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Régularisations, migration économique, encore un certain flou…

L’accord de gouvernement du 18 mars 2008 comporte quelques avancées en matière de régularisation. Les mesures annoncées ne sont toutefois que des déclarationset, donc, ne sont pas encore applicables. Leur entrée en vigueur nécessitera des instructions plus complètes de la part de l’administration de l’Office des étrangers et dupolitique. En attendant, un certain flou règne et de nombreuses questions se posent. Le Ciré1 et le Centre pour l’égalité des chances2 ontd’ores et déjà réagi.

14-04-2008 Alter Échos n° 249

L’accord de gouvernement du 18 mars 2008 comporte quelques avancées en matière de régularisation. Les mesures annoncées ne sont toutefois que des déclarationset, donc, ne sont pas encore applicables. Leur entrée en vigueur nécessitera des instructions plus complètes de la part de l’administration de l’Office des étrangers et dupolitique. En attendant, un certain flou règne et de nombreuses questions se posent. Le Ciré1 et le Centre pour l’égalité des chances2 ontd’ores et déjà réagi.

Le PS et le CDH en avaient fait une condition d’entrée au gouvernement. L’immigration n’a donc pas été oubliée et certaines avancées sontnotées mais il va falloir attendre les précisions. Par ailleurs, des matières telles que le regroupement familial et la naturalisation connaissent une conditionnalité plusgrande, rendant leur accès plus difficile encore. En termes de régularisation, l’accord stipule que des critères d' »ancrage local » entreront en compte dans la demande.L’avis du bourgmestre sera notamment sollicité pour apprécier l’intégration des sans-papiers.

Quant à la commission de régularisation réclamée depuis longtemps, l’accord de gouvernement précise à ce sujet : « Sur la base d’étudesscientifiques récentes, le gouvernement étudiera et décidera à court terme de l’opportunité de charger une commission indépendante de la compétenceexclusive de décider quant aux demandes de régularisation (…). » Aujourd’hui, comme le relève le Ciré (Coordination et initiatives pour réfugiéset étrangers), rien n’est donc certain quant à la mise en place d’une commission de régularisation, même si certains partis politiques estiment qu’il y a un accord sur cepoint et annoncent qu’elle verra bien le jour prochainement.

Face à cette incertitude, les cercles du silence de seize villes belges3 ont demandé dans une lettre adressée le 18 mars à Yves Leterme « de veillerà la mise en place concrète – il ne peut s’agir d’une éventualité ! – d’une commission permanente. L’objectivation des critères étant difficile,cette commission permettrait justement d’appréhender et de prendre en compte plus objectivement les ‘ancrages locaux’ dont parle l’accord de gouvernement. L’avis éventueldes autorités locales est un ‘plus’ mais rencontre aussi des limites lorsque les personnes sont, par exemple, isolées ou habitent de grandes entités, où ellesse retrouvent perdues ‘dans la masse’. Nous regrettons également que les critères soient inscrits dans une circulaire et non dans une loi. Nous demandons enfin, etprioritairement, la mise en place rapide d’un moratoire visant à empêcher l’enfermement et l’expulsion des personnes qui pourraient rentrer dans les mesures proposées dansl’accord de gouvernement. »

Y aura-t-il une régularisation par le travail ?

En concertation avec les Régions et les Communautés, le nouveau gouvernement fédéral ouvre la voie « à court terme » à une certaineimmigration économique « en tenant compte des réserves actuelles du marché du travail et de l’effet de la suppression imminente des restrictions à la librecirculation des travailleurs des nouveaux États membres de l’Union européenne (UE) ».

Tout en considérant que la libre circulation prochainement accordée aux ressortissants des nouveaux entrants dans l’UE devrait combler une partie de ces emplois vacants, l’accordévoque donc la possibilité pour les ressortissants d’États tiers, éventuellement en situation de clandestinité, d’obtenir un permis de séjour, d’abordtemporaire puis peut-être définitif, pour pallier les pénuries fortement ressenties dans certains secteurs. L’accord de gouvernement mentionne sur cette question qu’ «(…) il déterminera selon quelles modalités les personnes qui séjournent durablement dans notre pays depuis le 31 mars 2007 et qui ont une offre de travail ferme, quiacquièrent un statut de travailleur indépendant ou qui peuvent prouver dans un délai de six mois qu’ils l’ont acquis, peuvent acquérir de façon exceptionnelle etconcomitamment un permis de travail et un titre de séjour ».

Donc oui, aujourd’hui, le gouvernement annonce avec certitude une régularisation par le travail… mais les modalités pratiques devront encore êtredéterminées.

À propos de la migration économique, Édouard Delruelle, directeur francophone du Centre pour l’égalité des chances, se dit « conscient qu’ils’agit d’une question très sensible puisqu’elle touche au marché du travail et relève donc en grande partie de la concertation sociale et desprérogatives des partenaires sociaux. Nous insistons donc pour que des procédures de concertation élargies soient mises en place, afin que toute ouverture puisse s’appuyersur un large consensus social. » Dans le cadre d’une ouverture qu’il appelle de ses vœux, le Centre réitère donc son souhait que la Belgique ratifie laConvention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. « Ce qui ferait de notre pays le premier État européenà y souscrire et donnerait alors une impulsion à l’Europe dans ce sens. »

Attaches durables et longues procédures d’asile

À ce sujet, le gouvernement a annoncé dans son accord que : « Le critère relatif à la longue procédure tel qu’il a été appliquéjusqu’à présent ne tenait compte que d’une procédure d’asile de trois ans (avec enfants) ou de quatre ans (sans enfants). Nous élargirons ce délai à quatreou cinq ans pour les procédures incluant l’intervention du Conseil d’État et/ou l’article 9 §3 de l’ancienne loi (…). Lors de l’appréciation du motif humanitaireurgent sur la base de l’ancrage local durable, on peut tenir compte des avis des autorités locales ou d’un service agréé (…). Dans chacun des cas mentionnés, onvérifiera si la personne concernée ne constitue pas un danger pour la sécurité ou l’ordre public. »

Si le Centre pour l’égalité des chances se réjouit de nouvelles dispositions qui devraient permettre à de nombreux sans-papiers – ayantdéveloppé en Belgique des attaches durables – d’obtenir un titre de séjour, celles-ci restent toutefois, toujours selon le Centre, assez vagues. Ainsi la mise surpied d’une commission indépendante, qui seule peut garantir l’égalité de traitement, est renvoyée à un avenir indéterminé. Le Centresouhaite que les espoirs suscités par cet accord, notamment auprès des sans-papiers qui ont fait entendre leur voix ces dernières années, ne restent pas sansréponse.

Le regroupement familial plus restrictif

En matière d’accès au regroupement familial, l’accord de gouvernement annonce la généralisation d’une condition de revenu. La précédenteréforme, qui avait notamment introduit des conditions d’âge, de logement et d’assurance maladie pour certaines familles, n’est pas encore entréeentièrement en vigueur et n’a a fortiori pas pu faire l’objet d’une évaluation. Elle avait en outre entraîné un recul en termes de garantiesprocédurales. Aujourd’hui, la seule instance qui se prononce au fond sur le droit de vivre en famille est l’Office des étrangers. À ce sujet, le Centre rappelle sarecommandation : il faut que le Conseil du contentieux des étrangers soit doté dans cette matière d’une compétence de plein contentieux, c’est-à-direavec un effet suspensif du recours et pleine compétence d’examen en faits et en droit du dossier.

Le Centre se réjouit par ailleurs que l’accord franchisse un pas vers la fin de la détention des mineurs, qui reste inacceptable à ses yeux. Cependant, il regrette quela partie de l’accord qui concerne les centres fermés ne comporte pas plus d’avancées. « Habilité à visiter régulièrement ces derniers etconnaissant bien les problèmes structurels qui y sont concentrés, le Centre estime qu’il est temps de remettre à plat toute la politique de détention etd’éloignement, à partir d’une évaluation globale de type « coûts-bénéfices », ainsi qu’en termes de droits humains. »

À noter enfin, qu’une ministre de la Politique de migration et d’asile, Annemie Turtelboom (VLD), figure parmi le nouveau gouvernement. L’accueil des demandeurs d’asile reste cependant unecompétence de la ministre de l’Intégration sociale, Marie Arena (PS). En ce moment, un protocole est en préparation entre cette dernière et la ministre de l’Emploi,Joëlle Milquet (CDH) pour s’accorder de façon plus précise sur les répartitions de compétence.

Compte tenu des informations incomplètes dont le Ciré dispose sur la mise en œuvre des nouveaux critères de régularisation, l’ONG conseille aux personnesqui pensent entrer dans un des critères de :
– suivre l’actualité du site du Ciré ou via les services sociaux spécialisés en droit des étrangers (cf. associations membres) ;
– en cas de délivrance d’un ordre de quitter le territoire après le 10 octobre 2007 alors que les critères semblent remplis, contacter un service socialspécialisé ou un avocat.

Contact : 02 629 77 10
– courriel : cire@cire.irisnet.be
– site : http://www.cire.irisnet.be

1. Ciré :
– adresse : rue du Vivier, 80/82 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 629 77 10
– courriel : cire@cire.irisnet.be
– site : www.cire.irisnet.be
2. CECLR :
– adresse : rue Royale, 138 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 212 30 15
– site : www.diversite.be

3. Des « cercles du silence » se sont tenus ces dernières semaines dans de nombreuses villes francophones et néerlandophones. Il s’agit d’un rassemblement sous formede « cercle silencieux » où des citoyens avec ou sans papiers se serrent les coudes autour d’un objet symbolique représentant leurs déceptions (par ex. les promesses nontenues en matière de régularisation).

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