La Mission régionale de Charleroi1 a fêté les dix ans de sa création en organisant le 22 mars un colloque dont la première partie était intitulée »Le travail et les jeunes : je t’aime, moi non plus! ». Antonio Del Valle Lopez, directeur de la Mirec, l’explique par le fait que « la présence volatile des jeunes dans nos dispositifséveille en nous nombre de questions inconfortables quant à nos pratiques, nos conceptions… notre action ». Elle a donc voulu donner la parole à différentstémoins, experts et responsables afin de « croiser les points de vue et initier des réflexions ». Léon Cassart, échevin de l’Emploi de la Ville de Charleroi, a ainsiconfirmé que si le chômage avait baissé entre 1997 et 2000 dans sa commune (mais moins chez les femmes), il concernait toujours 22% des 18-24 ans, et que 70,5% des chômeursn’avaient atteint que le secondaire inférieur.
Marché du travail : une dynamique défavorable aux jeunes
Mateo Alaluf (sociologue du travail de l’ULB) a quant à lui appelé à un changement de regard sur la réalité de l’insertion des jeunes. Pour lui « l’allongementd’études indéterminées n’est que le reflet inversé de l’évolution du marché du travail ». « Comme il n’y a plus d’emploi (en tout cas autre queprécarisé, de type ‘call center’), les élèves restent autant que possible dans le général », mais cette fuite en avant a un coûtd’adaptation spécifique pour les jeunes des milieux populaires, puisqu’il leur est « impossible de déchiffrer cet univers étrange d’un enseignement qui n’est plus de promotionsociale » et où « il vaut mieux être en échec que réorienté ». Il a plaidé au final, dans une critique de la notion d’insertion et de ses aspects moralisateurs,pour « respecter la manière dont les gens se débrouillent » et pour que « face à leur détresse, on ne leur apporte pas la seule réponse de l’injonction àl’emploi ».
Miguel Oliveira Silva, assistant social et responsable « Jeunes FGTB » de Charleroi, est venu illustrer ces propos par toute une série de cas : le retour chez la grand-mère pour s’ydomicilier, la multiplication des contrats à durée déterminée à la semaine, voire au jour, la logique de la proportion forte d’intérimaires (souvent jeunes)que gardent les entreprises afin de s’en défaire ou les rappeler suivant les soubresauts de la conjoncture… Sur ce dernier plan, il a proposé de multiplier les possibilitésde reprise d’études sans diplôme préalable, mais sur la base d’un examen (comme c’est le cas pour la formation d’assistant social). Giullia Del Brenna, de la DG Emploi de laCommission européenne, a rappelé l’objectif de qualité de l’emploi au niveau européen où, si le chômage des jeunes a baissé d’un quart depuis 1995, 40%des jeunes employés sont temporaires et 2/3 des emplois jeunes sont de mauvaise qualité (bas salaires…).
Le rôle des stratégies pour l’insertion
La ministre Arena a enfin rappelé les initiatives du gouvernement wallon, approfondissement de Rosetta, réforme des PRC, mais aussi en termes de soutien à la politique scolairede la Communauté française (financements, équipements, primes…) puisque « en Région wallonne, nous avons ce handicap de ne pas être maîtres de notreenseignement sur notre territoire ». L’enjeu est, selon elle, crucial puisque l’enquête PISA de l’OCDE a démontré que « notre école est la moins équitable ». Elle arappelé aussi la difficulté d’inciter les jeunes les moins qualifiés à se former « vu leur vécu d’échecs scolaires » et veut ouvrir le champ de lacréativité en matière de revalorisation du qualifiant (notamment dans l’alternance). Mais un partenariat avec les entreprises ne pourra s’ouvrir, selon elle, que si « celles-ciouvrent un nombre de stages correspondant aux jeunes du qualifiant : 100.000 ».
L’après-midi était consacrée à la question du développement territorial. La Mirec entend en effet, comme l’a précisé son directeur dans son discoursd’ouverture, continuer à se positionner comme lieu d’impulsion, de rassemblement et de coordination des stratégies locales et sous-régionales pour le développement etl’emploi. Elle a remis à l’ordre du jour l’idée de lancer sur le bassin carolo une initiative d’envergure inspirée des Plans locaux pour l’insertion et l’emploi (Plie) quifonctionnent depuis une dizaine d’années en France2.
1 Mission régionale pour l’insertion et l’emploi à Charleroi, rue de Trazegnies 41 à 6031 Monceau-sur-Sambre, tél. : 071 20 82 20, fax : 071 30 08 23, e-mail :mirec@ntc.be, site Web : http://www.cbcht.net/membres/mirec.html
2 Renseignements sur les Plie auprès de l’Alliance villes emploi sur http://www.ville-emploi.asso.fr
Archives
"Pour ses dix ans, la Mirec se penche sur les difficultés d'insertion des jeunes"
Donat Carlier
02-04-2002
Alter Échos n° 117
Donat Carlier
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