les SDF pendant leur hospitalisation et lorsqu’ils décèdent. Mais il faudra encore un peude temps avant que tout cela mûrisse, on vient juste de commencer la réflexion… » On attendra donc pour revenir sur la question.

1. Les Morts de la rue – tél. : 0033 (0)6 82 86 28 94 – courriel : mortsdelarue@free.fr
2. Front commun des SDF, rue d’Aerschot 56 à 1030 Bruxelles – GSM : 0479 68 60 20 – fax : 02 218 20 97 –
courriel : frontcommunsdf@hotmail.com

catherinem

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