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Regard critique · Justice sociale

Retour volontaire : alternative à l’immigration illégale ou option par défaut ?

C’est le 1er mai prochain que devraient débuter les travaux d’une cellule de coordination du retour volontaire au sein de l’Agence fédérale pourl’accueil des demandeurs d’asile (Fedasil)1. Financée par le ministère de l’Intégration sociale sous l’égide de Christian Dupont(PS)2, cette équipe de cinq personnes aura pour principaux objectifs d’informer les demandeurs d’asile et les acteurs de terrain, de former le personnel del’accueil et de renforcer l’accompagnement de la personne avant son retour et surtout dans le pays de retour. Missions jusqu’alors dévolues de manière permanenteà l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM)3 et plus sporadiquement à des organismes et ONG comme le Ciré4, VluchtenlingenwerkVlaanderen (OCIV)5 ou encore Caritas International6.

21-04-2006 Alter Échos n° 206

C’est le 1er mai prochain que devraient débuter les travaux d’une cellule de coordination du retour volontaire au sein de l’Agence fédérale pourl’accueil des demandeurs d’asile (Fedasil)1. Financée par le ministère de l’Intégration sociale sous l’égide de Christian Dupont(PS)2, cette équipe de cinq personnes aura pour principaux objectifs d’informer les demandeurs d’asile et les acteurs de terrain, de former le personnel del’accueil et de renforcer l’accompagnement de la personne avant son retour et surtout dans le pays de retour. Missions jusqu’alors dévolues de manière permanenteà l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM)3 et plus sporadiquement à des organismes et ONG comme le Ciré4, VluchtenlingenwerkVlaanderen (OCIV)5 ou encore Caritas International6.

 » Après plus de vingt ans d’expérience de retour volontaire en Belgique, il est temps de réunir les acteurs autour de la table car le réseau paraissait pour lemoins explosé, chacun recourant à des expériences one shot.  » Joan Ramakers, directeur adjoint des services opérationnels de Fedasil, insiste sur lanécessité de mener une politique structurelle intégrant davantage la personne dans son projet de réinsertion dans le pays d’origine. Ce constat émergedirectement du bilan 2005 réalisé par l’OIM, chargée depuis 1984 de la mise en œuvre du REAB (Return of Asylum Seekers Ex Belgium). Cette initiative àcaractère humanitaire vise à la base les trois catégories de migrants suivantes :

• Catégorie A : Les demandeurs d’asile qui ont délibérément suspendu leur demande visant à obtenir le statut de réfugié ;
• Catégorie B : Les demandeurs d’asile dont la demande a été rejetée ;
• Catégorie C : Tous les ressortissants étrangers, exception faite des personnes ayant obtenu le statut de réfugié et des citoyens de l’Union européenneou de l’espace Schengen, qui se trouvent dans l’indigence ou à charge des pouvoirs publics belges (souvent repris sous le terme  » illégaux « ) via l’aide médicaleurgente ou l’aide aux enfants d’illégaux.

Depuis le début de sa création, 34.758 personnes ont été assistées afin de retourner dans cent quarante-quatre pays différents. Les données dupremier trimestre 2006 confirment la tendance émergeant du bilan de l’OIM : le candidat REAB moyen est un homme originaire du Brésil, non demandeur d’asile, âgéde vingt-huit ans et demi et résidant à Bruxelles depuis environ quatorze mois7. Pascal Reyntjens, chef du programme au sein de l’organisation intergouvernementale,commente :  » Ce profil-type s’explique aisément : d’une part, les Brésiliens n’ont pas l’obligation de posséder un visa pour entrer sur le sol belge et,d’autre part, la diaspora notamment portugaise permet de faciliter le bouche-à-oreille du travail au noir, dans la construction par exemple « . Autre constat : la croissance des demandesde départ volontaire de la part des demandeurs d’asile déboutés ou illégaux (cat. B et C) qui dépendent à 70 % de l’assistance sociale des ONG etdes villes, et non des centres fédéraux ou Croix-Rouge, réservés aux demandeurs en attente.  » Une fois que la personne en situation irrégulière aépuisé toutes ses cartes et qu’elle est à bout, elle commence alors à envisager le retour volontaire, souvent après un séjour de parfois six ou septannées ! La nostalgie du pays et l’impossibilité de s’intégrer contribuent fortement à ce recours ultime « , complète Anne Dussart, responsable pourCaritas Belgique des services sociaux.

Pas de consensus sur le terme  » volontaire « …

Pour Fedasil et l’OIM, la décision volontaire comporte les deux éléments suivants : la liberté de choix définie comme étant l’absence decontrainte physique, psychologique ou matérielle et la décision réfléchie qui implique l’accès à une information suffisante, fiable et objective. Endéfinitive, le retour volontaire est envisagé comme alternative à la clandestinité mais aussi au retour forcé, avec son lot de stigmates, du ressort duministère de l’Intérieur. Françoise Raoult, coordinatrice du programme pour le Ciré, tempère :  » Il serait préférable de parler de retourconsenti car, à vrai dire, la personne n’a pas vraiment choisi son projet de vie et a été contrainte d’opter pour le REAB « . L’OCIV ne réserve lequalificatif  » volontaire  » qu’aux étrangers résidant en Belgique et qui décident de retourner dans le pays d’origine.

…mais accord sur les principes

Tant les partenaires publics que les associations rencontrées remettent en question le modèle qui prévalait jusqu’à présent, modèle digne desservices all-inclusive des agences de voyage, pour paraphraser madame Raoult. Le parcours classique comporte trois étapes clés : information auprès des services sociauxdes centres d’accueil, prise en charge du transport et accompagnement par les équipes de l’OIM et enfin prime à l’arrivée pour la réinstallation. Cetteprime donnée cash lors de l’embarquement s’élève à 250 euros par adulte et 150 euros par enfant. L’enveloppe totale allouée par leministère de l’Intégration est de 5.000.000 d’euros à partager entre les opérateurs du retour volontaire. Des fonds supplémentaires peuvent êtresollicités, notamment via le Fonds européen pour les réfugiés (FER) géré par Fedasil pour des projets spécifiques. L’approche  » projet  » estdorénavant privilégiée à la seule contribution financière, le soutien à la personne à la seule gestion des flux migratoires, l’appropriation duprojet à la  » passivité  » dans le programme. Le Ciré, Caritas et d’autres organismes comme Convivial8 en Belgique francophone ou de Overmolen9 pour lapartie néerlandophone offrent déjà des formations (ex : informatique, remise à niveau) ou encore, une fois le retour envisagé, un accompagnement à laréalisation de microprojets permettant d’envisager le démarrage d’activités génératrices de revenus.  » Avec notre programmeMigr’Actions10 entamé en 2004, nous nous sommes rendus compte que les formations doivent être spécifiques aux besoins des pays d’origine, d’oùl’importance de collaborer avec les associations locales « .

Accompagner oui, déresponsabiliser non !

 » Le retour volontaire constitue une liberté d’action dans le parcours du débouté ou de l’illégal qui peut développer ainsi une certaine autonomievia un processus de réintégration tout en évitant les mesures coercitives malheureusement connues de tous !  » Patrick Liebermann, coordinateur de la cellule Égalitédes chances, du cabinet Dupont, admet que le modèle est loin d’être parfait. Selon lui,  » il ne faut pas craindre une version minimaliste du programme REAB « . Il est vrai quel’octroi systématique d’une prime à l’arrivée n’engendre pas nécessairement le souhait pour les candidats d’entamer d’emblée uneactivité qui bénéficiera à la collectivité. Souvent meurtris par le sentiment d’échec inhérent à l’abandon du rêveeuropéen et affaiblis par les épreuves (ex : détention en centre fermé, conditions de transport), ils se contentent de combler les besoins primaires comme le logement etl’alimentation.  » Je préfère exprimer des réserves quant à la volonté réelle de ces personnes à faire appel aux structures locales en vued’être suivies sur le long terme. Chacun fait selon ce qu’il ressent sur le moment et doit prendre ses responsabilités. « 

Cherche partenaires particuliers

Si les objectifs de la future cellule sont clairement identifiés, à savoir la définition d’un cadre structurel et la réorientation de la question du retourvolontaire vers l’individualisation des parcours pourtant multiples, il n’en va pas de même pour la désignation des bénéficiaires et des partenaires. Ducôté des bénéficiaires tout d’abord, Patrick Liebermann met en avant trois facteurs qui contribueront à procéder dans un certain ordre pourl’octroi du  » ticket d’entrée  » au REAB : les opportunités diplomatiques, la composition des flux migratoires et les échos reçus des ONG et associations ditesde terrain. Le coordinateur cite l’exemple de l’Arménie, qui a signé un accord avec le gouvernement belge. Par ailleurs, les mineurs non accompagnés devraientêtre l’une des priorités. Du côté des partenaires,  » l’acteur principal sera l’OIM mais il sera tenu compte de la diversification des offres des servicessociaux « .

Enfin, il tient à lever le voile sur certaines ambiguïtés propices aux interprétations tronquées : le volet opérationnel ne relèvera pas directementde l’État, ni du ministère de l’Intérieur, mais sera de la compétence des organisations déjà actives dans le processus. Cependant, PatrickLiebermann insiste sur la nécessaire concertation entre les cabinets de l’Intégration sociale, de l’Intérieur et des Affaires étrangères pour lesorientations politiques du retour volontaire.

Partir des besoins locaux, miser sur le monitoring à long terme et surtout répondre aux multiples interrogations tant des candidats au retour que des travailleurs sociaux : telsdevraient être les objectifs de la cellule de coordination. Bien que la procédure de demande d’asile soit de moins en moins envisagée – suite à la longueur dela procédure pour les uns ou à l’absence de critères objectifs pour les autres – 50.000 personnes sont encore actuellement sur les listes d’attente. Huit surdix seront  » invitées  » à quitter le territoire ou à se fondre dans la masse des invisibles.  » Je ne peux demander aux assistants sociaux de vendre le retour volontaire et briserainsi la confiance qui les lie à la personne, conclut Françoise Raoult. Cependant, une information claire et concrète sur les possibilités de réintégrationsociale dans le pays d’origine, à condition que la sécurité y soit assurée, doit être donnée. Pour ce faire, la concertation de l’ensemble desservices est plus que nécessaire. « 

Echos d’expériences pilotes

10

L’Afghanistan : C’est depuis 2003 que l’OIM propose une aide supplémentaire aux Afghans qui veulent rentrer au pays suite à l’oppression du régimetaliban. Financé par l’UE, le groupe cible pour la Belgique se compose des personnes arrivées avant le 28 juin 2002. L’offre propose, outre les soins d’assistancemédicale et de transport, une double prime au retour et la possibilité de suivre une formation professionnelle de trois mois à Kaboul dans le secteur de la construction, de lavente, des langues et de l’informatique. Le logement et les outils sont également pris en charge durant cette période. La formation a un coût réel d’environtrois cents euros.
Du 1er juin 2003 au 31 octobre 2004, quatorze personnes en cours de procédure en Belgique ont bénéficié de ce projet et, après suivi par l’antennelocale de l’OIM, tous ont trouvé ou retrouvé un emploi. Le fait saillant à noter dans cette expérience était la volonté de ne pas discriminer lesAfghans qui n’étaient pas partis : pour une formation offerte à un bénéficiaire du programme, une formation équivalente était donnée àune personne restée au pays.

Afrique subsaharienne : De 1999 à la mi-2003, l’OCIV a accompagné 442 candidats entrepreneurs africains. 213 d’entre eux ont réalisé un pland’entreprise et ont sollicité l’aide de l’OCIV. Ces plans concernaient surtout le secteur des services (informatique, horeca, etc.) mais aussi le secteur del’agriculture (entreprises familiales de production de bétail, élevage et grandes cultures) et de l’industrie (transformation de produits alimentaires, production de savon,couture, artisanat, etc.). Après examen des plans, 33 % ont obtenu un subside. Même si l’aide financière était sans doute l’attraction première, il fautnoter que le tiers de ces « success-stories » ont permis d’engendrer un effet démultiplicateur par les emplois créés, permettant de faire vivre des familles élargiesentières.

Témoignages de…

Monsieur A. F., projet d’agriculture et d’élevage, Albanie :  » Cela faisait longtemps que je voulais rentrer. J’avais acheté un terrain et j’envoyaisde l’argent à ma famille pour construire une maison mais ils ont ‘bouffé’ l’argent. Chaque fois que je voulais entreprendre quelque chose, je ne savais pascomment le faire […]. L’aide du partenaire local m’a été très bénéfique. Il m’a aidé à décrocher un microcréditpour me permettre d’avancer et d’agrandir mon exploitation « .

Monsieur V. A., menuisier, Niger : Quand je suis revenu au pays, je n’avais rien, ni argent ni formation. Alors je me suis demandé ce que je pourrais faire pour gagner ma vie.Au village, personne ne faisait de meubles en bois, j’ai pensé qu’il y avait un marché pour ça et je suis allé voir un bureau d’études àNiamey pour leur demander leur avis. Grâce à eux, un artisan menuisier de la capitale m’a pris trois mois en apprentissage […]. Je pense que le retour dans le paysd’origine doit partir d’une bonne préparation et que souvent nous n’avons pas la possibilité de le faire nous-mêmes. Moi, j’avais des compétences,mais si depuis la Belgique, on m’avait mieux orienté pour mieux m’insérer au pays, je n’aurais pas eu tous ces problèmes. Heureusement pour moi, je m’ensuis sorti. Il faut qu’on soit plus proches des réalités locales.

1. Fedasil, rue des Chartreux 21 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 213 44 11 – fax : 02 213 44 22 –contact : Joan Ramakers – joan.ramakers@fedasil.be
2. Cabinet de Christian Dupont, rue de la Loi 51 à 1040 Bruxelles – tél. : 02 790 57 11 – fax : 02790 57 98 – contact : Patrick Liebermann – patrick.liebermann@p-o.be
3. IOM Brussels Office, rue Montoyer 40 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 282 45 60 – fax : 02 230 07 63– contact : Pascal Reyntjens – preyntjens@iom.int
4. Ciré, rue du Vivier 80-82 à 1050 Bruxelles – tél. : 02 629 77 10 – fax : 02 629 77 33– contact : Françoise Raoult – fraoult@cire.irisnet.be
5. OCIV, Rue Gaucheret 164 à 1030 Bruxelles – tél. : 02 274 00 20 – fax : 02 201 03 76 –info@vluchtelingenwerk.be
6. Caritas, rue de la Charité 43 à 1210 Bruxelles – tél. : 02 229 36 29 – fax : 02 229 36 25– contact : Anne Dussart – a.dussart@caritasint.be

7. Pour les chiffres, voir  » Dossier de presse  » dans le communiqué du 23 mars 2006 sur le site : www.christiandupont.be
8. Asbl Convivial, rue du Charroi 33-35 à 1190 Bruxelles – tél. : 02 503 43 46 ou 0474 74 11 88 – fax : 02503 19 74 – Services accessibles sur rendez-vous – Contacts : Sophie Cobbaert – administration@convivial.be
9. De Overmolen, Cellebroersstraat 16 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 513 09 99 – fax : 02 503 32 22 – info@deovermolen.be
10. Ciré et OCIV,  » Aide au Retour Volontaire : Constats et Perspectives « . Étude conjointe de 2005 disponible sur le site www.cire.irisnet.be

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