Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Archives

Quand le privé prône un logement décent pour tous

Ce 30 novembre, le consultant immobilier GVA Grimley1 organisait un colloque sur le thème : “Un logement décent pour tous”. À l’heure où lesnouveaux collèges et conseils communaux vont être installés, il lui semblait opportun de faire le point sur les six années à venir et un nécessairepartenariat entre le public et le privé pour un “renouveau résidentiel” en Région wallonne et en Région de Bruxelles-Capitale.

04-12-2006 Alter Échos n° 220

Ce 30 novembre, le consultant immobilier GVA Grimley1 organisait un colloque sur le thème : “Un logement décent pour tous”. À l’heure où lesnouveaux collèges et conseils communaux vont être installés, il lui semblait opportun de faire le point sur les six années à venir et un nécessairepartenariat entre le public et le privé pour un “renouveau résidentiel” en Région wallonne et en Région de Bruxelles-Capitale.

Soulignant le problème d’accès au logement, GVA Grimley constate l’impossibilité des pouvoirs publics à pouvoir fournir des logements moyens et sociaux en suffisance,vu le manque de finances. D’où la nécessité de recourir à des financements alternatifs. Le promoteur immobilier suggère de recourir, par exemple, aux « sicafirésidentielles »2 : “Elles ne poursuivent pas les mêmes objectifs que les promoteurs immobiliers. Le but n’est pas le bénéfice immédiat mais bien unrevenu régulier indexé. Le fait que les loyers soient conventionnés n’est pas un obstacle. Dans certains cas, la propriété ultime peut revenir aux pouvoirspublics.”

Et de marteler à l’oreille des pouvoirs publics : “Faites la différence entre immobilier et finance ; donnez des terrains aux investisseurs privés et ils construirontdes logements accessibles à tous, de qualité et avec des loyers conventionnés. En d’autres termes, il est possible de faire beaucoup mieux dans le logement sans augmenter lesbudgets.”

Le décor

Pour introduire la journée, Vincent Maroy de GVA Grimley a brossé le tableau noir du marché du logement. “La hausse des prix est beaucoup plus forte que celle du pouvoird’achat, démontre-t-il, tableaux à l’appui. Pour des revenus moyens ou inférieurs, acheter un appartement deux chambres pourrait se traduire par un emprunt sur 25 ans quireprésenterait 44 % du budget du ménage. Les “key men” (policiers, pompiers, instituteurs, infirmières) n’ont plus la capacité financièred’acheter. Et il en va de même pour les bas salaires. Quant au marché locatif, il suit la tendance avec une hausse des loyers beaucoup plus importante pour les logements modestes.
D’ici 2015, en Wallonie, deux tiers des ménages compteront deux personnes ou moins. Parallèlement, le marché va évoluer en fonction du taux d’activité et du typed’emplois décrochés : augmentation des contrats à durée déterminée, de l’intérim, des temps partiels et du travail précaire. Vu cette tendance,il faudrait produire 100 000 logements supplémentaires et faire passer la proportion de petits logements de 10 % à 30 % d’ici 2015. Or, les promoteurs préfèrent produirede l’acquisitif. L’offre sera donc inadaptée à la demande. D’autant plus que le secteur social ne pourra pallier ce déficit d’offre : en Région bruxelloise, pour lapériode 2000-2005, on a produit 29 logements sociaux par an ; en Région wallonne, on en a produit 540 en 2005…

Difficultés à produire du logement moyen

Un panel de promoteurs privés, un architecte et un promoteur public – la Société de développement de la Région de Bruxelles-Capitale (SDRB) – ontété confrontés à des questions directes sur le logement moyen : Pourquoi le secteur n’arrive-t-il pas à produire davantage de logements moyens à bonmarché ? Qu’en est-il du logement moyen conventionné ? En réponse à la première question, Luc Willame de la SDRB explique que ce n’est pas lié à desproblèmes budgétaires, mais plutôt à un blocage entre cabinets ministériels. L’architecte Jacques Galand doit faire face à la volonté de Bruxelles depréserver ses espaces verts et à la nécessité de se rabattre sur des zones à réhabiliter et à dépolluer. Jean-Jacques Delens (Besix Real EstateDevelopment) produit des logements supérieurs et du logement moyen supérieur, car construire des appartements plus petits coûte trop cher. Pierre Iserbyte (Foruminvest) admetfaire du logement haut de gamme parce que cela rapporte plus. Serge Fraeijs de Veubeke (Consortium immobilier général) pose franchement la question : les promoteurs et les entrepreneurssont-ils prêts à réduire leur marge bénéficiaire? “Peut-être qu’on réduisant la marge, on produirait plus vite et on vendrait plusvite.”
Sur le logement moyen conventionné, la SDRB ne fait que ça (200/an) et a une liste d’attente de 3 500 candidats. Certains promoteurs privés souhaiteraient pouvoir travaillerdirectement avec les communes pour discuter de la mise à disposition de terrains. L’ensemble des intervenants mettent aussi en avant des éléments importants pour réaliserdu logement : il faut un environnement de qualité et aussi assurer une mixité des fonctions (commerces, services de proximité), une mixité sociale et une mixité delogements acquisitifs et locatifs.

Du logement social

Sur la production de logement social, Claude Desama (PS), maïeur de Verviers, s’interroge : comment construire du logement social lorsqu’on n’a pas de terrain disponible, si ce n’est ense rabattant sur d’anciennes zones industrielles désaffectées à dépolluer. Pour Jean-Luc Roland (Ecolo), bourgmestre d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, la commune a peu depouvoirs, c’est la Région wallonne qui est compétente en matière de logements sociaux au travers des programmes communaux. Il déplore toutefois, pour le Brabant wallon, lamauvaise répartition des logements sociaux : selon lui, seules quatre communes concentrent tout le parc social.
De son côté, Hervé Doyen (CDH), bourgmestre de Jette, estime que la construction de logements en général est plus un problème juridique qu’un problèmed’ingénierie. Il insiste sur la nécessité de ne pas oublier les revenus moyens. Concernant le logement social, il regrette que les conditions d’accès à celui-cientraînent une ghettoïsation, puisqu’elles n’autorisent plus à y entrer que des personnes qui ne travaillent plus. Vincent Dewolf (MR), bourgmestre d’Etterbeek, prône lamixité en matière de logement social. Et de citer le complexe à Rolin, où l’on trouve du logement social, du logement moyen, du logement de luxe et des bureaux.“Néanmoins, souligne-t-il, la cohabitation n’est pas évidente.”
Il pointe aussi le fait qu’il ne faut pas se contenter de construire, il convient de rénover également, “car si on construit du logement social neuf pour de nouvelles populationset qu’on ne rénove pas le logement des anciennes populations, cela crée des tensions.” Pour relancer la construction de logements sociaux, il appuie la diminution de la TVA ouencore suggère de créer une sicav immobilière de logement public.

Droit à un logement décent

Ces échanges – et d’autres qui ont suivi dans la journée – visaient ni plus ni moins à faire en sorte que l’article 23 de notre Constitution soit autre chose“qu’un objectif vague et lointain” ou “un slogan pour se donner bonne conscience”, pour reprendre les termes de Vincent Maroy.

1. GVA Grimley, chée de la Hulpe 130 bte 8 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 737 70 70 – courriel : grimley@grimley@be – site : http://www.gvaworlwide.com

2. Sociétés d’investissement à capital fixe immobilières.

Baudouin Massart

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)